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Citation de Lismonde


Pascale Lismonde
Couleur primaire comme le jaune et le rouge, mais antagoniste de cet orgueilleux de rouge insolent, si prompt à l’excès, voici venir la couleur céleste qui souvent apaise et pacifie - le BLEU.
Couleur du ciel et de l’espace, le Bleu est la couleur la plus immatérielle qu’il soit. Image même de l’ailleurs et de l’infini, couleur spéculative par excellence, il fascine peintres et poètes, qu’ils créent le groupe du Blau Reiter – le Cavalier bleu- avec Kandinsky, qu’ils inventent tel Yves Klein cet I.K.B.-bleu violacé, qu’ils fassent voir avec Eluard « la terre bleue comme une orange », qu’ils élancent leur rêve vers l’infini, tel Victor Hugo, Baudelaire ou Philippe Jacottet pour qui « le bleu n’est plus une matière, mais une distance et un songe ». Ou qu’ils inventent, comme Rimbaud l’étrange synesthésie des Voyelles.
O bleu, comme Oméga

« O suprême clairon, plein de strideurs étranges
Silences traversés des Mondes et des Anges
O l’Omega, rayon violet de Ses Yeux »

O bleu pose Rimbaud en final de son célèbre poème Voyelles, où il associe à chacune de voyelles une couleur différente. Les couleurs donnent vie à la matière ; de même, les voyelles ne sont-elles pas la chair et le sang dans l’ossature du mot ? Entre les consonnes, elles rendent les mots prononçables. Alchimie du verbe, titre Rimbaud. Le poète fait voir. O l’Omega : de l’alpha à l’oméga, de leur origine obscure à la fin des choses, le poète voyant fait voir la totalité de l’univers.
En 1991, cherchant un hommage insolite pour le centenaire de la disparition de Rimbaud, j’ai retenu ces mystérieuses Voyelles de couleur pour une première série d’émissions sur France Culture -sans soupçonner que soulever ce voile des couleurs me ferait entrer dans un univers éblouissant, inépuisable. Commença alors tout un travail d’exploration et de diffusion, dont le dévoilement est toujours en cours, comme en témoigne cet ouvrage.

C’est qu’on touche à la complexité même : comme toutes les couleurs, le bleu est ambivalent, il dit aussi bien le songe romantique que les bleus à l’âme, les incertitudes de «l’heure bleue» et même, les peurs bleues paniques. Il se fait bleu d’amour tendre, pour dire le rêve, la douceur et une forme d’innocence, mais il peut glisser vers le sentiment d’une absence, dire le vague à l’âme et la nostalgie, au point de sombrer dans le «blues», la déploration d’un ailleurs inatteignable ou d’un être aimé lointain ou disparu.
(.......)
(Début de mon introduction du "Goût du Bleu", Mercure de France, 2013
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