Kaour, le tailleur, était très apprécié tant pour la qualité de son ouvrage que pour sa bonne humeur, et son amour des enfants qu'il savait distraire avec des riens : bobines de fil, petits bonnets de toutes les couleurs, menues bricoles que son ingéniosité rendaient plaisantes. Laouig, le sabotier, toujours sombre et distant, avait la réputation d'être âpre au gain. « Chacun vit sa bosse comme il peut ! » pensaient les villageois qui avaient bon coeur.
A cette époque, régnait en Cornouaille un roi intègre et bon. Il avait horreur du mensonge et se targuait de toujours dire la vérité. Il ne supportait plus les flatteries de ses courtisans ; il traversait leurs rangs à petits pas pressés, sans tourner la tête, coupant court à toute discussion qui n'allait pas rapidement à l'essentiel. L'expérience lui avait appris à se méfier des demi-vérités et des racontars qui, le plus souvent, se contredisaient.
Un jour, il décida de mettre fin à ce qu'il appelait le règne du mensonge et de la dissimulation.
- En tous cas, donnez-moi cette fois, à coup sûr, le moyen de me débarrasser de ma belle-fille.
- Je n'en vois qu'un ; il est infaillible et ne vous exposera à aucun désagrément.
- Lequel ?
- Le voici. Rendez-lui l'existence insupportable, ainsi qu'à son père. Soyez toujours de mauvaise humeur, criarde, acariâtre. Cherchez-leur de mauvaises querelles. Rabrouez-les à tous propos. Au besoin, frappez-les. Nourrissez-les mal et de ce qu'ils aiment le moins. Enfin, que la maison soit par vous un enfer et, d'eux-mêmes, ils auront hâte de la fuir.