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Critiques de Pascal Blanchard (34)
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Histoire des préjugés

39 historiennes et historiens reconnus et de différents horizons tentent de déconstruisent près d’une cinquantaine de préjugés dans cet essai édifiant.



Histoires des préjugés se penchent sur l’origine et sur les effets que peuvent encore avoir ces idées préconçues sur notre société moderne. Cet essai nous fera voyager dans le temps et dans l’espace et nous offre une liste très exhaustive et pertinente. On apprend énormément de choses dans cet ouvrage. Bien que chaque partie ne contienne que quelques pages, ce texte m’a permis de découvrir des auteurs et m’a donné envie de me pencher sur des textes plus approfondis sur plusieurs des thématiques proposées.



Le pari est donc parfaitement réussi et je conseille fortement cet essai qui a su parfaitement être didactique et agréable à découvrir. Il nous prouve que l’Histoire et la vérité historique a une importance fondamentale.
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Le racisme en images

Je tiens à commencer par remercier très chaleureusement les éditions La Martinière et Babelio pour leur confiance dans ce partenariat Masse Critique.



Si le 21ème siècle a éduqué ses populations pour endiguer le racisme, l'actualité montre, malheureusement que certains poncifs ou clichés restent d'actualité dans tous les milieux sociaux et culturels.



La présentation qu'avait fait Pascal Blanchard de son ouvrage dans La Grande Librairie m'avait tout de suite intéressée, alors lorsque je l'ai vu dans le catalogue de Masse Critique, c'était une évidence. Et le moins qu'on puisse dire c'est que je n'ai pas été déçue.



Si je ne suis pas une adepte de la déconstruction pour la déconstruction, j'ai trouvé que le postulat de départ du documentariste était très pertinent, d'autant plus aujourd'hui alors que nous évoluons dans une société d'images.



Les auteurs ont donc divisé ce livre en chapitre chronologique afin de démontrer comment l'image a été l'un des outils les plus efficaces et les plus insidieux pour faire accepter les thèses selon lesquelles certaines civilisations étaient inférieures ou , pire, plus dangereuses que d'autres.

L'approche est très concrète et rigoureuse et est complétée par des encarts dans lesquels des personnalités (artistes, écrivains ou joueurs professionnels) décrivent une image qui a marqué leur enfance ou jeunesse et qui leur a fait intégrer l'idée selon laquelle ils étaient issus d'une communauté plus ignorante, plus lascive ou plus apte à "dominer les autres". le fait d'avoir intégrer ces pages permet au lecteur de souffler un peu car cela reste un ouvrage qu'il est nécessaire de lire à tête reposer et de laisser "décanter" pour mieux comprendre comment nous aussi nous avons pu être influencé de cette manière.



A l'heure où l'école publique sert aux jeunes des discours qui donnent l'impression que les discours stigmatisants ont des formes uniques, cet ouvrage montre à quel point il n'en est rien et que nous ne sommes pas à l'abri de perpétuer de tel schéma nauséabonds en pensant sincèrement que ce que nous faisons ou ce qui nous fait rire est anodin.

Merci aux auteurs de nous permettre de réfléchir aux mécanismes de racisme et de la façon subtile qu'il a de se cacher (sans pour autant tomber dans l'excès inverse à dénoncer tout et n'importe quoi comme étant du racisme).
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De l'indigène à l'immigré

La première conférence internationale sur l'Afrique a eu lieu à Berlin en 1884-85 au nom du " libre-échange " et s'est traduit par le partage d'une grande partie du continent entre les principales puissances occidentales de l'époque. La France y était présente en bonne position. Elle eut sa part du gâteau sans trop de douleurs. Et ce fut l'une des rares occasions où la grandeur grossièrement affichée de l'impérialisme occidental se montra prête à remodeler le monde, sans ambiguïté aucune, à l'image de ses propres fantasmes et projections.



Il va de soi que l'on pourrait analyser le fait sous l'angle uniquement économique : toute entreprise capitaliste bien menée sait se donner les moyens aussi bien intellectuels que matériels d'aboutir à ses fins. Par exemple pour transformer, au sortir de l'esclavage, des générations entières d'individus issus des possessions françaises en chair à fric, et plus tard encore, en chair à canon au nom de la République. On connaît le fameux couplet de Jules Ferry pour légitimer la conquête coloniale : " les races supérieures ont un droit sur les races inférieures. Je dis qu'il y a pour elles un droit parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures ". Et on connaît le résultat.



Mais l'angle économique ne saurait tout expliquer. Car ceci n'était que l'expression d'un long processus qui allait au gré de l'histoire, et pour longtemps encore, fournir à l'opinion française ces contradictions toujours tendancieuses lui permettant de redéfinir régulièrement son rapport avec ces individus évoluant en son sein mais considérés comme des " pièces rapportées ". Des individus issus, à une ou trois générations près, des populations de ses anciennes colonies. Pour mémoire... à la fin du XIXè siècle, l'idéologie coloniale avait su trouver les mots pour inventer le modèle sauvage de l'" indigène " à qui la République devait à tout prix apporter la lumière. Par la suite, on tenta le coup de la politique d'assimilation. Puis, il y eut les indépendances et le besoin de main-d'oeuvre étrangère et son flux d'immigration.



