Les cold cases, avec Patricia Tourancheau (Le Grêlé) et Julien Cernobori (CERNO, L'anti-enquête), animé par Carole Lefrançois.

Fait divers le plus retentissant de la seconde moitié du XXe siècle, le meurtre de Grégory Villemin, 4 ans, le 16 octobre 1984, dans les Vosges, restait un cold case, une énigme non résolue que l’on croyait embourbée à jamais dans les eaux vaseuses de la Vologne. La dernière apparition publique des parents de l’enfant, Christine et Jean-Marie Villemin, au printemps 1994, dans l’émission La Marche du siècle, n’était plus qu’un lointain souvenir. Et les vaines tentatives de la justice de relancer l’affaire grâce aux progrès scientifiques de la génétique dataient des années 2000. Depuis, plus rien. Enfin le croyait-on.
Quand soudain, le 14 juin 2017, l’histoire rebondit avec les arrestations des membres de la famille Jacob, des personnes âgées de plus de soixante-dix ans. Ce crime sur un enfant où s’entrechoquent chaos judiciaire, délire médiatique et secrets de famille, ressurgit de façon spectaculaire plus de trente-deux ans après les faits. Passionnée par ce fait divers survenu pendant mes études de journaliste, je ne l’avais pas couvert à l’époque, mais je dévorais les articles de presse sur le sujet. En stage à Libération pendant l’été 1985, j’avais suivi au sein de la rédaction l’élaboration du « reportage » de l’écrivain Marguerite Duras, titré « Sublime, forcément sublime » qui désignait sans précaution Christine Villemin, tout juste inculpée pour infanticide, comme la coupable, forcément coupable… L’attitude de certains chefs et intellectuels, qui accablaient « la mère » mais la trouvaient « absolument géniale », m’avait laissée perplexe.
Et puis dans les années 2000, j’ai eu l’occasion d’écrire sur les expertises en ADN de pièces à conviction qui n’ont rien donné. Mais ces actes scientifiques m’ont permis de mesurer à quel point Christine Villemin avait été victime d’une erreur judiciaire. La parution, en 2006, du livre de l’ex-capitaine de gendarmerie d’Épinal, Étienne Sesmat, a achevé de me convaincre du monstrueux gâchis humain généré par cette affaire. Aussi, lorsqu’elle revient dans l’actualité en 2017, je cherche à comprendre comment les enquêteurs ont remonté le temps pour en arriver là, par quel miracle ce dossier qui relève de l’archéologie judiciaire a pu en ressortir. Je me replonge dans les archives de Grégory et je pars en quête des procès-verbaux récents, pour le raconter comme un feuilleton pour le site d’information Les Jours.
Fouillant inlassablement le passé, ils (les enquêteurs de la section des recherches et la juge Claire Barbier) ont récupéré les écrits de plusieurs acteurs de l'histoire, comme les cahiers intimes du juge Simon, les carnets de note de la journaliste Laurence Lacour, ou des membres de la famille. Ils comptent toujours sur les témoignages des protagonistes de l'époque, car la mémoire ne s'efface pas sur des faits liés à un crime. Encore faudrait-il que la parole de personnes clés se libère enfin... Christine et Jean-Marie Villemin qui ont poussé la justice à rouvrir le dossier sont conscients des difficultés : des acteurs ou témoins de l'affaire sont décédés entre-temps, d'autres sont très âgés et certains sont liés par des secrets inavouables. Scellés et verrouillés.
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Un dessinateur de vingt-cinq ans a été « planté au cœur » par
deux racketteurs à qui il refusait de donner de l’argent, dans une rame de métro, Porte de Versailles : « Un fils unique. Et c’est là où vous en prenez plein la poire. La mère, déjà veuve, a tout perdu. On l’a vraiment maternée, cette femme-là. Elle avait cette attitude timide et respectueuse des gens qui ont affaire à la police une fois dans leur vie. Elle s’excusait d’appeler, même si elle avait ligne ouverte, on lui avait dit : “Téléphonez quand vous voulez.” Un jour, la dame a reçu une facture du Samu, 8 000 francs (1 200 euros) à payer pour le transport de son fils, sans couverture sociale. » C’est la police judiciaire qui a « incendié » l’assistance publique pour effacer la dette.

