Il y a mille fois plus de charme à être un ignorant passionné qu'un savant triste ! Le plus à plaindre reste bien sûr l'ignorant triste, celui à qui tout a été volé.
(Les livres se rencontrent comme les gens, même disponibilité intérieure, simplement le livre est à demeure. Mais je ne crois pas que l'on puisse vraiment rencontrer un grand livre s'il n'est pas par quelque fil secret raccroché à un échange, une rencontre, une vérité vécue et partagée) (p.28)
Le merveilleux est alors un talisman. Comme ces pierres d'ambre portées au cou. Il éloigne la peste, la peur, toutes les peurs. La beauté transfigure et protège. (p.18)
L'espérance est le coeur de la création. Elle aide à se croire proche, comme un signal en mer, au milieu de tant d'eau. On se sait alors rapproché de ce que l'on cherche. C'est essentiel pour continuer. Pour ne pas se perdre. Combien de livres perdent leurs pages au fur et à mesure qu'on les tourne ? Si l'auteur le sait, le sent, comment peut-il encore vivre ? (p.61)
Toutes les pages lues sont à nous, tous les lieux, les gens, les souvenirs. Tout nous appartient. Tout est à la mesure de notre curiosité, de notre voracité ( à chacun selon sa faim, tant pis pour les grignoteurs ). Aucune frontière ne nous sépare alors de nous-mêmes.
Éloigné de ma maison je l'imagine immense.Elle devient l'univers entier lorsqu'elle me manque. J'ai une relation amoureuse avec ses murs.
Le jardin étoilé est ma seconde peau.
L'amour inouï des mots, ce travail incessant qu'elle (la littérature) entretient sur soi, et à partir de soi, est quelque chose de très ancien, un art complexe qui s'apparente à l'enluminure, dans cette façon de saisir et retenir un moment précis, en une suite de petits tableaux, où l'on tente de rehausser les formes et les couleurs. Un art de magicien, mais exercé par des nomades, dans la survivance d'un feu de bois à l'orée de nos grandes villes. (p. 43)
Retours
La plaie du métier. Un sabordage programmé. Au bout de trois mois une nouveauté est vieille. C'est monstrueux pour un auteur : son livre lui a coûté quatre ans d'efforts. Les retours sont un des lieux de l'-inferno- du libraire. (p. 147)
Une poignée d'écrivains empiriques éparpillés sur notre bonne vieille Terre m'aide à tenir face à l'indéfini .Aux trous noirs.
Aux impasses suicidaires collectives, que nourrit la cupidité, la rapacité d'une poignée de décideurs, qu'il faudra bien un jour ou l'autre démettre, puis renverser et symboliquement pendre, ou traîner aux Assises.
( p.54)
J'aime le Merveilleux des êtres envahis, dépassés depuis longtemps par tous les évènements. Il y a souvent en eux, au coeur de leur défaite, la joie claire des ralentis, l'arrêt sur image d'une vraie vie, tissée en une sorte de légende familiale. (p.71)