Sans trop figer les stéréotypes sur l'Autre (le nègre, l'arabe...), sans trop s'en débarrasser non plus, on fit alors grand cas dans la société française du phénomène immigré, qui supplanta celui de l'indigénat. L'époque avait changé mais le principe restait le même : selon les besoins, il fallut trouver de nouveaux mots pour mieux intégrer la présence de l'Autre (qui reste un danger permanent). Déconstruire une image pour en mettre une autre qui nous arrange à la place, à défaut de pouvoir assumer pleinement les pages d'une histoire complexe et mouvementée, voilà le fin mot de l'histoire. Pascal Blanchard et Nicolas Bancel, spécialistes en matière d'iconographie et d'histoire coloniales, se lancent à travers ce livre dans une aventure critique qui dit " avec force et mieux qu'un discours l'imaginaire sur l'Autre, indigène puis immigré ", tel qu'il a été vécu depuis la fin du siècle dernier et tel qu'il continue à se vivre dans la France des années 90. Des pans entiers de l'histoire se perdent : la preuve par 128 pages... Un travail de mémoire, une belle réflexion en somme pour les allumés du discours sur l'intégration. Le débat, certes, reste encore ouvert ! Mais la réalité historique ne saurait trop s'effacer. Bonne lecture



. Shttp://www.africultures.com
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Culture coloniale en France : De la Révolutio..

Les éditions du CNRS ont pris l’heureuse initiative de réunir en un seul volumineux ouvrage de plus de 700 pages les trois tomes dans lesquels les chercheurs de l’ACHAC ont décrit l’émergence ("Culture coloniale 1871-1931"), l’apogée ("Culture impériale 1931-1961") et la persistance ("Culture post-coloniale 1961-2006") d’une culture coloniale. Il s’agit de renverser la perspective habituelle qui insiste sur les bouleversements provoqués par la colonisation dans les colonies pour montrer combien la métropole elle-même a été influencée en retour par les conquêtes coloniales. Cette thèse était au centre de "La fracture coloniale" qu’ils avaient publié en 2005 et qui décrivait les effets laissés dans la société française par les héritages coloniaux. Ce livre avait eu un certain retentissement et avait provoqué un débat tandis que battait son plein la controverse sur la loi du 23 février 2005 dont l’article 4 avait bien imprudemment recommandé de valoriser dans les programmes scolaires les aspects positifs de la colonisation. D’un côté, ou lui savait gré de remettre le legs colonial au cœur du débat du l’identité nationale dont il avait été trop longtemps refoulé. De l’autre on lui avait reproché de faire le lit du communautarisme.



"Culture coloniale" est moins sociologique, plus historique dans son approche. L’histoire de la culture coloniale depuis 1870 est décrite dans ses moindres aspects. Les auteurs sont particulièrement convaincants quand ils montrent comment les Français durant l’entre deux guerres ont baigné dans une culture coloniale omniprésente qu’ils traquent au cinéma, au music-hall, dans la littérature de voyage mais aussi dans des objets plus surprenants : les cartes postales, les jouets, la publicité (le nègre hilare de Y’a bon Banania est bien sûr mentionné). Ce travail de déconstruction empirique d’un ensemble de dispositifs culturels démontre la force de séduction exercée par la culture coloniale. La conséquence fut l’adhésion quasi-unanime des Français de l’Empire, qui culmine lors de l’Exposition coloniale de Vincennes de 1931.



Même si elle peut susciter quelques réserves, l’œuvre des chercheurs de l’ACHAC présente une cohérence admirable et mérite d’être saluée. Depuis une quinzaine d’années, Blanchard, Lemaire et Bancel poursuivent leurs recherches sur la colonisation, la construction de l’image de l’autre, les liens entre immigration et décolonisation, dans une multitude de recherches et d’ouvrages : l’essai "La République coloniale" publiée avec Françoise Vergès, le colloque "Les Zoos humains" à l’Institut du monde arabe fin 2001, l’ouvrage de vulgarisation "De l’indigène à l’immigré" chez Découvertes Gallimard, la collection "Le Paris noir", "Le Paris arabe", "Le Paris Asie", etc.

Sans doute serait-il exagéré de comparer cette entreprise à celle dont Pierre Nora fut le maître d’œuvre dans les années 80 avec "Les lieux de mémoire". Mais elle n’en présente pas moins certaines similitudes : le travail en équipe, l’intérêt porté à des formes négligées d’expression populaire (les objets quotidiens, le cinéma, les guides de voyages…), le souci constant d’articuler cette recherche historique à une mise en tension de problématiques sociologiques contemporaines.
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Le grand repli

A en croire Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Ahmed Boubekeur, la société française est entrée dans l’ère du Grand repli. Hantée par le spectre du déclin, elle se recroqueville sur une identité mythifiée, celle des « Français de souche », et sur la haine de l’autre. Cette idéologie racialiste, sinon carrément raciste, est alimentée par le discours des élites politiques et médiatiques. Elle percole dangereusement dans la société française alimentant une lepénisation rampante des esprits dont témoigne par exemple l’antisémitisme décomplexé d’une Dieudonné.

Le Grand repli est une idéologie de combat qui entend répondre à une violence par une contre-violence. La violence c’est la peur du Grand remplacement. La théorie a été forgée par Renaud Camus en 2010 et reprise notamment par Eric Zemmour dans son succès de librairie « Le suicide français » : l’identité française serait menacée par le métissage. Pour répondre à cette violence, une contre-violence s’impose. C’est l’altérophobie, la haine de l’autre, le juif hier, le musulman aujourd’hui.

Les auteurs insistent sur la centralité de l’islamophobie chez les tenants du Grand repli. Les musulmans incarnent désormais l’ennemi intérieur, d’autant plus dangereux qu’il se cache à l’intérieur du corps national à protéger. Faisant fond sur les travaux de Thomas Deltombe , de Mathieu Rigouste et de Bertrand Godard , ils séquencent cette phobie en trois périodes. Les premières vagues d’immigration maghrébine pendant les Trente glorieuses sont l’ère du mépris : les musulmans n’ont pas droit de cité dans la république gaullienne et pratiquent leur religion en cachette. Avec la crise, la fin de l’immigration économique, la sédentarisation des familles maghrébines et sahéliennes, naît le temps du soupçon : les croyants, dont la foi devient plus visible, sont suspectés de constituer la « cinquième colonne » d’un islam téléguidé de l’étranger. L’échec de la gauche comme de la droite à structurer l’islam de France conduit à la période actuelle : l’ère de la peur. Cette peur s’exprime à travers ce que les auteurs qualifient, non sans outrance, de « rage laïcarde » (p. 35). Loin de favoriser le vivre-ensemble, la laïcité serait facteur d’exclusion, renvoyant tous ceux qui ne se plient pas à ses règles, de plus en plus contraignantes, à une marge honnie.

