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Citations de Patricia Sarrio (12)


Antoine la reconnut avant même qu’elle ne pousse la porte du restaurant, une longue silhouette d’adolescente longiligne avec des cheveux qui flottaient sur ses épaules. Cette façon de marcher comme sur un fil, son bras replié, le bref instant d’hésitation pendant qu’elle laissait sortir les clients avant d’entrer, cette fille réussissait à dégager une impression d’assurance tranquille et d’incertitude évidente. Étonnant. Tout comme cette manière d’aller se poser tout naturellement dans son coin favori, le dos à la rue, à demi planquée par le dossier du fauteuil, après l’avoir salué.
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Pourtant, tard dans la nuit, lorsqu’il l’avait retrouvée parce qu’il s’inquiétait de l’avoir entendue sortir précipitamment de sa tente, elle était redevenue cette fille de la nuit et de la nature. Une enfant d’elle. Une fée. Qui avait rendu leur moment d’échange magique.
Cela faisait des années qu’il n’avait pas ainsi discuter avec quelqu’un aussi légèrement, sans contrainte, comme si tout coulait de source. Alors que le paradoxe, c’est qu’elle représentait tout ce qu’il détestait et l’avait amené à fuir son ancienne vie.
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Cette fille était bizarre. Elle incitait à la confidence. Un genre de Wonder Woman avec son lasso magique.
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À la place, elle prit son téléphone et chercha le bon angle pour sa photo. La mer bleu vert, le ciel rayé de très fines bandes de nuages blancs comme étalés au pinceau fin, les rochers gris découverts par la marée basse, la silhouette noire qui allait et venait… En pose lente, elle donnait l’impression d’un oiseau qui se posait. Ou décollait. Elle saisit tout ça en rafale, choisit la deuxième photo, l’instagramma du filtre adéquat et posta le tout. Hashtags Bretagne, hors saison, sérénité.
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Une bouffée de rage l’envahit. Il voyait parfaitement à quoi elle faisait allusion et son impuissance l’emplit de frustration. Il y a des moments où c’est mieux de ne pas toucher le silence. Il avançait sur la pointe des pieds.
— Tu exagères. On a bossé là-dessus, les choses ont évolué depuis vingt ans. II y a maintenant des policiers femmes qui...
— Sans blague ? railla-t-elle. Et par curiosité, il y a combien de nanas dans ta brigade ?
Il bougea un peu sur sa chaise trop étroite, embarrassé.
— Ce n'est pas aussi facile que ça… marmonna-t-il, jouant avec les morceaux dans son assiette.
— C'est sûr, c'est comme dans l'Education Nationale en fait : on veut l'hétérogénéité, la mixité, plein de beaux discours, n’empêche que c'est toujours les mêmes qui se retrouvent sur le carreau et avec la haine de l'école qu'ils transmettront à leurs gamins !
— On ne peut pas discuter avec toi !
Ils s’interrompirent tandis qu’elle lui jetait un regard irrité.
— C’est sûr qu’avec ton pote Simeoni, on peut vachement discuter ! Dans la série « ouverture d’esprit et écoute de l’autre », il est au top !
— Eh, tous les flics ne sont pas comme lui ! Regarde, moi par exemple…
— Oui, enfin on ne peut pas dire que tu aies été particulièrement sympathique et compréhensif lors de notre première rencontre ! Dans la série « gros con », tu étais pas mal !
Il secoua la tête, sidéré par sa mauvaise foi.
— Sauf que c’est toi qui…
— J’étais traumatisée ! Je venais de tomber sur un cadavre, je te rappelle.
— Oui, eh bien moi aussi, j’étais perturbé
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Il soupira et abandonna son petit jeu. Mains posées sur ses cuisses, assise sur ses talons, elle lui faisait face. Le chemisier un peu débraillé quand même. Et transparent.
— Tu penses à quoi ?
— Au fait que Thouvenel et Jauzion étaient potes, c’est toi qui me l’as dit.
— Quand je t’ai dit ça ?