Gainsbourg a passé des après-midi entiers, enfoncé dans un fauteuil à griller ses Gitanes, à me regarder bosser, à ricaner et à commenter . L’artiste adorait rester des heures, assis dans l’un de ces deux antiques fauteuils en cuir avec accoudoirs, installés en contrebas du siège du chef de la brigade criminelle, là où, depuis des lustres, prennent place les suspects récalcitrants. « Vers 2 heures du mat’, les inspecteurs qui ne parvenaient pas à obtenir des aveux amenaient le détenu dans ce bureau, le plus luxueux du 36 et le seul moquetté, pour l’impressionner », raconte Patrick Riou à Gainsbourg, fasciné. C’est ce qu’on appelle « le coup de la moquette », un cérémonial organisé au 315 avec cigarette et café, « considération et respect » du patron de la Crim’ pour l’assassin, afin d’essayer de lui délier la langue, et ça marchait. Acoquiné à ce grand poulet, Serge Gainsbourg buvait ses histoires de faits divers et venait à tous les pots de la Crim’ s’enfiler des doubles Pastis 51.
Qu'il s'agisse de l'équipée sanglante du couple Fourniret, de l'épopée en or des braqueurs du gang des Postiches ou des combines du voyou Jean-Pierre Hellegouarch, toutes ces histoires qui se sont télescopées se sont mal terminées. Si certains protagonistes en ont réchappé, ces rencontres hasardeuses se sont souvent avérées destructrices.
C'est la plus grande énigme criminelle française du dernier siècle. Pendant plus de trente ans, depuis l'assassinat, le 5 mai 1986, de Cécile Bloch, une fillette de 11 ans, les enquêteurs de la brigade criminelle du 36 quai des Orfèvres, sanctuaire de la police judiciaire à Paris, ont recherché sans relâche un tueur en série surnommé "le Grêlé". Aujourd'hui, ce cold case qui a rebondi au gré de multiples portraits-robots, fausses pistes et autres progrès de la police scientifique, vient enfin de trouver son épilogue.
(Le commandant Gérard Sander, chef de groupe à la brigade criminelle) redoutait par dessus tout d'annoncer la mort à la famille (...), une horrible corvée, ou de recueillir les témoignages des proches qui découvrent eux-mêmes le corps. Pourtant, il avoue qu'il approche dans ces moments-là la véritable nature des gens, car les masques tombent avec la douleur : "En ce monde de paraître, on n'est pas mieux placé qu'à la criminelle pour le contact avec la réalité sans fard. Plus pur que ça tu meurs."
« On l’a tellement attendu, on l’a tellement cherché, ça a été des années de traque, que nous sommes tous là à le guetter, très dignement d’ailleurs. Tout le monde veut le voir. Mais, derrière l’homme d’apparence ordinaire que nous voyons monter, ressurgissent pour nous toutes les images de ces jeunes femmes assassinées, égorgées, violées, chosifiées, massacrées. Et on ne peut s’empêcher de penser qu’il est, pour la France, un de nos plus grands tueurs en série. »
Triste à pleurer, Jean-Claude Myszka se désole sur son sort et sur la perte du trésor des Postiches. Enfin, d'une partie. Et c'est sa seule consolation : les flics ne trouveront jamais les 34 lingots d'or et les milliers de pièces d'or enterrés quelques jours plus tôt au cimetière de Fontenay-en-Parisis. Le magot auquel va très vite s'intéresser le prédateur Michel Fourniret.
Pour surmonter sa timidité, ce fils de résistant breton, élevé à la dure, a hésité entre deux « métiers d’autorité » : magistrat ou policier. Devenu commissaire, il a commencé en 1974 à la 9e BT de la police judiciaire, alors basée à Créteil (Val-de-Marne), dans des préfabriqués « aussi pourris que les flics, efficaces certes, mais violents et corrompus pour la plupart », écrit-il dans son livre autobiographique. Atterré par leurs « méthodes courantes » – « extorsions d’aveux, passages à tabac, vols durant les perquisitions, procédures mensongères » –, le débutant décide de « monter au feu », avant de renoncer sur les conseils d’un policier honnête : « Tu ne peux pas dénoncer ça tout seul. T’as pas les reins. Tu es trop jeune, tu vas te faire broyer. »