Le Grand repli fonctionne comme un système de poupées russes ou de vases communicants. La laïcité cache en fait l’exclusion de l’islam. Le « problème musulman » renvoie à la crise des banlieues. La ghettoïsation, l’apartheid géographique sinon racial fait ressurgir un imaginaire colonial. Et c’est ce dernier point qui est le plus stimulant et le plus polémique dans le travail de ces trois auteurs. Depuis une quinzaine d’années ils explorent, dans de nombreuses publications dont nous avons rendu compte ici la rémanence du fait colonial. L’immigré aujourd’hui, disent-ils, est traité comme le colonisé hier. L’inquiétude qu’il inspire au « Français de souche » justifie qu’un traitement dérogatoire lui soit appliqué : ses doits civiques (le droit de vote), individuels (la liberté religieuse), sociaux (le droit au travail, à un logement décent) sont bafoués. Une même « situation coloniale » – au sens où l’entendait Georges Balandier – perdure entre des citoyens et des indigènes qui vivent côte à côte mais pas ensemble.

Comment sortir du Grand repli ? Comment restaurer le vivre-ensemble ? Les auteurs et leurs collègues de l’Association pour la connaissance de l’histoire de l’Afrique contemporaine (ACHAC) le répètent sans être entendus : en évoquant sans fard le passé colonial de la France afin que tous les enfants de la République s’y reconnaissent. Ce « passé qui ne passe pas » doit être enseigné dans les écoles : la réforme des programmes scolaires laissant plus de place à l’histoire de la colonisation va dans le bon sens. Il doit être montré dans les musées : après l’inauguration du mémorial ACTe en Guadeloupe reste à espérer qu’un lieu de mémoire soit inauguré en métropole, qui ne cède ni à la nostalgie ni à la repentance.
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Les années 50 : Et si la Guerre froide recomm..

Ce beau livre broché fait revivre les tensions internationales qui se cristallisaient dans les années 50. A l’aide de photos très bien choisies (notamment d’affiches de propagande), il montre comment le monde se fracture entre deux blocs. L’Ouest perd ses empires coloniaux, découvre le rock et rêve de la lune, mais c’est l’URSS qui gagne de vitesse la course à l’espace, et qui étend son contrôle à de nombreuses « démocraties populaires ».



Les auteurs ont eu l’idée de comparer notre époque et ces années 50. Une comparaison enrichissante et assez étonnante : les situations semblent évoluer de façon proche. La qualité de l’analyse est à saluer, car l’ouvrage date de 2017, soit bien avant la guerre en Ukraine et une nouvelle forme de guerre froide entre Occidentaux et Russes.

Une des découvertes de cette relecture des années 50 est le côté totalement réactionnaire de la présidence Eisenhower : volonté de prééminence absolue des États-Unis, qui n’hésitent pas à renverser les gouvernements qui leurs sont opposés par des complots ourdis par la CIA, renfermement des États-Unis sur eux-mêmes, hostilité à l’immigration mexicaine et sud américaine, racisme non dissimulé (sauf sous les capuches du Klan)… Tout cela correspond un peu à la présidence Trump.



Cet ouvrage, réussi dans sa forme (avec notamment la mise côte à côte de photos des années 50 et d’aujourd’hui), constitue autant un rappel historique qu’une analyse de l’évolution des relations internationales.
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Les années 30 : Et si l'histoire recommençait ?

Bel ouvrage doté d'une couverture souple, et d'une excellente iconographie. Les auteurs s'attellent à établir un parallèle entre le monde des années 30 et des années 2010. Le propos n'est donc pas euro-centré, mais multipolaire. La démonstration est assez surprenante par sa pertinence.

Ils ne sombrent pas dans un fatalisme car l'Histoire se répète tout en n' étant jamais la même. En effet si on regarde l'issue des années 30, on débouche sur les pires horreurs du XX ème. Il y aurait donc de quoi être préoccupés par le tournant que nous sommes en train de prendre, même si Trump (une réplique de Mussolini) "vient" de débarrasser le plancher. Les auteurs n'ecartent aucune possibilité dont celle d'une humanité reprenant du terrain sur les populismes.

Un livre fort intéressant sur le parallèle troublant entre ces deux époques.
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La fracture coloniale : La société française au..

[Réflexions personnelles et liminaires, en référence plus ou moins directe à cet ouvrage, mais assurément en écho avec l'essentiel de sa démarche :

- Ne pas oublier que le premier penseur politique de la modernité, Machiavel, celui qui prôna la distinction entre la morale du prince et celle du sujet, vécut exactement à l'époque du début de la grande colonisation européenne ;

- Rappeler aussi que c'est sous la Troisième République, après la « honte de Sedan », et en particulier par la pensée d'un homme comme Jules Ferry, que l'entreprise coloniale française prit le visage hideux et mensonger de la « mission civilisatrice », une fausse justification morale – je dis et clame : « fausse » par refus d'obtempérer à l'injonction scandaleuse de la loi du 23 février 2005 qui institue la reconnaissance du « rôle positif de la présence française outre-mer » - qui succéda à l'argument géopolitique de l'équilibre de puissance avec l'Empire britannique qui avait inspiré la conquête de l'Algérie en 1830. Si l'Angleterre se prévalut aussi d'une motivation morale analogue, à un moment donné – cf. R. Kipling, etc. -, le discours politique français n'eut de cesse de la lui dénier (cf. cit. infra), à juste raison, vu la relative facilité de l'accession à l'indépendance des anciennes colonies britanniques – hormis sans doute l'Inde – comparées aux françaises.

