Je raconte la fuite hors de Carthage, l'océan avec le temple d'Hercule consacré au couchant, le rêve du monstre couvert de serpents, le passage du Rhône, la traversée des Alpes avec les éléphants dans la neige. J'y ai mis toutes mes facultés de narrateur. Une situation homérique s'est créée, comme quand Ulysse raconte ses aventures aux Phéaciens. Zarian, ravi, traduit, Vardges apporte un surcroît de vin, le petit Armen, aux cheveux roux, écoute, les yeux écarquillés.
"Mais finalement, il atteint son but ?", demande le berger.
"Oui, dis-je, puisqu'il est vrai qu'aujourd'hui, on parle encore de lui. Hannibal croyait seulement à l'immortalité de la mémoire." Puis j'ajoute : "Vois-tu, Vardges, si cet homme n'avait pas existé il y a deux mille deux cents ans, nous ne nous serions jamais connus."