Pour la foire de Francfort en 2012
C'était une vieille histoire, une histoire ancienne, sauf que maintenant elle avait une nouvelle phase, une vieille histoire qui commence avec la graine qui est un arbre.
Mais ce n'était pas là le véritable début. L'histoire venait, comme toutes les histoires, d'avant le temps du souvenir qui se trouve au temps où il n'y avait que l'obscurité généreuse et aimante. Rien ne s'y faisait voir ni entendre, et il n'y avait aucun mouvement. Il n'y avait rien de vivant, seulement le potentiel _ qui est devenu la conception.
C'est une histoire qui s'est ouverte et qui a planté sa graine dans le temps du souvenir. Elle est devenue une histoire du peuple exprimée par le bois, peuple et bois ayant été engendrés par le ciel et la terre de sorte que bois et peuple ne font qu'un, le peuple étant le whãnau* de l'arbre.
*famille, famille étendue
Tous les moments se fondent en un, a-t-elle dit. Tout est recherche de lumière.
Au fil des ans, ils avaient dû faire attention et être prudents. La famille avait reçu des demandes de vente de terrains à l'arrière, et on avait fait pression sur eux pour qu'ils ouvrent la route le long de la plage. Mais ils avaient tous résisté de pied ferme pendant pendant plusieurs années. Tant mieux.
Désormais les gens se tournaient davantage vers leurs terres. Pas seulement leurs terres, mais aussi ce qui leur était propre. Ils devaient le faire s'ils ne voulaient pas être effacés de la surface du globe. Il y avait plus de détermination, maintenant, une détermination qui avait créé l'espoir, et l'espoir à son tour avait créé la confiance et l'énergie. Les choses bougeaient, à tel point que des gens se battaient pour conserver une langue qui risquait de se perdre, et que d'autres luttaient pour récupérer des terres qui leur avaient été retirées des années auparavant. Les gens de Te Ope en étaient un exemple et cela se présentait bien pour eux dorénavant.
Lors d'un enterrement, l'objectif du généalogiste était de décrire les liens qui unissaient les groupes de visiteurs à celui ou celle dont on veillait la dépouille mortelle. C'est à des moments pareils que tous les temps se fondent en un et que l'on comprend que l'on n'est qu'une des perles d'un collier continu sans début ni fin.
Et pourtant, parce que c'est un vide, un espace neutre - ni terre ni mer -, la liberté est là, sur le rivage, et le repos.
La liberté est là, de chercher dans le vide, dans le tas de mauvaises herbes, parmi les morceaux de vieux bois, le coquillage vide, le crâne de poisson, en quête de la particule du commencement - ou de la fin qui est le commencement.
L'espoir et le désir peuvent s'y attarder, les pensées et les sentiments se déplacer avec les grains de sable tamisés par l'eau et le vent.
Un soir, j'y ai posé mon sac et je me suis reposée, ouvrant la voie au vide, ce vide qui peut évoluer en étincelle, en petit mouvement. J'ai sorti de mon sac des vêtements chauds et j'ai attendu toute la nuit le matin qui allait devenir un recommencement.
Nous sommes allées acheter nos tickets et avons demandé des places en bas au milieu, comme nous le faisions dans la petite salle de chez nous.
- Seulement au balcon, a dit la vendeuse dans son box.
Au début je n'ai pas compris. Des clients s'engouffraient déjà dans la salle d'en bas. Mais Moana Rose savait. Elle en avait entendu parler. Elle était derrière moi et me parlait dans notre langue. Nous ne parlions notre langue qu'à la maison, jamais dans des lieux publics, mais là elle me murmurait à l'oreille que ce devait être une de ces salles ségrégationnistes où les Maoris n'avaient pas le droit de s'asseoir en bas.
Ils avaient accouru de tous les endroits d'où accourent les gamins, des bords des ruisseaux, l'herbe haute, des cimes des arbres, des refuges secrets, pour en décorer toute la surface, s'agrippant à la verticale, à l'horizontale, la tête en haut, la tête en bas. Vêtus de robes refaites à leur taille et de shorts découpés dan des pantalons d'adultes et des sacs de farine, ils se précipitaient, ourlets à moitié défaits, pantalons retenus d'une main, tignasses noires scintillantes.
Note : la langue maori utilise le même mot comme verbe (conjugué ou à l'infinitif) et comme substantif. Dans la liste suivante nous avons donné le sens de la première occurence dans le texte à partir duquel on pourra trouver la signification d'autres occurences selon leur contexte immédiat : par exemple, korero veut dire «parler», «parle», «parlons», «discours», «conversation», etc.
La chair de l'anguille était dorée et sentait la mer et les arbres. Nous voulions en manger tout de suite, mais Hemi était un peu en colère contre nous et nous a dit qu'on ne mangeait pas de nourriture avant qu'elle n'ai été partagée, surtout si elle venait de la mer. « Notre famille est nombreuse, a-t-il dit, il faut toujours se le rappeler. »
Ka mate ! Ka mate !
Ka ora ! Ka ora !
Ka mate ! Ka mate !
Ka ora ! Ka ora !
Tēnei te tangata pūhuruhuru
Nāna nei i tiki mai
Whakawhiti te rā !
Upane, ka upane.
Upane, ka upane.
Witi te rā !
Je vis ! Je vis !
Je meurs ! Je meurs !
Je vis ! Je vis !
Je meurs ! Je meurs !
Grâce à la générosité de ce peuple,
J'ai pu voir le soleil se lever à nouveau !
Marche après marche.
Marche après marche.
Le soleil se lève !