- Pour une preuve supplémentaire des relations perverses entre morale et colonialisme, se remémorer Henry Kissinger qui put, à sa manière, mettre un terme à la guerre du Vietnam, en faisant renoncer l'administration américaine à sa doctrine (morale) de « contenir le communisme partout où il se manifestât », et à qui l'on doit aussi « la détente » avec l'URSS et les négociations secrètes avec la Chine de Mao...

- Noter enfin que c'est sans doute pour la raison même de la relative facilité de la décolonisation britannique par rapport à la française que les études coloniales et postcoloniales, même universitaires, continuent d'avoir une faible légitimité en France, et quasi uniquement concernant les conséquences du colonialisme sur les ex-colonies, presque jamais sur ses effets sur la métropole. Leur timide éveil date des années 1990 pour les travaux des historiens, et – de façon éphémère – de la moitié des années 2000 pour ceux des sociologues et autres chercheurs ès sciences sociales, ce qui les place dans une position dérisoire par rapport aux postcolonial studies anglo-saxonnes.]



Là où il y a culpabilité gît souvent refoulement. Le refoulement, le contraire de la prise de conscience et de l'épanouissement de la connaissance, interdit de comprendre un certain nombre de dysfonctionnements en présence, autant au niveau individuel que social. De ce fait, une perpétuation et une aggravation de situations jugées inacceptables d'un point de vue moral déclenche un cercle vicieux, voire une spirale délétère de déni, de récriminations et d'incompréhension(s). La première déconstruction, qui constitue aussi la fulguration d'une évidence ex post, c'est de prendre conscience que même un certain phénomène, à l'apparence éloigné du colonialisme, peut y être reconduit et expliquer une forme spécifique de « fracture » contemporaine.



Cet ouvrage collectif, qui remonte à 2005, à une période de grands débats où la recherche pouvait encore compter sur le concours du FASILD (Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations)... constitue une tentative essentielle, très aboutie, encore totalement actuelle de poser les bases de ce que devraient être les études coloniales et les postcoloniales en France, dans toute l'envergure interdisciplinaire requise par la variété des problématiques qui, depuis lors, me semble-t-il, ne se sont qu'aggravées. D'illustres universitaires s'y trouvent rassemblés par des contributions diverses regroupées sous deux grandes parties : I. « Histoire coloniale et enjeux de mémoire », et II. « République, "intégration" et postcolonialisme » ; en outre, les trois directeurs de publication présentent, dans un articles et deux annexes, les résultats d'une enquête de terrain conduite à Toulouse portant à la fois sur la connaissance de l'histoire coloniale, sur le désir d'en être mieux instruit, et sur les conséquences de son ignorance vis-à-vis de l'appréhension des problématiques postcoloniales actuelles.



Voici in extenso le sommaire des contributions :



- « Introduction. La fracture coloniale : une crise française » – par les directeurs

PARTIE I :

- « Les origines républicaines de la fracture coloniale » - par Nicolas Bancel et Pascal Blanchard

- « Aux origines : l'indépendance d'Haïti et son occultation » - par Marcel Dorigny

- « Quand une mémoire (de guerre) peut en cacher une autre (coloniale) » - par Benjamin Stora

- « L'Outre-Mer, une survivance de l'utopie coloniale républicaine ? » - par Françoise Vergès

- « Islam et République : une longue histoire de méfiance » - par Anna Bozzo

- « L'histoire difficile : esquisse d'une historiographie du fait colonial et postcolonial » - par Nicolas Bancel

- « Colonisation et immigration : des "points aveugles" de l'histoire à l'école ? » - par Sandrine Lemaire

- « Trois musées, une question, une République » - par Sarah Froning Delaporte

- « La République, la colonisation. Et après... » - par Michel Wieviorka

- « Sur la réhabilitation du passé colonial de la France » - par Olivier Le Cour Grandmaison

- « La colonisation française : une histoire inaudible » - entretien avec Marc Ferro

PARTIE II

- « La République et l'impensé de la "race" » - par Achille Mbembe

- « L'héritage colonial au cœur de la politique étrangère française » - par François Gèze

- « Indigènes et indigents : de la "mission civilisatrice" » - par Rony Brauman

- « La France entre deux immigrations » - par Pascal Blanchard

- « Le "creuset français", ou la légende noire de l'intégration » - par Ahmed Boubeker

- « L'ennemi intérieur : la construction médiatique de la figure de "l'Arabe" » - par Thomas Deltombe et Mathieu Rigouste

- « La réduction à son corps de l'indigène de la République » - par Nacira Guénif-Souilamas

- « La banlieue comme théâtre colonial, ou la fracture coloniale » - par Didier Lapeyronnie

- « Le retour permanent de l'Afrique "au cœur des ténèbres" » - par Olivier Barlet

- « Sport, mémoire coloniale et enjeux identitaires » - par Philippe Liotard

- « La République face à la diversité : comment décoloniser l'imaginaire » - par Patrick Simon

- « Les enseignements de l'étude conduite à Toulouse sur la mémoire coloniale » - par les directeurs

- « Epilogue. De "notre" mémoire à "leur" histoire : les métamorphoses du Palais des colonies » - par Arnaud Le Brusq

- Annexes
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De l'indigène à l'immigré

Nous en avons tous plus ou moins conscience, la présence de populations immigrées en France est l’héritage d’une longue histoire coloniale française. Étendu au Maghreb, à l’Afrique noire et à l’Indochine, l’empire colonial français qui s’est affirmé comme une puissance économique mondiale dès le 19è siècle, s’est donné pour mission de civiliser les peuples indigènes de ses colonies. La théorie de la « supériorité raciale » paradoxalement étayée par les scientifiques de l’époque et la multiplication des expositions coloniales alimentent alors les stéréotypes coloniaux et ouvrent la voie aux fantasmes les plus grotesques à propos des populations des contrées exotiques. Dès 1945, cette hégémonie coloniale française est mise à mal par la lutte pour l’indépendance de l’Algérie incarnée par Messali Hadj et par la résistance de figures emblématiques comme Hô Chi Minh en Indochine. Les puissances coloniales doivent faire face à une crise sans précédent qui exige une refonte des discours politiques. L’image de l’indigène fait place à celle de l’immigré. Les « politiques assimilationistes » caractéristiques à la France misent désormais sur une logique d’intégration des populations immigrées mais la réalité est cruelle. Les stéréotypes et préjugés raciaux véhiculés pendant des décennies au travers de l’abondante production iconographique restent profondément ancrés dans l’imaginaire collectif et perdurent encore de nos jours malgré une prise de conscience de la résurgence du racisme et la forte mobilisation des autorités publiques et de la société civile autour de ces questions...