— Lorsque tu essayais de me faire changer de sujet alors qu’on parlait de tes mariages foirés, dans le train. Souviens-toi de ta réponse…
Il soupira de nouveau.
— Ce qui est chiant, avec les filles intelligentes, c’est qu’elles n’oublient rien.
— Ce n’est pas de l’intelligence, c’est de la mémoire, ça n’a rien à voir. Et ce n’est pas que je n’oublie rien, mais plutôt que je retiens tout, nuance. Je n’y peux rien, si je ne suis pas une des pouffes mono-neurone que tu as l’habitude de fréquenter !
Toujours aussi définitive. Secouant la tête, il fit courir son pouce sur sa bouche pour la faire taire mais la manoeuvre échoua.
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Les fenêtres grandes ouvertes laissaient entrer l’air doux du début de soirée et dévoilaient les premières lumières sur le Rhône. Elle le sentit marquer un temps d'arrêt en découvrant le spectacle pendant qu'elle ouvrait un placard pour récupérer un vase. C’était cette vue qui l’avait décidée à acheter l’appartement, en piteux état à ce moment-là, et, depuis bientôt dix ans qu’elle la contemplait quotidiennement, elle ne s’en lassait pas.
De toutes les villes où elle avait pu vivre, jamais une seule n'avait égalé Lyon pour Perséphone. Elle aimait Paris, comme une provinciale qui vient s'y mettre à jour ponctuellement, Londres pour sa frénésie et son côté feu d'artifice permanent, Oxford pour les souvenirs estudiantins qu'elle pouvait y avoir, d'autres encore pour le dépaysement, mais elle n'avait jamais imaginé vivre ailleurs qu'entre Rhône et Saône. Et si elle avait choisi d'habiter sur la rive gauche, c'était pour le plaisir de contempler chaque soir la Presqu'île et ses collines de ses fenêtres.
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Légère et court vêtue, Perséphone Arouet avançait par un beau matin d’août sur le chemin de sa quinzième rentrée. D’un pas déterminé, ses talons attaquaient dru le pavé, tandis qu’elle grimpait presque joyeusement vers le bâtiment moderne, dont la silhouette devenait plus massive comme elle progressait vers lui.
Elle était entrée dans l’Education Nationale avec l’absolue certitude qu’elle n’y ferait qu’un bref passage, persuadée que sa vie se situait ailleurs. Rien ne la destinait à cet alimentaire emploi de gardeuse d’oies, pensait-elle à l’époque, sinon qu’à l'issue d'un brillant parcours universitaire, elle s'était retrouvée sans autre choix que de passer les concours de l’enseignement.
Cependant, et à sa plus grande surprise, elle avait pris goût à la chose. Elle avait découvert qu'elle aimait ne pas se lever à la même heure tous les matins, qu’elle adorait avoir sept heures de cours un jour puis deux le lendemain, qu’elle raffolait de pouvoir traîner chez elle habillée n’importe comment pour corriger ses paquets de copies et qu’elle chérissait, enfin, le fait de se poser dans un petit café tranquille, un livre à la main et un crayon dans l’autre, pour réfléchir à ses cours.
Perséphone avait appris à apprécier l'absence de patron sur son dos, l'inexistence d’objectif chiffré, le confort d’un salaire, certes peu exponentiel mais néanmoins régulier, et l’avantage de vacances toutes les sept semaines. Et plus que tout elle appréciait sa liberté - totale, et son corollaire - la solitude : elle pouvait faire tout ce qu’elle voulait entre les quatre murs de sa salle de classe, l’Institution aurait fort à faire pour l’en déloger et mettre à jour ses failles puisqu’Elle n’y entrait jamais (exceptée une éventuelle visite d’inspection décennale).
Méditant donc sur les hasards de l’existence qui, une demi-douzaine d’établissements plus tard, lui avaient fait renier le serment qu’elle avait prononcé en entrant dans la carrière, elle fut stoppée dans sa marche conquérante par un capot d’automobile s’avançant incongrument.
