Dans le 147e épisode du podcast Le bulleur, on vous présente L'année fantôme, album que l'on doit à Didier Tronchet et aux éditions Dupuis dans la collection Aire libre. Cette semaine aussi, on revient sur lactualité de la bande dessinée et des sorties avec :
- La sortie de l'album Gisèle Halimi, une jeunesse tunisienne que nous devons au scénario de Danielle Masse, au dessin de Sylvain Dorange ainsi qu'aux éditions Delcourt dans sa collection Encrages
- La sortie de l'album Ange Leca, adaptation d'un roman de Tom Graffin par Jérôme Ropert pour la partie scénario, Victor Lepointe pour la partie dessin et c'est édité chez Grand angle
- La sortie de l'album Angela Davis que l'on doit au scénario de Mariapaola Pesce, au dessin de Mel Zohar et c'est édité chez Des ronds dans l'O
- La sortie de l'album Camille Claudel que l'on doit au scénario de Monica Foggia, au dessin de Martina Marzadori et c'est paru aux éditions du Seuil
- La sortie de Tombée d'une autre planète sur la vie de Patricia Highsmith, un album que l'on doit à Grace Ellis au scénario, Hannah Templer au dessin et c'est édité chez Calmann-Levy
- La sortie de l'album Psychothérapies que l'on doit au scénario conjoint de Jessica Holc et de Ghislain de Rincquesen, au dessin d'Émiliano Tanzillo et c'est édité chez Glénat dans la collection Vents d'ouest
- La réédition d'Un été indien, l'album que l'on doit au scénario d'Hugo Pratt, au dessin de Milo Manara et réédité dans une collection sortie en marge du festival d'Angoulême chez Casterman
+ Lire la suite

" Quel est votre prénom demanda Thérèse.
- Carol. Surtout ne dîtes pas Carôle, comme les Américains prononcent ce qu'ils croient être français.
- Eh bien ne m'appelez pas Thiriise, à l'américaine.
- Comment dois-je dire ? Thérèse ?
- Oui. Comme ça. " Carol avait accentué à la française. Thérèse avait l'habitude d'entendre son prénom écorché de toutes les manières et elle-même ne savait pas toujours comment le présenter. Elle aimait la façon dont Carol le prononçait, elle aimait voir les lèvres de Carol dire son nom. Un désir ancien, dont elle n'avait que vaguement conscience par moments, se réveilla, un désir si embarrassant qu'elle l'écarta de son esprit.
" Que faîtes-vous le dimanche ? demanda Carol.
- Je ne sais pas toujours quoi faire. Rien de particulier. Et vous ?
- Récemment, rien. Si vous voulez venir me voir, à l'occasion, vous êtes la bienvenue. Au moins, c'est la campagne, là où je vis. Aimeriez-vous venir dimanche ? " Les yeux gris la regardèrent en face, et pour la première fois Thérèse soutint leur regard. Elle y vit une pointe d'humour. Et encore : de la curiosité. Et peut-être du défi.
" Oui, dit Thérèse.
- Vous êtes une drôle de fille.
- Pourquoi ?
- Tombée d'une autre planète, on dirait ", dit Carol.

Elle se sourit à elle-même. L'air était frais et doux à son front, bruissant comme un mouvement d'ailes, et elle crut voler à travers les rues. Vers Carol. Peut-être savait-elle en ce moment, car Carol souvent avait deviné de ces choses. Elle traversa encore une rue, et aperçut la marquise de l'Elysée.
Le majordome l'arrêta un instant mais elle dit : " je cherche quelqu'un" et entra dans la salle de bar. Elle s'immobilisa à l'entrée, parcourut les tables du regard. Quelqu'un jouait du piano dans l'ambiance tamisée. Elle ne l'aperçut pas immédiatement, cachée dans l'ombre à l'autre extrémité de la pièce. Carol ne la voyait pas. Un homme était assis face à elle, dos tourné. Carol leva lentement la main et repoussa une mèche de cheveux de chaque côté. Thérèse sourit parce que ce geste était Carol, et c'était Carol qu'elle aimait et aimerait toujours. Oh, différemment maintenant, parce qu'elle était différente, nouvelle, et c'était comme refaire connaissance, mais c'était toujours Carol et personne d'autre. Ce serait Carol, dans un millier de villes, un millier de maisons, dans des contrées étrangères où elles iraient ensemble, au ciel comme en enfer. Thérèse attendit. Elle allait s'avancer quand Carol la vit, la regarda, incrédule, tandis que s'élargissait doucement son sourire, puis soudain elle leva le bras, agita la main en un salut empressé, impatient, que Thérèse ne connaissait pas. Thérèse marcha vers elle.
Vraiment, la seule façon de voir la réalité est à travers les yeux de la personne aimée. Le jeune homme qui au sommet d’une colline, découvre un port en contrebas, voit un panorama différent, s’il est amoureux, de celui que perçoit le promeneur solitaire qui tombe sur ce même port. Le premier connaît l’amour, qui gouverne les gestes humains – sa présence ou son absence – depuis l’acte qui consiste à cueillir une fleur jusqu’à celui qui consiste à faire la guerre. L’amour est le premier et primordial ajustement du regard qui permet de percevoir la réalité de la vérité.
Simenon lâche ses romans et ses nouvelles dans la nature comme des pigeons du haut d'un toit, avec un "Prenez votre envol, à présent!"
c'est aussi mon attitude.
J'aime échapper aux étiquettes. Ce sont les éditeurs américains qui en sont friands.
Avant-propos de l'auteure, 24 mai 1989
Les rues étaient comme des veines, se dit-il, et les gens étaient le sang qui circulait partout.

Pourquoi les gens sont-il tellement fascinés par la vie sexuelle des autres ? Peut-être parce qu'on y trouve matière à nourrir ses fantasmes, les révélations des journaux étant d'autant plus juteuses qu'elles concernent un membre de quelque famille royale, en vertu, sans doute, du raffinement du décor, une autre raison, plus ignoble, en est le besoin primitif de surveiller et de punir ceux qui s'écartent de la tribu. Si on rencontre sur une route, dans le brouillard, une vague silhouette vêtue d'un imperméable informe, la première question qu'on se pose est : homme ou femme ? C'est une question immédiate et inconsciente qui exige réponse. Si la silhouette informe nous arrête pour nous demander son chemin, et qu'à cause de son âge, de son cache-col ou d'une voix androgyne, on ne peux pas déterminer son sexe, alors cela devient une anecdote amusante à raconter à ses amis. Le sexe est défini par des caractères physiques, et il doit être indiqués sur les passeports. L'amour est dans la tête, c'est un état d'esprit.
[Extrait de la postface]
Tomber amoureux, pour certains, est démodé, dangereux et même inutile. Pas d'émotion forte, voilà le slogan. Jouez le champ, comptez les points et soyez content. Le sexe, pour eux, n'est qu'une occupation narcissique.
Postface de l'auteure, octobre 1983
On dit des artistes qu’ils vivent repliés sur eux-mêmes, alors qu’en réalité ils vivent hors d’eux-mêmes, bien plus que les gens ordinaires. Qu’il soit inspiré ou qu’il travaille, l’artiste fréquente le même monde qu’eux, mais ce monde est différent chaque fois qu’il y retourne. (Dieu merci, car, sinon, il s’ennuierait mortellement !) Il se demande souvent comment les gens ordinaires peuvent tolérer ce qu’il sait être pour eux toujours le même monde immuable.
Elle eut l'impression, fugitive,que son esprit venait de déborder de ses rives et qu'il s'épanchait, libre, dans l'espace.