Aimé Césaire avait profondément raison lorsqu’il déclarait en 1954 : « Le colonialisme porte en lui la terreur. Il est vrai. Mais il porte aussi en lui, plus néfaste encore peut-être que la chicotte des exploitateurs, le mépris de l’homme, la haine de l’homme, bref le racisme. Que l’on s’y prenne comme on le voudra, on arrive toujours à la même conclusion. Il n’y a pas de racisme sans colonialisme. » Cette citation mise en exergue au début de l’ouvrage offre une belle entrée en matière pour les spécialistes de l’histoire coloniale et post-coloniale que sont Nicolas Bancel et Pascal Blanchard. En effet, il est difficile d’évoquer le colonialisme sans dénoncer le racisme. Aussi, grâce à une approche basée sur une analyse historique, documentaire et iconographique originale, les deux auteurs proposent avec ce titre, un passionnant travail historiographique et mémoriel sur l’histoire coloniale française dont certains aspects encore malheureusement méconnus méritaient d’être étudiés et mis en en lumière. Enrichi par l’analyse d’un précieux panel de sources iconographiques d’époque, De l’indigène à l’immigré démontre en outre, la puissance de la manipulation par l’image et la façon dont l’image s’est faite l’instrument de tous les discours de propagande. Tenant en à peine 128 pages, ce livre d’ailleurs doté d’un substantiel appareil critique (illustrations, témoignages, citations, chronologies, bibliographie...), est surprenant par la richesse et la qualité de son contenu. Et à vrai dire, en ouvrant ce livre, vu son épaisseur et ses nombreuses illustrations, je m’attendais plutôt à de la littérature jeunesse. Mais l'incroyable masse critique d’informations, si elle reste accessible à des publics jeunes, peut/doit intéresser tous les publics car l’approche pédagogique, les propos argumentés et les références largement documentées permettent de nourrir une réflexion pertinente autour de l’histoire coloniale française et invitent intelligemment à approfondir ses connaissances sur le sujet. Assurément un livre à mettre entre toutes les mains !
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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Ruptures postcoloniales : Les nouveaux visa..

Voilà plusieurs années que je suis avec intérêt les travaux de l'ACHAC (Association pour la Connaissance de l'Histoire de l'Afrique contemporaine). Dans leur précédente somme "Culture coloniale" (CNRS Editions/ Autrement, 2008), ce groupe de jeunes historiens exhumait, de 1870 à nos jours, les traces en France métropolitaine d'une colonialité dont on avait jusqu'alors sous-estimé la prégnance. Deux ans plus tard, le groupe élargit sa perspective en s'ouvrant à de nouvelles problématiques, moins historiques et plus politiques, et à de nouveaux horizons (on saluera les contributions de nombreux chercheurs de toutes nationalités travaillant aux Etats-Unis tel l'historien sénégalais Mamadou Diouf ou la grande dame des Gender studies Anne McClintock). Ce faisant, "Ruptures postcoloniales" peut se lire comme le troisième volet d'un tryptique, commencé en 2005 avec "La fracture coloniale" qui, dans une perspective plus sociologique, cherchait à démontrer la présence toujours bien vivace dans la société française contemporaine d'un héritage colonial mal assumé. Ce faisant aussi, la quarantaine de contributeurs réunis autour de Nicolas Bancel et de Pascal Blanchard s'exposent aux critiques parfois virulentes de J.-F. Bayart qui leur reproche de réifier le fait colonial et d'en nier l'historicité.

Dans une introduction remarquable, les six coordinateurs du livre répondent aux critiques qui leur sont adressées. On leur reproche d'ethniciser le fait social ? Vent debout contre le "retour tonitruant" de l'identité nationale dans le débat politique français" (p. 26) mais aussi contre le procès en communautarisme qui leur est intenté, ils prônent un vrai cosmopolitisme et affirment que la société française doit se penser en termes d'hybridation voire de créolisation (p. 15). On les accuse d'entretenir une "guerre des mémoires" ? Ils revendiquent au contraire un "travail d'anamnèse" (p. 22) préférable selon eux à "l'aphasie coloniale" (l'expression est de Ann Laura Stoler) qui a trop longtemps prévalu. On pointe leur engagement politique au détriment de leur rigueur scientifique ? Ils invoquent les mânes de Michel Foucault pour réhabiliter la figure de l'intellectuel engagé.

La démarche a le mérite de rompre avec le conformisme timoré qui prévaut souvent dans le monde des sciences humaines. Elle n'en rencontre pas moins certaines limites dont cet ouvrage collectif est emblématique.

