Citations de Pascal Garnier (530)
Les gens heureux sont impitoyables, surtout ceux qui n'en ont pas l'habitude. Leur bonheur tout neuf les rend complètement étanches à la souffrance d'autrui et ils s'en goinfrent sans aucune retenue. Cette boulimie indécente peut expliquer bon nombre de crimes dits gratuits. Les grandes amitiés naissent de l'adversité et s'anéantissent dans la crème pâtissière d'un fugace moment d'euphorie.
Je pense qu'on n'est obligé à rien mais que tout est important.
Il enleva ses baskets trouées et se massa les pieds. Il ne les sentait presque plus tant il avait marché et marché... On marche beaucoup quand on ne va nulle part.
Je serai là-haut, tout là-haut, là où il y a un grand trou à la place du bon Dieu et je m’assoirai sur son trône à ce vieux con et c’est moi qui me mettrais aux commandes, je pourrai pas faire pire que lui. Ce sera mon tour de me fendre la poire en tirant les ficelles, ça oui !… Et puis non, tiens, je laisserai tout tomber. Je ferai des chapeaux à plumes pour les anges et ceux qui voudront pas les porter je les enverrai griller en enfer, comme des poulets ! Et que je te tournerai la broche et que je tournerai, tournerai…
Le problème des rêves, c'est que ça laisse un goût d'inachevé dans la bouche. On se dit que c'est des bêtises, et en même temps, c'est comme une graine qui pousse une sorte d'alien bienveillant.
Gabriel feuillette des revues, assis sur une chaise de plastique moulé. On y voit des vedettes de cinéma, de la politique, de la télévision, souriant aux photographes. Ils ont tous des yeux bleus, des dents blanches et le teint bronzé. Ils n'ont pas le droit d'être malheureux. On les a élevés comme ça, jusqu'au sommet de la gloire, condamnés pour l'éternité au bonheur. Le commun des mortels, lui, peut, c'est même un devoir.
L'apparition qui suivit fut tout aussi insolite. Anaïs s'était faite belle, c'est-à-dire qu'elle avait superposé sur sa silhouette aux contours indéfinis ce qu'elle possédait de plus clinquant, soieries dévastées par les mites, dentelles fanées, satins ravagés aux reflets d'huile de vidange, colliers de verroterie à multiples rangs, bracelets tintinnabulants, boucles d'oreilles grosses comme des mappemondes, babouches éculées, turbans croulants et maquillage à la truelle que le plus maladroits des plâtriers n'aurait osé soumettre à un aveugle.
Par bonheur, la région était pauvre en curiosités.
- Comme votre vision du monde est noire...
- Si vous croyez que le blanc est préférable, allez donc vivre sur la banquise, tout est blanc, là-bas, les igloos, les ours, les nuits polaires !...Il n'y a plus personne, même les esquimaux ont foutu le camp.
Elle se sent bien, à sa place, comme un caillou au bord d'un chemin.
Regarde comme c'est beau ici, on se croirait dans un tableau. Tout est en paix. (…) Une mouette, peut-être celle de ce matin, se gratte sous l'aile, en équilibre sur une patte. L'étoile du berger vient de s'allumer. Le soleil ronfle déjà sous sa couette argentée.
- Vous êtes breton ?
- Non.
- Je m'en doutais.
- Pourquoi ?
- Le Breton avale son demi cul sec, pas vous.
Il grelottait en regardant la faucille de lune faucher les étoiles.
Je sais ce que c'est les voyages. On fait tellement de choses en une journée qu'on a l'impression d'en avoir vécu deux dans le même temps.
"Dans un couple, on ne fait qu'un, oui, mais lequel ?"
Oscar Wilde
"Ce n'est pas le passé que je regrette mais le présent qui est regrettable" (…)
Baudouin de Bodinat, La vie sur terre
Quand on attend la fin du monde, il n'y a rien de tel qu'une bonne soupe devant Thalassa.
C'est que ces deux-là s'aiment, enfin, disons que la complicité qui les unit a pris avec le temps les nobles rides des vieux amants. Ils pourraient s'entretuer qu'ils ne s'en voudraient pas. C'est la vie, n'est-ce pas ? À force de voyager dans ce wagon qui pue des pieds, on finit par y faire son petit trou d'intimité, on se comprend. D'odeur à odeur, de coups tordus en coups tordus, on se cannibalise l'un l'autre. C'est dans l'habitude que tout réside, plus besoin de réfléchir, de choisir, on s'y retrouve les yeux fermés, chez l'autre comme chez soi. Les pantoufles avachies, la tignasse du matin, les cheveux sur le peigne, les coulisses de cet exploit de vivre qui nous étonne chaque matin. D'accord, pas toujours exaltant ce reflet dans le miroir, c'est vrai qu'il y a des jours où l'on voudrait le briser mais on ne le fait pas, parce que alors on se retrouverait le nez au mur et que le mur a encore une plus sale gueule que soi.
On est toujours honteux de la misère qui s’abat sur soi, comme si c’était la punition divine d’un péché qu’on cherche des jours et des jours au fond de son cœur et qu’on finit toujours par trouver.
Daniel venait d'apprendre à la radio qu'un type de Michigan avait traduit toutes les chansons d'Elvis Presley en latin quand le téléphone sonna.