au fond du jardin
un raccourci vers l'été
premières jonquilles
Christian Cosberg
Profonde solitude
je bouge mon ombre
histoire de voir
Hosai
dehors la nuit froide
dedans la montée des doutes
l'heure de se coucher
Pascale Senk
Écouter ma fatigue
"Tirant sur la corde", je veux demeurer le plus longtemps possible sur le tatami sans voir que mon état ne me le permet pas.
Me retournant sur la plage
même les traces de mes pas
ont disparu
ISSA
Lune du soir
buste dénudé
de l'escargot
Issa
Éloge de l'authenticité et de l'humilité
Dans son incessant rappel à la nature et aux choses simples, peu à peu le haïku nous éloigne du toc, du too much, du prétentieux. Sa sobriété formelle oblige à se recentrer sur ce qui vaut vraiment la peine d'être saisi... et donc vécu. Son style pur, sans artifice, dépouillé, est naturel comme le mode de vie des maîtres classiques qui l'ont créé. Ainsi, la bonzesse Chiyo-ni, qui écrivait avec humour :
Je bois à la source
j'ai oublié que je porte
du rouge aux lèvres !
Chiyo-ni
Au lecteur contemporain cette authenticité fait du bien.
Elle incite à se libérer de l'obligation de se prendre pour plus que l'on est, se retrouvant condamné à "travailler plus pour gagner plus", à s'élever sur la seule échelle matérielle tout en courant le risque de passer à côté de sa vie. "Il vaut mieux être moins, et être ce qu'on est", rappelait ainsi Alain Chamfort dans ses Maximes.
«Le haïku ne nous apporte pas de la matière qui va nous blinder, il nous enlève du matériau de trop pour arriver à un moment où tout est là, et tout est exact. Un moment d'exactitude avec soi-même.»
p.46 - phrase écrite par Thierry Cazals.
15 mars
une mèche grise
s'échappant d'un bonnet
bleu
giboulées de mars
Bikko
Le ciel bleuit -
j'écoute la glycine
refleurir
Damien Gabriels
Goûter le silence
Il est plein, il est vivant, il porte tant de fruits, le silence ! Aujourd'hui, il devient un bien rare dans une société si bavarde et qui produit une foule de divertissements en tous genres. Où aller pour faire une pause et s'en emplir corps et âme ? Dans quels recoins de notre ville ou de notre chemin nous retirer ? Nous devrions toujours avoir un espace de retrait où écouter le silence.
Pascale Senk
3 avril
quelque chose de lent dans l'air
soudain fait exploser
tous les bourgeons
Thierry Cazals