"Ruptures postcoloniales" a en effet perdu la cohérence de ses prédécesseurs. Nulle part n'est explicité le choix du titre : de quelles "ruptures postcoloniales" s'agit-il ? Les contributions se succèdent sans plan très clair (autant le premier quart du livre consacré aux pères fondateurs de la pensée postcoloniale a sa cohérence - on saluera l'essai de A. Boubeker consacré au trop méconnu A. Sayad - autant la seconde partie apparaît comme un fourre-tout hétéroclite). Certains contributeurs prestigieux n'ont pas pris la peine d'écrire des articles en bonne et due forme et ne sont présents que sous la forme d'entretiens ce qui n'est jamais bon signe (Patrick Weil, Mamadou Diouf, Pascal Boniface). A côté des contributions toujours très sures de Benjamin Stora ou de Marie-Claude Smouts, certaines autres sont la reprise parfois à l'identique d'articles de "Culture coloniale" (Achille Mbembe, Gabrielle Parker, Herman Lebovics), d'autres ne se justifient guère (ainsi du long article de Françoise Vergès sur la Maison des civilisations et de l'unité réunionnaise sans lien clair avec les autres articles du recueil). Plus inquiétant encore, d'autres se perdent - et perdent au passage leurs lecteurs - dans un sabir inutile (on peine à voir l'intérêt de certains néologismes forgés sans justification : mêlement (p. 180), déréalisation (p. 224), déclosion (p. 305), monstration (p. 398), transcolonialité (p. 404), etc. ) et dans des développements dont je confesserai, le rouge au front, ne pas avoir compris le moindre mot (ainsi de l'article de Ramon Grosfoguel sur le "pluri-versalisme décolonial").

A force de vouloir parler, mal, de tout, la pensée postcoloniale, véritable auberge espagnole, court le risque de ne plus parler de rien.
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Le racisme en images

Un beau grand livre souple et coloré, d'une forme très agréable. La mise en page est résolument moderne. Les très nombreuses photographies, images et reproductions sont exceptionnelles et illustrent parfaitement le texte.



Le sujet ensuite : tout est dans le titre. On parle ici de la déconstruction du racisme. Et pour déconstruire, Pascal Blanchard et gilles Boetsch expliquent dans un texte clair, concis, factuel et appuyé de nombreuses références l'origine du racisme, son évolution, les formes qu'il peut prendre et comment il s'est enraciné dans nos sociétés.



Le livres est une gigantes que banque d'images organisée en quatres ensembles cortespondant à quatre aspects du racisme :



Tout d'abord un ensemble d'images sur le thème de la construction de la hiérarchisation des peuples dans lequel les auteurs abordent le racisme sous un angle historique avec les croisades, l'esclavage , les méthodes de hierarchisation et de classement des hommes mis en place au cours des âges et enfin des caricatures qui montrent l'autre est représenté  à travers d'images destinées a effrayer et étayer la thèse d une supériorité imaginaire.



Le deuxième ensemble concerne la modélisation du monde. Sont abordés des thèmes comme la colonisation, les stéréotypes et les exhibitions d'hommes et de femmes dans les zoos, les expositions et les spectacles.



Le troisième concerne la radicalisation des peurs est regroupe toutes les images illustrant les comportements et idéologies déclenchées par la peur et le rejet de l'autre : Shoah, ségrégation, discrimination, facisme et suprématisme.



Enfin le dernier ensemble d'images illustre la segmentation des identités avec des thèmes comme la xénophobie, l'appeartheid, l'homophobie et la mysoginie.



Chaque partie est organisée selon le même plan : un texte d'introduction très complet et documenté, le commentaire par les auteurs des images qui illustrent la partie et enfin, le commentaire par une personnalité d'une image qui illustre plus particulièrement le sujet. On pourra lire ainsi les points de vue de Pap Ndiyae, Lillian Thuram, Abd al Malik, Pascal Ory ou Johann Chapoutout qui commentent chacun une lmage emblématique comme les champions olympiques noirs Tommy Smith et John Carlos  levant un poing ganté sur le podium du 200 mètres aux jeux olympiques de 1968.



Ce livre est passionant. Il aborde le racisme sous touts les angles et sous toutes ses formes, il décortique les mécanismes qui lui permettent d'émerger et de se répandre et rappelle qu'il ne repose sur aucune base scientifique mais uniquement sur des images, des stéréotypes et des croyances fabriqués de toutes pièces et qu'il ne trouve ses racines que dans une forme de haine, de négation ou de rejet de l'autre.



Une vrai réussite à parcourir et à partager.

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Les années 30 : Et si l'histoire recommençait ?

Ce beau livre rempli de photos nous plonge dans les années 30 et pose la question du bégaiement de l’histoire. Il analyse cette période au travers des crises économiques ; des populismes et de la montée des fascismes mais aussi du colonialisme et des impérialismes.



Les commentaires sont passionnants car ils démontent les mécanismes et font le parallèle avec notre époque. Cela fait un peu froid dans le dos car il y a beaucoup de ressemblances : le populisme porté par Doriot en France était antisémite et celui de Le Pen antimulsuman ; Mussolini a été considéré comme un clown en arrivant au pouvoir, même réaction pour Trump ; la guerre en Syrie est mise en parallèle de la Guerre d’Espagne… Le livre fourmille d’analogies, tout en mettant le doigt sur les rares différences.
Lien : http://jimpee.free.fr/index...
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Les années 30 : Et si l'histoire recommençait ?

On a tendance à oublier les années 30, du moins ceux de ma génération. Mes quatre grands parents (nés entre 1905 et 1917) ne sont évidemment plus là pour m’en parler, et mes parents sont des baby boomers. Alors, qui connait vraiment l’histoire économique, sociale et politique des années Trente ?

C’est une ‘’décennie trouble, terrible, fascinante, violente, mais aussi créative et fondatrice du temps présent’’.

Au milieu des années 30, le monde se fissure. Les idées extrêmes gagnent tellement de terrain qu’elles prennent le pouvoir. On pense nazisme, fascisme, populisme.

Dans la comparaison avec les années trente, ce ne sont pas les différences mais les similitudes qui l’emportent (François Lenglet).

Le 11/09/2001 et la confrontation avec l’Islam jouent se rôle joué par la grande guerre.

Choc des civilisations, choc des cultures = terreau pour les ultras. 80 ans après 1937, la Grèce, l’Allemagne, l’Autriche, la France voient de nouveaux populistes ou nationalistes chercher une nouvelle légitimité politique. La crise de 2007-2008 fait écho au krach boursier d’octobre 1929, point de départ de cet ouvrage.

