Citations de Patrice Gain (402)
L’éthique de nos parents était de dire que redouter quelque chose c’était l’attirer, que l’insouciance était le meilleur rempart contre les mauvais coups. Pourtant maman s’était mise à avoir peur.
J'ai roulé au cœur de paysages aux langueurs acides .
Des champs de coton gavés de pesticides ,
des étendues de maïs aux sillons stériles
et des horizons d'épis de blé au garde-à-vous ,
pas une tête qui dépasse ,
dans lesquels on traquait le coquelicot soyeux ,
le bleuet des poètes
et les pensées égarées à grand coup d'herbicide .
Le ciel monochrome s'ennuyait ferme .
Des nuages couleur cendre ,
[...]
paysage sous chimio .
Tout passe par le silence.
" Je suis un convalescent de la minute qui passe. "
Fernando Pessoa, Opium à bord (1993).
(page 9).
Par les vitres, un paysage désolé défilait. Désolé, vide et oppressant comme l'était l'atmosphère dans l'autocar. Des montagnes abruptes couvertes d'une herbe rase. Un océan déchaîné omniprésent et un vent constant qui faisait rageusement tanguer notre refuge ambulant. Quelques moutons apparaissaient ici ou là. Une maison aussi parfois et je me demandais quelles fautes avaient bien pu commettre le propriétaire pour être condamné à vivre là.
La mer était noire et peinait à effacer ses emportements nocturnes. Les montagnes qui la bordaient étaient blanchies par une fine pellicule de neige tombée avec le lever du jour. Un paysage en noir et blanc qui s'accordait parfaitement avec mes afflictions nées de la nuit.
En chemin, nous avons croisé des boeufs musqués. Ils ont tourné vers nous leurs têtes massives et hirsutes. Leurs longs poils étaient ébouriffés par le vent.
Une vie n’est que l’empilement de tout un fatras de choses, bonnes ou mauvaises, goûteuses ou fades, et la dernière que l’on pose sur le tas fait s’écrouler l’ensemble et elle s’arrête là.
Une bruine froide s'échappait de hauts nuages et posait un vernis glacé sur la roche nue du plateau granitique qui dominait les eaux noires du fjord.
Autrefois, en Yougoslavie, nous cohabitions tous ensemble, chrétiens, musulmans, orthodoxes, et maintenant chacun d’entre nous n’est plus que la somme de ses haines, de ses désirs de vengeance et de ses peurs.
De l’art rupestre aux graffitis militants, il y a une franche décadence, une négation du support, un irrespect de la matière, un mépris des paysages.
Les émotions me frappent souvent à l'improviste, avec une violence inouïe.
Je me demandais ce qui nous définissait : était-ce l'ensemble de nos actes ou seulement les conséquences de nos erreurs?
.
[...] le Causse .
Perchés sur un rocher , on écoutait le vent tiède souffler sur la steppe .
Les délicats épillets de stipa , fins comme des cheveux d'ange , moutonnaient dans la lumière du soir comme des vagues argentées .
C'était fascinant de voir ces ondes traverser les vastes étendues pour aller s'éteindre avec les dernières lueurs du soleil .
Quelques genévriers ou d'agressifs prunelliers , adossés à de fantomatiques roches ruiniformes , accrochaient le regard dans la prairie .
Pas un arbre digne de ce nom
[...]
J'aime ces endroits où l'on n'a pas idée de ce qu'il y a derrière l'horizon .
p.27
Ce qui importe dans la vie, c'est ce que l'on a fait entre le jour où l'on y est entré et celui où on la quitte. Il doit être agréable d'avoir quelques raisons d'en être fier. Le plus souvent, c'est là que ça pèche.
Je n'aime pas ce terme. On ne refait pas sa vie, on la poursuit, avec d'autres horizons parfois, d'autres personnes souvent, mais on n'efface pas le passé. Une vie n’est que l'empilement de tout un fatras de choses, bonnes ou mauvaises, goûteuses ou fades, et la dernière que l'on pose sur le tas fait s'écrouler l'ensemble et elle s'arrête là.
C’est difficile de trouver un endroit où aller quand on est de nulle part.
Son île à lui, c'est le monastère, son océan, le silence sur lequel il espérait voguer sans émois. Mais il est parsemé d'écueils.
Il en va des souvenirs comme de nos actes, il y a ceux que l'on voit surgir avec bonheur et nostalgie et puis il y a les autres, ces stigmates, ces ombres que l'on tait, que l'on aimerait chasser de notre mémoire. Mais rien ne s'efface jamais. On fait avec. Au mieux, on apprivoise.
Je me demande parfois pourquoi nous sommes ce que nous sommes, ce qui nous a forgés, ce qui guide nos gestes les plus instinctifs comme ceux que l'on considère comme réfléchis. Ce serait rassurant, déculpabilisant, de pouvoir justifier chacun de nos actes par des influences passées, des éléments malveillants dont on n'a même pas idée, tapis au fond de notre subconscient et s'affranchir ainsi des plus sombres.