Citations de Pascal Commère (83)
Dans la cuisine
Dans la cuisine
la soupe creuse les assiettes
Alors j'appuie ma joue contre le mur et j'écoute, ce qui est une autre façon de parler, et ceux qui parlent aiment qu'on les écoute.
(p. 50)
Alors la seule ( place) dont je disposais était sur l'escalier.Et j'aimais te savoir assis à table, avec ta vieille mère en face de toi, j'aimais penser que l'on peut être deux assis à la même table sans rien déchirer, autour d'un plat qui fume, et les mots sont comme la fumée et tiennent chaud.
Il eût souhaité rester s’émouvoir
d’un rien
d’une mousse
vers le soir qu’hiver rouille
Tout commence toujours dans un jardin et mon histoire avec toi a commencé ainsi.Parce qu'après être rentré des chantiers tu t'enfermes dans ton jardin, mais je n'aime pas le verbe enfermer.Je préfère celui d'ouvrir.
( p.25)
On ne voit bien le monde qu’en marchant
Notes buissonnières
extrait 7
La prose est trop pleine d’elle-même, trop fermée pour prendre place dans l’été. Lui préférer le vers. Qui ouvre.
Revue Diérèse Diérèse, n°88
Parce qu'un arrosoir c'est comme un gros crayon, on dessine avec sur la terre.Et même s'il faut toujours recommencer parce qu'avec le vent, deux minutes après, le dessin est effacé...
( p.27)
J'ai franchi le portail. J'étais seul. Il faut du temps pour être plusieurs, apprendre à dire nous. (p. 11)
Ce que tu aimes, je crois, c'est préparer la terre.Faire comme si c'était de la pâte, tes mains l'entourent, la pétrissent.Alors la terre monte dans tes mains, se gonfle. (...) C'est cela que tu aimes, cela à quoi tu t'abandonnes. Et les soirs où tu brises les miettes, quand tu nivelles le sol au râteau, tu siffles toujours, et l'air que tu siffles est pour ton jardin tout entier. Et plus tu poses tes mains sur la terre et la terre est à cet instant comme un front sous tes mains- est-ce qu'elle n'aurait pas de la fièvre, aussi ?
Et tes mains, la touchant, l'apaisent.
( p.27)
L'âme blessée
Il faudra bien un jour se rappeler des livres. Comme nous nous souvenons des hommes. De ce qui, constituant les uns, provient des autres, si tant est que les livres aient à se souvenir des êtres. Ceux-là qui comptèrent, et sans qui nos vies eurent été différentes. Il n'empêche. Ils appartinrent au cercle des premiers compagnons de ce qui nous apprîmes tout. (p.57)
Cette impression…
Cette impression, marchant, certains jours d’être
de la famille d’un poème et sa lumière sans
pouvoir franchir la cendre des mots vides
cependant que le chemin monte (lichens
vos beaux yeux peints) ainsi nous allons
toute herbe derrière nous refermée et qui bruit
par le travers des pentes (soleil
bousier qui saigne — hameau noir
dans le jour naissant) qu’est-c’ qui nous
émerveille plus que vous — fleurs plurielles
Vladimir Holan…
Vladimir Holan, interdit de publication pendant des
années, refusant de se rendre à la cérémonie de re-
mise du Grand Prix national de poésie qui lui était
décerné, au motif qu’il n’avait pas de chaussures...
Papillons au ras des prés. Convalescence du jaune.
Ce qu’une couleur nous dit, sans jamais se poser.
Le vert est moins instable, a besoin de racines.
Le poème. Lettre à soi-même.
Les aubépines en fleurs, les yeux des chats…
La nuit de partout est en feu.
Le poème. Pour soi, un temps au moins, rien
que pour soi.
Deux pétales blancs sur ma table ce matin.
Je n’ose plus bouger.
Poème. Pêche à la ligne. Sans carte, tenter d’en
accrocher les reflets, le dos de la rivière fourmille.
LA COURBE DES FUMÉES LÀ-BAS…
La courbe des fumées là-bas, vignes
tirées à quatre épingles maintenant
qu’a cessé la pluie ses traits roides.