Ce livre est divisé en douze chapitres à la riche documentation iconographique.

Un parti pris : planter un large panorama visuel des années trente au niveau mondial (des Etats-Unis à l’URSS en passant par les empire coloniaux). Il interroge sur les mécanismes similaires, les échos et les résonnances avec aujourd’hui.

Une nouvelle lecture enrichissante et éclairante.



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Histoire des préjugés

Dans cette époque ou les fake-news s’associent aux préjugés pour continuer à diviser une humanité qui devrait plutôt s’unir pour mieux vivre, se poser quelques heures pour la lecture de cette passionnante compilation d’opinions préconçues, leurs origines et leur permanence au fil du temps, est un vrai moment de plaisir ( oui, bien plus que de la littérature feel-good qui n’est qu’un shoot de sucrerie).

Lire les nombreux historiens, spécialistes divers qui se sont penchés sur des affirmations aussi variées que “ Un homme ça ne pleure pas “ ou “ Les noirs sentent fort et les blancs sentent la mort” ( prises au hasard parmi les 56 préjugés traités), c’est faire une plongée saisissante sur comment les hommes, aidés souvent par des scientifiques, des politiques, des religieux, ont pu s’approprier de fausses idées et comment, souvent par bêtise, ignorance, manque d’instruction, elles ont perduré et divisé les hommes. Les préjugés, véhiculant la plupart du temps un racisme rampant ( de la femme aux juifs en passant par les roux ou les chinois), ont ainsi, au fil des siècles ou des décennies, irrigué sournoisement certaines pensées et se sont ainsi ancrées dans bien des esprits. Nous avons confirmation que l’Histoire a été triturée de façon à complaire à une époque ou à satisfaire quelques idéologies douteuses ( on n’en est pas étonné).

Au gré de sa fantaisie, de ses envies, le lecteur peut papillonner à l’intérieur de cet essai, qui se compose de chapitres pas trop longs. Le seul petit bémol est que, comme ils sont rédigés par différents spécialistes, certains sont plus attrayants que d’autres, tout le monde n’ayant pas la même faculté de vulgarisation ni la même verve.

Inutile de faire la fine bouche ! Eclairante, intelligente, facile à lire, formidablement pédagogique, cette “Histoire des préjugés” est un essai absolument nécessaire, à lire et à relire pour pouvoir contrecarrer cette haine ambiante assénée partout ( surtout sur certaines chaînes TV commençant C).
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Histoire des préjugés

Aujourd’hui je vais évoquer Histoire des préjugés stimulant essai historique dirigé par Jeanne Guérout et Xavier Mauduit. Il s’agit d’un ouvrage collectif avec la contribution d’une quarantaine d’historiens. Sur la couverture figure une définition du préjugé : « opinion hâtive et préconçue souvent imposée par le milieu, l’époque, l’éducation ou due à la généralisation d’une expérience personnelle ou d’un cas particulier ». Dans l’ouvrage cinquante-six préjugés sont scrutés et déconstruits ; les auteurs en retracent la genèse qui se perd souvent dans les limbes du passé.

Histoire des préjugés propose de reconstituer l’origine des préjugés et de mettre en exergue l’évolution historique autour de ces notions dans une approche originale qui sans ordre couvre de vastes sujets. Cette compilation est passionnante et mêle l’histoire à la sociologie et à la psychologie. En effet, les préjugés, parfois qualifiés de stéréotypes ou d’archétypes, sont explorés par les psychologues qui s’intéressent au fonctionnement des comportements humains isolés ou en société. La perspective historique est éclairante et aide à comprendre l’ancrage dans la psyché de ces préjugés qui sont très difficiles à remettre en cause malgré leur fondement souvent pour le moins fragile. Cette histoire sociale montre combien les préjugés sont à l’origine de stigmatisation, de dépréciation, de moquerie et de dévalorisation ; c’est souvent une manifestation de la domination et une exacerbation de rivalités historiques. Ces clichés dévastateurs concernent de multiples catégories, des groupes ou des peuples. Ainsi dans ces brefs chapitres qui se font écho (et qui sont complétés d’utiles références bibliographiques) sont traités les chinois, les italiens, les homosexuels, les roux, les gitans, les intellectuels, les réfugiés, les juifs, les allemands, les noirs. Cette simple liste montre la stupidité de ces préjugés qui rassemblent des ensembles qui par nature sont disparates. Les populations d’une nation ont peu de probabilité de n’être composées que d’individus identiques aux mêmes caractéristiques. Et pourtant toutes les contributions montrent que les roux sentent mauvais, les gauchers sont maladroits, les noirs ne pensent qu’au sexe, les japonais sont suicidaires, les mexicains sont violents, les vaccins sont dangereux pour la santé. Cette liste non exhaustive des titres de chapitres donne le ton sur la nature de ces préjugés. Ils sont souvent porteurs de haine et de discrimination ; en comprendre l’histoire peut aider à les dénoncer pour une meilleure entente entre les différents groupes humains.

Histoire des préjugés est un ouvrage complet et facile d’accès. Mettre en parallèle ces dizaines de préjugés en montre l’absurdité qui perdure au long des siècles. En effet les préjugés ont la vie longue, malgré tous les démentis ils sont difficiles à déconstruire.

Voilà, je vous ai donc parlé d’Histoire des préjugés de Jeanne Guérout et Xavier Mauduit paru aux éditions Les Arènes.


Lien : http://culture-tout-azimut.o..
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Histoire globale de la France coloniale

Premier livre commenté en 2023, et c'est une somme.

