Patrick Berhault

Patrick Berhault relate dans ce livre un exploit réalisé à travers toutes les Alpes, depuis la Slovénie jusqu'à Menton, en passant par les Dolomites, l'Autriche, la Suisse, la France, en réalisant la célèbre trilogie Cervin-Eiger-Grandes Jorasses, ce périple ayant débuté le 27 août 2000 pour s'achever le 1er février 2001, donc une très large dominante d'ascensions hivernales dans des conditions très difficiles et périlleuses.



Il est accompagné d'abord par son ami Patrick Edlinger avec lequel il réalise toute la première partie dont l'italienne dans les Dolomites. Il développe leur organisation, leur symbiose parfaite dans l'effort, leurs bons moments d'humour et de détente, donc une large place à une amitié de vrais alpinistes unis par un idéal qu'eux seuls quasiment peuvent comprendre et réaliser.



Ensuite, il continue avec d'autres partenaires, Philippe Magnin, Patrick Gabarrou, Gaël Bouquet des Chaux et d'autres qui accompagnent les alpinistes au pied des parois, assurant une logistique facilitant les ascensions et surtout le retour vers les refuges, fournissant nourriture, boissons chaudes, tout ce qui permet aux grimpeurs de maintenir leur niveau pour continuer.



Pour certaines ascensions, Patrick est seul, comme au Viso, en plein mois de janvier, donc dans des conditions de froid et de neige qui rendent très dure l'ascension et magnifient l'exploit réalisé. Il appréciera beaucoup l'assistance de ses amis italiens au terme de la descente.



Son livre est tiré du journal qu'il s'efforce de tenir au jour le jour, le complétant et l'étoffant lorsque le mauvais temps l'empêche de commencer l'ascension suivante. Certains pourraient trouver son récit trop technique, c'est naturel d'expliquer les détails qui sont l'essence même de l'alpinisme, Patrick complète souvent avec l'émerveillement qu'il ressent devant la nature, qu'il s'agisse des levers de soleils ou des nuits étoilées, sur les sentiers de la flore et de la faune, comme la lutte des bouquetins.



Tous les itinéraires de liaisons entre les cimes sont réalisés à pied ou à skis. Ainsi, le lecteur qui connaît certains secteurs peut suivre la route de l'alpiniste à travers le massif du Mont-Blanc, la Vanoise, le Queyras ou plus loin vers l'Italie.



C'est une très belle histoire de montagne vécue par un homme qui accomplit son idéal dans l'univers le plus grandiose de la terre, celui où seuls les conquérants de l'inutile peuvent s'aventurer malgré les dangers qui hélas emportent un trop grand nombre parmi eux, dont Patrick Berhault quelques années plus tard.

Plus qu'un récit de voyage, il s'agit d'un journal de bord détaillant chaque journées du périple : dénivelés, altitudes, conseils techniques aux grimpeurs.

Bien sur, on est loin de la littérature, l'enchaînement au jour le jour est un peu rébarbatif et les réflexions de Patrick Berhault ne sont ni original ni très pertinentes.

Néanmoins l'ouvrage ne manque pas d'intérêts pour qui veut comprendre le "mythe Berhault". Il se dessine en filigrane une personnalité d'une grande humanité, d'une grande gentillesse et surtout un individualisme et une détermination sans faille.

Encordé mais libre ! Libre oui mais de quoi ?

Libre de défier la nature et Patrick Berhault et ses différents partenaires de cordées, officiels ou fruit de la spontanéité d'une rencontre, ne s'en privent pas.

Mépris du risque, voir même mépris du corps ! Rare sont les moments de sagesses ou l'on rebrousse chemin, modifie une étape, en tenant compte des conditions climatique (exécrable) ou de l'état de fatigue.

Pour Berhault, l'alpinisme est un savoir être, une attitude, plus qu'un savoir faire technique froid, objectif et dénué de toute "transcendance".

Ainsi il dit :

" il en est souvent ainsi en montagne, et l'on se dit parfois qu'au lieu de former les gens à évoluer avec toujours plus de sécurité, on ferait mieux de les sensibiliser à l'importance de la concentration et d'une conscience aiguisée. L'engagement et la prise de risques font partie du «jeu» de l'alpinisme, de sa culture."

On connait la suite : une chute mortel sur l'arrête du Täschhorn, un passage réputé sans difficultés pour un alpiniste de son niveau, un chemin même diront certains...

Orgueil et retour au réel.

Peut on trouver plus belle allégorie de la vie ?

Cette fois, c'est Patrick Berhault qui parle. Un carnet de voyage, la traversée des Alpes. Pour approcher le personnage. Rien d'intime, quelques mots sur ses filles, rien de plus. Une passion pour la montagne qui apparaît à chaque ligne, pour le dépassement de soi, l'exploit peut-être pas mais il aime aller au bout de lui-même, au bout de ses rêves. Et n'est ce pas la plus belle façon de vivre ? Celle qui me fait rêver en tout cas !

J'ai aimé ce bouquin et j'ai aimé ce grand homme. Voici un alpiniste au parcours humain et passionnant. Une belle vie qui s'est terminé tragiquement. De belles voies d'alpinisme toujours effectuées dans le partage. Une histoire de montagne et d'amitié. Une belle leçon de vie.

Beau livre pour les initiés et les non initiés.