Citations de Patrice Trigano (30)
Après tout, si Dieu avait un jour existé, n'aurait-il pas tout d'abord oeuvré pour que les croyances soient les mêmes pour tout le monde ? L'évidence de la réponse à cette question naïve me fit perdre la foi.
Les phobies de la maladie qui paralysent l'action, la douleur soudaine qui vient d'on ne sait où, le vertige qui oblige à s'asseoir sur un banc en pleine rue, la gorge qui se serre, le coeur qui s'accélère, les tempes qui battent puis le sang qui fout le camp, l'angoisse de n'être jamais à la hauteur de la situation, les insomnies qui tournent et retournent le corps comme une omelette qui bave dans la poêle, les nausées pour un oui ou pour un non, la colique de la peur qui galope, la frayeur et les colères protectrices des mots qu'on ne veut pas entendre, des situations qu'on ne veut pas revivre : voilà mon quotidien !
Vous ne pouvez pas me comprendre tant que je demeure incapable d'énoncer clairement les raisons du sentiment d'abandon que je ressens. C'est bizarre, je crois que c'est la première fois que je vous parle d'abandon. C'est bien pourtant de ce sentiment qu'est faite la matière principale de mes troubles. Je suis seul. Tout seul.
La langue française est parfois incongrue : le mot "avant" ouvre sur l'avenir et on l'utilise pour parler du passé. Avant j'étais comme ci, avant j'étais comme ça. Allez y comprendre ! Vous êtes pourtant là pour m'aider à me comprendre. M'aider à me sortir de ma détresse morale. M'aider! Mayday! Médée! Toujours le même refrain. Que des appels au secours! C'est bizarre, n'est-ce-pas ? Oui, aide-toi, le ciel t'aidera. Parle à un muet!
La dépression de son fils a été une épreuve dont elle ne fait que commencer à s'en remettre. Elle a tant souffert de voir son enfant chéri plongé dans la tourmente.
Comme moi, il était un trouillard de l'existence mais avec l'élégance qui me faisait défaut.
J'aimerai temps refaire le monde avec des mots.
Nous sommes tous de bien mauvais acteurs dans cette vie.
Les médecins qui se multipliaient auprès de moi ne semblaient pas d'accord. L'un parlait de spasmophobie, l'autre d'état depressif, un troisième de névrose, un quatrième, chez qui m'avait trainé ma mère sur le conseil d'une amie, avait même parlé d'un syndrome maniaco depressif.
J'avais besoin de donner du sens à mon existence en montant toujours plus haut dans la hiérarchie de l'érudition.
J'avais l'impression de comprendre ce que les gens avaient à dire avant même qu'ils ne parlent.
Chaque roman, chaque tableau, chaque pièce musicale, qui répondait à l'appel de mes sens me ramenait sur les pas de ma propre existence.
Je ne faisais que prendre mes distances avec les effets dévastateurs de l'amour possessif d'une mère et la béance affective induite par l'indifférence d'un père.
Mais l'art n'est pas la vie et hélas la vie n'est pas l'art.
Alors, pour arriver à vivre, il faut tricher. Et je triche. Du matin au soir. Je cache. Je dissimule. Je camoufle. J'enfouis. Je farde. Je remets au lendemain.
En fait, je sais cacher mon jeu. Je trompe bien mon monde. Mon assurance fait la farce, mais au fond de moi je sais que je suis un faux dort. Je ne suis pas dupe de mes mascarades.
De temps en temps mon écriture me surprend, les mots qui s'échappent de ma pensée m'étonnent, me dépassent et je dois vous avouer que j'aime ça. Mais c'est rare et je n'ai encore jamais vu apparaître l'ombre d'un possible bouquin.
Je fais simplement partie de ces individus qui n'ont jamais réussi à solder les comptes de leu enfance et qui vivent une souffrance permanente. Votre divan les connait bien.
Peut-être suis-je inapte à l'amour ? Encore faut-il savoir si c'est à la recevoir ou à le donner ! ... L'amour, c'est toujours l'affaire d'hier ou celle de demain.
Avec le recul, je peux maintenant comparer mon développement à la construction d'une maison sur des fondations bancales.