Un pavé regroupant 108 contributions et 700 pages de textes (écrits dans un corps minuscule et sur 2 colonnes ! ) plus les références et la bibliographie …



Une révélation pour moi qui ai vécu de loin l'exaltation de l'Empire colonial français – le planisphère avec ses grandes étendues roses – les écho de la guerre d'Indochine – mais c'étaient des militaires de carrière – les négociations de Pierre Mendès-France, mais surtout la guerre l'Algérie où combattait mon beau-frère …



Cette pléiade de contributeurs internationaux appartient au groupe de recherche Achac qui travaille depuis 1989 sur la question coloniale et postcoloniale et analyse les prolongements contemporains de la représentation coloniale et ses enjeux.



Une approche globale – très diversifiée : littérature, cinéma, lieux de mémoire, séquelles profondes de l'esclavage, propagande d'Etat touchant particulièrement les enfants et les ménagères, opérations de marketing visant à favoriser les produits coloniaux, ségrégation de fait, néocolonialisme, réservoir de troupes efficaves et peu payées, réseaux françafrique, organisation de transfert de main d'oeuvre, rôle des diasporas – à chaque sujet, juste quelques pages, parfois difficiles à « avaler » …



Une découverte pour moi : pas à pas, pierre par pierre, image après image … l'exhibition de l'Autre, le colonisé, une mise en scène qui associe la construction des grands empires coloniaux à l'émergence de théorie racialistes comme la supériorité intellectuelle de l'homme blanc, le cannibalisme de l'homme noir – eugénistes, sexistes ou ségrégationniste.



En fait, si l'intrusion coloniale en Afrique subsaharienne se fit dans un premier temps discrète et parfois séduisante à la fin du XVIIIème siècle face aux désordres internes antérieurs, les Africains ne réalisèrent que trop tard qu'ils s'étaient fait prendre au piège.



Ensuite, la propagande aidant – la grande exposition coloniale de 1931 – la plus grande majorité de l'opinion publique se rassemble derrière le mythe de la supériorité de l'homme blanc et la « mission civilisatrice » de la France.



La perte de l'Empire colonial a été une grande blessure narcissique du nationalisme français, la perte d'un imaginaire considérable. Nous sommes bien loin d'en mesurer aujourd'hui et pour l'avenir toutes les conséquences morales, culturelles, sociales et politiques.



Un livre indispensable pour comprendre la France d'aujourd'hui, et nos semblables.



A propos, saviez-vous que nous avions mené une guerre « de haute intensité » au Cameroun entre 1955 et 1971 ? Avec vastes opérations de guerre révolutionnaire, regroupement de populations, tortures, exécutions extra-judiciaires, bombardement et ratissages ? Une guerre coloniale « oubliée » !



 
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Les années 30 sont de retour

Co-écrite à 4 mains, cette “Petite leçon d’histoire pour comprendre les crises du présent” ne vous laissera pas indifférent : alors que la défiance envers les classes dirigeantes se durcit et que les peurs s’installent, il appartient à chacun de se saisir de la question. Mais ainsi que le suggère le titre de l’ouvrage, les années 30 sont-elles vraiment de retour ? En quoi cette analogie entre les crises des années 30 et celle que vit aujourd’hui notre société peut-elle stimuler notre vigilance et questionner nos façons de penser ? Les auteurs s’en défendent, ils ne cèdent pas au “démon de l’analogie” (Robert Bloch) et ne cherchent pas à jouer les Cassandre. Mais lorsque le passé interpelle le présent, “éclairer l’obscurité contemporaine à la lumière d’une étoile morte” (p.8) peut permettre une meilleure compréhension de notre actualité. Aussi, Les années 30 sont de retour est-il le résultat d’indéniables confrontations et compromis entre les 2 journalistes et les 2 historiens. Que cela fonctionne ou pas, à vous de vous faire votre propre idée….
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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Le Paris noir

Un ouvrage de référence qui présente les rapports complexes entre la France et les noirs d'une part, entre l'ancienne puissance coloniale et les anciens colonisés d'autre part. Les photos, d'un grand réalisme et les textes qui les accompagnent montrent bien les représentations biaisées que ces peuples venus de loin suscitaient. Un rigoureux travail de mémoire, à la portée de tous. Instructif et superbe.
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Histoire des préjugés

Ce livre, rédigé par des historiens spécialistes de différents thèmes, s'attache à décortiquer quelques-uns de nos préjugés. Par exemple, les cochons sont sales, les homosexuels sont efféminés, les hommes ne pleurent pas, les vaccins sont dangereux pour la santé, l'art contemporain n'est pas de l'art. Ce florilège montre la diversité des thèmes abordés. Les différents historiens se sont attachés à retracer l'histoire des préjugés et tentent de nous faire comprendre pourquoi ces idées reçues se sont installées dans notre inconscient collectif. C'était une lecture très intéressante, parfois amusante, mais qui le plus souvent nous interroge très personnellement sur tel ou tel préjugé. En effet, on peut se croire très ouvert, sans préjugé mais en réalité en lisant le livre on se dit parfois : "Ah mais moi aussi parfois je pense cela". Donc c'est un livre utile, qui ne règlera certes pas les problèmes mais qui permet au moins d'en prendre conscience et ce n'est déjà pas si mal.
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Histoire des préjugés

Saviez vous que...

Cette histoire des préjugés propose une lecture à la fois parfois, amusante, passionnante, surprenante, et bien entendu très intéressante. L'histoire vue par le biais de ce que l'on en croit, à défaut de ce que l'on croit savoir.

Tous les "chapitres" ne se valent pas. Certains sont plus axés sur l'anecdote, d'autre sur l'aspect historique. Les explications données se perdent dans certains cas dans des digressions moins faciles à suivre.

Ce livre n'est pas forcément à lire de façon linéaire, ce qui en fait cependant un document plaisant. J'ai aimé à piocher, selon les jours, mon humeur, l'une ou l'autre de ces 39 aventures fort bien documentées (petite bibliographie et renvoi à chaque fois). Rappelons aussi que ce sont de grands noms qui signent "une leçon d'histoire et un antidote à la haine". Ce qui fait du bien en ces temps moroses.

Un grand merci à Babélio (Masse Critique)
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