Avec Patrick ARTUS, Françoise BENHAMOU, André CARTAPANIS, Hippolyte D'ALBIS
Dans l'arène où sévissent les populistes, la question économique est au coeur de la dénonciation des élites et de « leur » politique dictée par les intérêts bien compris des banques et des marchés, elle serait favorable à une globalisation tous azimuts, européenne avant d'être française, indifférente aux effets de la désindustrialisation, de la pauvreté, des inégalités.
Or l'argumentaire économique des populistes n'est jamais analysé comme tel, jamais confronté non plus aux expériences politiques que ces derniers ont pu soutenir.
Cette session présentera un livre publié par dix-sept économistes, tous reconnus dans leur domaine, visant à analyser et déconstruire toute une palette de thématiques chères aux populistes, du protectionnisme aux migrations. Ainsi se trouvent démontés des « faits », des « données », voire des « analyses », qui relèvent en réalité du storytelling, de la mauvaise foi, d'éléments chiffrés piochés çà et là en fonction de leur capacité à conforter des a priori et des ambitions politiques.
Ce livre intitulé "Des économistes répondent aux populistes" a été publié par les Éditions Odile Jacob.
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Une génération n'existe jamais en tant que telle, de manière objective, mais resulte toujours d'une construction socio-historique, par conséquent toujours susceptible d'être rétrospectivement la proie de manipulations diverses. [p.46]
les jeunes de moins de 35 ans ont désormais accès à des biens qui étaient autrefois réservés à des actifs plus âgés, tandis que les seniors "rajeunissent" par la consommation [p.102]
Tout programme de politique économique, qu'il soit de droite, de gauche ou d'ailleurs, devrait avoir comme objectif l'élimination des rentes injustifiées (non liées en particulier à l'innovation) car leur présence implique nécessairement une mauvaise allocation de l'épargne, et au total une perte de revenu et de croissance.
Parmi ces rentes, il y a celles des entreprises qui se sont assuré des positions dominantes, que ce soit sur le marché des biens et services ou sur le marché du travail (c'est particulièrement vrai aux États-Unis) et qui, de ce fait, affaiblissent les salaires, accroissent les inégalités et engendrent de l'inefficacité. Il y a la rente immobilière qui enrichit les propriétaires immobiliers, accroît les inégalités de patrimoine et rend de plus en plus difficile l'accès au logement par les jeunes, les classes moyennes et populaires. Il y a enfin des rentes monétaires avec la forte hausse du prix des actifs : immobilier mais aussi actions, valeur des entreprises... un enrichissement qui n'est pas lié à l'innovation ou à la performance, mais doit tout aux politiques monétaires expansionnistes.
Si rien de tout cela n'est entrepris rapidement, nous continuerons à avoir cette situation paradoxale : la concomitance d'une politique monétaire expansionniste et de taux d'intérêt bas qui nourrissent la spéculation, creusent les inégalités de revenu et de patrimoine mais réduisent les gains de productivité, donc la croissance potentielle, de l'économie réelle.
(...) si la faible performance de l'économie française doit avant tout être imputée à la faible employabilité de la population active et non aux coûts, à la productivité ou à l'insuffisance d'investissement, alors c'est cette question de l'employabilité qu'il faut traiter d'urgence, et il est vain de tenter de redresser la performance de l'économie en continuant à baisser les impôts des entreprises ou en les incitant seulement à investir. Bref, nous pensons que la thèse de la dévaluation interne pour soigner les maux de notre industrie ne tient pas. Pas plus que ne tiennent les recettes protectionnistes destinées à protéger l'industrie de la concurrence des pays à coûts salariaux faibles.
Face à des concurrents qui sont, rappelons-le, pour l'essentiel des pays à coûts salariaux, compétences et niveaux de gamme élevés, la politique économique la plus efficace pour la France doit s'organiser autour de la créativité, de l'innovation, de la robotisation, donc des compétences, la clé de l'efficacité des politiques de réindustrialisation, de relocalisation, d'aide à la recherche, de modernisation des entreprises, de montée en gamme de l'économie, toutes évolutions indispensables à l'amélioration de la croissance potentielle. Or, sans cette amélioration de la croissance potentielle, aucune politique économique de nature à améliorer le niveau de vie des Français ne peut réussir.
La monnaie unique ne peut survivre sans un véritable fédéralisme économique qui suppose à la fois une solidarité financière, une responsabilité budgétaire collective, une harmonisation fiscale et une coordination étroite des instruments de politique économique compatibles avec le retour de la croissance dans la région et la réindustrialisation du continent. Faute de quoi l'éclatement de la zone euro paraît à terme inéluctable et avec lui la fin de la construction européenne.
(...) aucune grande nation ne peut, dans le grand chambardement du monde, espérer défendre ses chances et garantir un niveau et une qualité de vie à ses citoyens si le potentiel de chacun n'est pas sans cesse entretenu, stimulé et perfectionné, la matière grise étant devenue le carburant de la modernité. Redisons-le ici en conclusion : dans notre esprit, la bataille de l'éducation et des compétences conditionne tout : la lutte contre les bas salaires et les mauvais emplois, la vitalité de notre industrie, le dynamisme de l'innovation, la capacité à moderniser nos entreprises, le taux d'emploi, le niveau de production et des recettes fiscales, et donc in fine l'équilibre de nos finances publiques. Autant dire que baisser les bras sur le sujet de l'éducation et des compétences, c'est renoncer à redresser réellement la situation économique et sociale du pays. C'est aussi se priver d'un projet d'avenir commun pour les générations futures si l'on veut bien considérer que l'éducation est aussi au cœur de ce qui constitue la nation française, sa culture, son universalisme et son modèle républicain.
Bien peu de salariés peuvent aujourd'hui se vanter d'avoir entendu récemment leur patron revendiquer le goût du partage comme méthode de management !
L'austérité salariale conduit à une inflation faible qui permet aux banques centrales de garder des taux d'intérêt très bas, ce qui garantit la solvabilité des États, même si leur taux d'endettement public est très élevé.
Chapitre 11 : Quelle est la fin de l'histoire ?
Ricardo aurait adoré la mondialisation !