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Kacew inspira un grand coup. Il commençait à partager les sentiments de son adjoint concernant les profs : ce type qui le regardait en ayant l'air de lui raconter une bonne blague, cette absolue certitude de détenir la vérité et cette manière de se croire supérieur au reste du monde l’horripilait. Il n’avait maintenant qu’une furieuse envie : le voir déguerpir au plus vite. Froissant son gobelet, il repoussa sa chaise.
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Il touilla encore un peu dans la casserole et elle posa son verre avant de venir se plaquer contre son dos, les mains caressantes.
— C'est bizarre, reprit-il après quelques instants, il n’y a pas grand-chose dans tes placards, mais on ne trouve ces pâtes qu’en Italie. Je ne t’imagine pas faisant du tourisme culinaire…
Elle éclata de rire et se détacha de lui, reprenant son verre.
— Quelle subtilité, commandant Kacew ! J’adore ta manière de poser les questions l’air de rien. Pourquoi tu ne dis pas plutôt : « qui est le mec qui a laissé ces pâtes en souvenir » ?
— C’est si évident ?
— C’est diaphane. Il s’agit donc des vestiges d’un charmant monsieur italien.
— Qui cuisinait ?
— C’était un peu son métier, en fait. Donc il venait avec son matériel…
— Un cuisinier ?
— Un chef ! Tu ne crois tout de même pas que j’allais me taper un pizzaiolo non plus ?
— J’oubliais ton snobisme.
Elle leva son verre et le fit tinter contre le sien.
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Traverser le pont Gallieni, découvrir le Rhône et ses quais s'offrant dans la caresse du soleil matinal, savourer la ville encore ensommeillée, c’était le spectacle quotidien que Kacew n'aurait manqué pour rien au monde. Il ne se lassait pas de cette déambulation matutinale, les eaux scintillantes à travers la brume légère qui peu à peu se fondait au ciel pâle, les ponts se silhouettant délicatement sous le crayonné de la lumière, à travers cette ville qui, comme lui, peinait à émerger, somnolente et languide. Pourtant, on pouvait déjà éprouver la chaleur moite qui allait caractériser la journée. L'odeur soufrée si typiquement lyonnaise des chaudes journées d'été, collante aux narines. Et malgré lui, il soupira.
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Ils avaient passé deux jours ensemble, absolument parfaits à tous points de vue, mais dimanche soir, quand elle lui avait suggéré de rentrer chez lui, il s'était senti congédié comme un vulgaire laquais.
— J'ai des trucs à préparer. Tu ne bosses jamais, toi ?
Ce qui était la meilleure venant de quelqu’un qui travaillait le tiers de lui ! Sauf qu’ayant eu le malheur de le lui dire, cela avait entraîné direct un retour de manivelle.
— Tu peux être plus précis ?
— Tu fais quoi, quinze heures par semaine, non ?
Reculée sur la banquette, elle le toisait, mains sur les hanches.
— D’abord, j’ai trois heures sup cette année…
— Waouh, un truc de dingue : tu veux dire que tu bosses dix-huit heures ?
— Bien sûr, avait-elle grincé, et encore, à peine : je fous les élèves sur des ordis ou devant des films et je me fais les ongles ! Ce n’est pas comme si je préparais des cours, que je corrigeais des copies ou que je rencontrais des parents jusqu’à neuf heures du soir, quelle idée !
— D’accord, avait-il tenté de temporiser, la voyant prête à exploser, j’ai peut-être parlé un peu vite…
— Le truc qui m’étonne, avait-elle poursuivi en ignorant son intervention, c’est pourquoi plus de monde ne passe pas les concours de l’Education nationale, puisque c’est une telle planque ! Tiens, toi par exemple : pour rentrer chez les flics, tu as eu besoin du même diplôme que celui qu’il faut pour le CAPES. Franchement, je ne comprends pas pourquoi tu ne l’as pas fait, tu aurais été tellement plus tranquille avec tes dix-huit heures ! Surtout qu’on manque de monde, le premier blaireau venu peut faire l’affaire.
Du coup, il était parti en claquant la porte.
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