Traversé au matin le petit pays tourne
comme les ailes des éoliennes entre les arbres,
paysage toujours à reprendre et qui demeure
au bord du vide ; on brûle
les sarments de pré-taille — brouettes
adéquates : bidon en fait sur châssis
qu’on pousse entre les rangs, la pensée
qu’un d’ici — un an tout juste… Visage
soudainement qui rejaillit, vague espoir
après les séances de rayons, les vrilles
autant de fois qu’il faut tirer pour déprendre
le rameau sec des fils dans le jour
tant et tant de gris à travers quoi, implacable
écueil, la vie de loin crochetée au revers
d’un talus — la neige, ce qui subsiste
de l’oubli d’une saison, la sécheresse
à venir. Un matériel à l’écart : limons
jetés au cœur des rouilles.
Talus en fête…
Talus en fête. La viorne, ses chignons clairs dans le soleil. La brume, à peine posée. Comme si un feu, sa fumée dissipée, refusait de brûler quelque part. ou plutôt comme si, toujours, passé la ferme de Cromot, une femme en tricot rose faisait signe.
Un feu qui claire, disaient-ils. Avec raison, sans pourtant le savoir.
Souffre-douleur, qu’ajouter de plus.
Après-midi d’automne. Les murs, les pancartes des villages, les peupliers, les noyers en bord de route… L’envie de s’arrêter devant chaque chose, de demander pourquoi.
Le lac a frémi…
Le lac a frémi. Comme si quelque chose ou quelqu’un l’haranguait du bout de son bâton, ainsi qu’on fait avec les bêtes. Lui s’exécute, en vaguelettes. Vers midi, le soleil allume sa lampe de poche sur les rochers de l’une des rives, cependant que l’autre reste dans l’ombre, appuyée aux arbres.
Mais le niveau de l’eau a baissé. Au Moulin de la Ronce, on traverse à pied sec sur ce qu’il reste du parapet de l’ancien pont.
Une bien pauvre maison que celle de A., sans grande lumière, comme celles où les maîtres logeaient leurs commis.
…
Puis j'étais sorti de la chambre, les mots m'avaient quitté; j'en sentais le goût dans ma gorge, un coup de plomb fondu tant ces mots étaient lourds, insupportable l'absence. L'absence des mots, celle de Yan...
(p. 58)
Verger, dis-tu…
Verger, dis-tu.
Certes je m’en tiens à ce qui est. Mais qu’est ce qui est ?
Ne pas en faire une histoire toutefois, ni même un semblant de.
Un pré moins encore. Rien à fabriquer de ce côté-là.
Maison en bordure du village. Accrochées au portail deux boîtes
aux lettres, un écriteau sur chacune. « Ne rien mettre dans cette
boîte, il y a un nid à l’intérieur » sur l’une, sur l’autre : « Interdit
aux oiseaux ».
L’herbe, ils ne l’aiment que parquée.
Une voiture secoue la nappe de ses phares dans la nuit.
…
Gros Tronc
Un temps, nous avons vécu sans les livres. (...)
De ceux qu'on tient ouverts dans sa main, le pouce sur la brochure, et qu'on parcourt de la première à la dernière page pour les glisser ensuite, non dans son cartable, mais sur une étagère parmi d'autres, bâtissant au fil des années cette maison de papier qui nous tient lieu de demeure. (p. 29)
Mais le piétinement. Les hennissements ronflés
dans la nuit descendue, longtemps se rapprochant
non pas un par un. Mais lentement si lentement liés
tout ensemble par un fil de nuit et de sang. Rumeur !
Quand soudainement. Là. Par centaines, l'iris des yeux
et les naseaux mêlés - lueurs frontales, crins et laines. L'
immense troupeau. Tambourinant. Seul et sur nous bientôt.
Chevaux en tête poulains chevaux de gorge, voix et souffles
montant du flanc des mères. Le martèlement du trot, sabots
les pierres heurtées. L'œil seul regard, l'agate de feu. Chiens,
par deux ou trois. Unique flamboiement, au large. Tournant
rameutant : vaches déjà moutons chèvres, la pleine vague. Et
plus rien. Hormis les traces, sabots marques au sol. Vers l'
arrière - en marge comme d'un drapé, remontant le cours.
Cavaliers !