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Citation de missmolko1


Dès le lendemain, Anthony Colstone alla visiter son nouveau domaine.
La gare la plus proche était celle de Wrane, mais il dut faire encore une dizaine de kilomètres en taxi pour arriver à Ford St Mary ; d’abord à travers des prairies plates parsemées de fermes, puis dans une campagne plus vallonnée, déserte, aride, sauvage à un point qu’il n’aurait pas cru possible. Enfin, la voiture redescendit jusqu’à une petite rivière qui serpentait entre des arbres étêtés. Derrière le bois s’étendait le village de Ford St Mary.
Un virage en épingle à cheveux dissimula tout à ses yeux. Ils pénétrèrent soudain dans l’ombre de grands arbres qui formaient une voûte au-dessus de la route. Étrange chose que de perdre en une seconde la lumière vive du soleil. Le bois était très dense et rempli d’une épaisse végétation. Après un autre virage, ils débouchèrent entre deux talus qui occultaient le paysage. Puis la première maison apparut, un vieux cottage penché, endormi sous son lourd toit de chaume, avec un jardin négligé, plein d’herbes hautes.
Il ressentit un vif picotement. S’il était bien à Ford St Mary, il se trouvait sur ses propres terres ; les champs de l’autre côté de la rivière lui appartenaient, ce vieux cottage aussi. Un secret orgueil de propriétaire l’enflamma soudain. Il avait toujours voulu des terres, mais jusqu’à ce moment il ignorait ce qu’il éprouverait à contempler un cours d’eau, des champs et des arbres en songeant : « Tout cela est à moi. »
Il reprit ses esprits dans un sursaut. Il n’allait pas laisser cet endroit lui faire perdre la tête. Il devait essayer d’appréhender les choses de façon rationnelle. Encore des chaumières ; certaines entourées de jardins colorés, buissons de houx, soucis, gueules-de-loup et rosiers grimpants, qui baignaient dans la chaleur langoureuse du mois d’août. Puis la grand-rue du village et un immense mur de pierre qui se dressait perpendiculairement sur la droite ; on ne distinguait aucune maison, rien que le grand mur. Au beau milieu, une lourde porte en chêne flanquée de piliers aussi en pierre et surmontée d’un blason portant une devise presque effacée.
Le taxi s’arrêta. Anthony sortit la tête.
— On ne peut pas entrer en voiture ?
Le chauffeur lui fit non de la tête. Il descendit d’un bond et sonna la cloche.Il ne s’était pas attendu à cela. Il s’était représenté au moins un portail et une longue avenue bordée d’arbres, un parc peut-être, un vaste jardin. Ce mur austère qui évoquait un château excitait plaisamment son imagination.
Puis la lourde porte s’ouvrit et il découvrit un passage vitré qui menait à la porte de la maison. Il aperçut quelques plantes dans des bacs, dont certaines à feuilles rayées, un ou deux palmiers, quelques géraniums déplumés. Il les observa à travers la vitre, essayant de se faire une idée de la maison, mais il n’eut qu’une impression confuse de pierres grises et d’immenses fenêtres. Il s’était attendu à quelque chose de plus ancien, des pignons, de vieilles poutres, en harmonie avec les maisons à colombages et toits de chaume du village.
Le majordome, Lane, vint l’accueillir. C’était un homme pâle et corpulent, à la nervosité palpable. Derrière lui, Mrs Hutchins, la gouvernante, forte, rubiconde et joviale. Puis la maison, sa maison. Il brûlait de se débarrasser d’eux pour partir à la découverte des lieux.
La façade grise n’était qu’un masque, dissimulant la beauté de l’édifice. Le XVIIIe siècle était passé par là et avait recouvert la Stonegate originelle. Le grand hall d’antan était toujours là, s’élevant jusqu’au deuxième étage, avec un escalier qui montait majestueusement vers une galerie à colonnade. La cheminée faisait plus de trois mètres de large. Sur les lambris de bois étaient accrochés des portraits presque aussi sombres qu’eux.
Il monta l’escalier et emprunta la galerie, suivant Mrs Hutchins, qui parlait de la chambre dans laquelle elle pensait l’installer, et de la chaleur.
— Quoique, Monsieur, pour vous, venant d’Inde, ça ne doit pas vous impressionner… Attention à la marche. On construisait tout avec des marches autrefois et je me demande bien pourquoi. Il y en a encore une ici, Monsieur, qui monte cette fois, et puis on redescend encore d’une demi-marche.
Elle ouvrit largement une porte et s’effaça pour le laisser entrer.
— Voici la chambre de Mr Jervis, Monsieur.
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