Brésil, État de l'Acre. Une jeune avocate originaire de São Paulo se rend dans cette région partiellement couverte par la forêt amazonienne pour suivre le procès des assassins d'une jeune indigène. Sur place, elle découvre la beauté hypnotique et mystérieuse de la jungle, mais aussi sa part sombre, les injustices et les tragédies vécues au quotidien par les populations locales.
S'initiant aux rituels ancestraux des peuples indigènes d'Amazonie et notamment à la prise de l'ayahuasca, un puissant hallucinogène, la jeune femme s'engage dans une quête de justice, pour les femmes qui l'entourent et pour elle-même.
Le roman de Patrícia Melo nous embarque entre réalité et cauchemar, dans une enquête où la violence prime sur la loi. En choisissant de tenir son intrigue dans l'État de l'Acre, dans le ventre de la jungle, l'autrice brésilienne montre la violence infligée aux femmes, mais aussi à la nature : celles qu'on tue dans l'indifférence.
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Oui vraiment, se casser les jambes serait excellent , j’ai pensé , en descendant les escaliers. Pour des personnes seules comme Rachel, et pour les paumés de toute espèce,, une maladie qui survient, ou un accident,c’est une façon comme une autre d’acquérir une visibilité.
je n’ai pas l’oreille absolue comme certains musiciens, ni l’ouïe sensible comme celle des chiens, mais je n’ai jamais compris pourquoi le bruit n’est pas considéré comme une arme blanche efficace.
(incipit)
Je distingue ce qui est bien et je l’approuve, mais j’opte pour le pire.
Le silence a de nombreuses qualités, je m'en apercevais. Cela peut être un silence de machine, comme celui des hôpitaux. Cela peut être un silence de pierre. Comme dans le désert. Ou un silence animal, le fauve qui respire, menaçant. Cela peut être encore un silence qui vient d'en-haut, ou du passé, étouffant, comme le ciel chargé de nuages qui apporte la tempête. Ou un silence qui s'élève, comme l'éther, nous transportant au ciel.
Il faut regarder la vérité en face, une femme peut être moche, décatie, cul énorme, gueule simiesque, dents de travers, il y aura toujours un homme prêt à se l’envoyer. Toujours.
“Le problème des femmes brésiliennes, disait-il, c’est qu’une grande partie de la population masculine du pays est incarcérée. Dans très peu de temps, si la situation continue de progresser à ce rythme, nous aurons plus d’hommes en prison qu’en liberté au Brésil. Comment les Brésiliennes vont-elles faire ? Ce que Rúbia, très maligne, est déjà en train de faire : apprendre à nous aimer. S’éprendre d’un homme honnête, disait-il, va être un truc de femme perverse.”
Je crois préférable d’écouter que de parler. Celui qui parle balise. Et celui qui écoute anticipe
L'amour, pour les esprits cartésiens, est toujours ridicule. Pour la science, il s'agit d'un torrent de phényléthylamines. De hauts niveaux de dopamine et de norépinéphrine. Des phéromones, pour celui qui y croit.
Pour moi, l'amour est la preuve que nos molécules cytoplasmiques savent écrire des rimes. Du coup, les poètes ne me manquent plus. L'amour, c'est vrai, se substitue à la poésie.
......l’homme n’est libre que dans l’inertie. Jamais plus je n’ai cessé de considérer que les Grecs peuvent bien être dans la merde de nos jours, ils avaient raison quant au destin. Désormais, je sais que l’unique et infime part de libre arbitre que nous possédons, nous mortels, réside dans la décision d’entamer une action. En fait, nous avons deux choix, rien que deux. Nous pouvons croquer la pomme. Ou rester inertes comme les pierres. Le libre arbitre n’est rien d’autre : pomme ou pierre. Nous pouvons être une pierre dans le champ. Ne pas créer ni tenir négoce, comme l’enseigne Épicure. Cependant, si nous déclenchons l’action, si nous croquons une première fois, comme Ève, nous ne sommes plus maîtres de notre vie. Une autre force se met à l’œuvre, et son nom est fatalité.

Voilà la conclusion à laquelle je suis arrivée au cours de ma deuxième semaine au tribunal : nous, les femmes, nous tombons comme des mouches. Vous, les hommes, vous prenez une cuite et vous nous tuez. Vous voulez baiser et vous nous tuez. Vous êtes furax et vous nous tuez. Vous voulez vous amuser et vous nous tuez. Vous découvrez nos amants et vous nous tuez. Vous vous faites larguer et vous nous tuez. Vous vous trouvez une maîtresse et vous nous tuez. Vous vous sentez humiliés et vous nous tuez. Vous rentrez fatigués du travail et vous nous tuez.
Et au tribunal, vous dites tous que c'est notre faute. Nous, les femmes, nous savons vous taper sur les nerfs. Nous savons rendre la vie d'un mec impossible. Nous sommes infidèles. C'est notre faute C'est nous qui provoquons. Au final, qu'est-ce qu'on fabriquait à cet endroit-là ? A cette fête-là ? À cette heure-là ? Dans cette tenue ? Au final, pourquoi avons nous accepté la boisson qui nous a été offerte ? Pire encore : comment avons-nous pu accepter cette invitation à monter dans cette chambre d'hôtel ? Avec cette brute ? Si on ne voulait pas baiser ? Et ce n'est pas faute d'avoir été prévenues : ne sors pas de la maison. Encore moins le soir. Ne te soule pas. Ne sois pas indépendante. Ne va pas ici. Ni là. Ne travaille pas. Ne mets pas cette jupe. Ni ce décolleté. Mais vous croyez que nous suivons les règles ? Nous portons des mini-jupes. Des décolletés jusqu'au nombril. Et des shorts au ras du cul. Nous poussons le bouchon. Entrons dans des impasses sombres. Avons le feu à la chatte. Nous extrapolons. Travaillons toute la journée. Sommes indépendantes. Avons des amants. Rions aux éclats. Entretenons la maisonnée. Envoyons tout se faire foutre. Le plus curieux, c'est que nous ne tuons pas. Incroyable ce que nous tuons peu. Nous devrions, vu les statistiques montrant à quel point nous mourons, tuer beaucoup plus, Mais, en raison d'un problème hormonal peut-être, ou structurel, ou éthique, ou physique, nous préférons ne pas tuer. Et alors nous finissons jetées dans un terrain vague, comme Chirley. Pour insubordination. Nous sommes découpées en morceaux et enterrées, comme Ketlen. Dans le jardin. Pour désobéissance. Voilà se que j'ai vu cette semaine-là.