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Citations de Patrick K. Dewdney (288)


La clairière obscure avait été envahie par un vol de lucioles. Elles virevoltaient en silence, des milliers de lueurs minuscules qui tournoyaient autour du chêne central, comme une procession de bougies féeriques.
Parfois, il y avait un bruissement furtif, un chasseur ailé piquait dans la clairière, une luciole s'éteignait brusquement, et autour, cela faisait comme une vague lumineuse, comme les rides sur l'eau lorsqu'il pleut. Fasciné par le spectacle phosphorescent, j'en oubliai quelque temps les bleus et l'épuisement. " J'ai toujours aimé les bois de Vaux pour ça", fit Uldrick doucement. "A chaque fois, c'est quand tu commences à ne plus la supporter que cette forêt se rachète pour la lune qui vient. Comme si elle avait besoin qu'on l'aime." J'acquiesçai, la bouche entrouverte, envoûté par la danse lumineuse. " On dirait des fées ", fis-je. " On dirait que c'est la nuit qui… qui ondule. " Uldrick me lança un regard étrange par-dessus le feu. " C'est vrai ", fit-il. " On dirait que la nuit ondule. "
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Je ne sais pas combien de temps je restai à l'eau ce matin-là. Je me rappelle la force du courant glacial de la fin d'automne, et la lumière grise. Je me souviens d'avoir été frôlé par quelque chose d'immense et de froid, sans doute s'agissait-il d'un tronc immergé, mais, à ce jour, un doute enfantin subsiste encore en moi. Je n'eus pas la force d'avoir peur. Je m'enlisai peu à peu dans un état second, entre la poigne engourdissante du froid et le rythme lent mais répété de mes brasses, et même les histoires terrifiantes des vieux pêcheurs quittèrent rapidement mon esprit. Les brumes m'environnaient, j'étais seul, perdu sur le flot incertain de limbes blanc. L'aube devait poindre, mais la lumière, au lieu de lever le voile, ne faisait que l'épaissir. Ma petite réserve d'énergie ne tarda pas à faire défaut. Je dérivais davantage que je ne nageais, crachotant parfois. Le froid et la fatigue anesthésiaient, nourrissaient une indifférence croissante et dangereuse. Envolées les pensées de loyauté envers Brindille et la colère revêche à l'intention de Hesse. Il n'y avait plus que l'abîme liquide, un gouffre glacial et sans fond au bord duquel je me tenais en équilibre précaire, quelque part entre la chaleur palpitante de ma propre chair et l'appel pressant de la fosse. C'était un combat inégal, je savais que je le perdais, et cela m'était de plus en plus égal.
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Nous avons enduré la Nuit. Nous avons enduré la Peste. Notre plus grand défi aujourd’hui consiste à nous endurer nous-mêmes.
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Le carreau qui frappa Uldrick frappa en biais, juste à côté de la nasale de son heaume. Ça se ficha jusqu'à l'empennage de feutre en un craquement étouffé. Le Var eut un sursaut, puis souffla net, comme un homme soulagé. Un flot rouge se mit à sourdre par la narine qu'il lui restait, puis son mauvais genou plia, et il bascula devant moi, son armure tintant tandis que les écailles de bronze sautaient sous l'impact d'autres traits miaulants. Ce fut le corps mourant du Var qui me protégea des tirs, tandis qu'autour la nuit se striait d'éclairs et de hurlements d'alarme et de douleur. Je me rappelle le sang qui bullait dans sa barbe, les chuintements au-dessus et aussi que j'avais agrippé sa main comme celle d'un père, pendant que ses soubresauts s'adoucissaient. Je me rappelle les larmes muettes, ne plus avoir voulu respirer, puis le blanc crépitant qui s'engouffra en moi, parce que je ne pouvais plus rien au monde, plus rien du tout. Je me rappelle avoir claqué des dents, et contemplé l'obscurité sans vouloir comprendre comment tout se défaisait devant mes yeux. Autour, les portes des enfers s'ouvraient en grand.
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Les mains sur les hanches, mes yeux balayèrent l'horizon qui semblait s'étaler de la pointe de mes bottes jusqu'au bout du monde.
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Sa silhouette, menue et immobile se détachait nettement sur le fond de ciel, là où le chemin atteignait le sommet de la colline. Driche était campée sur l'une des arrêtes de granit qui à cet endroit pointaient de la terre, tels les ossements oubliés de quelque créature monstrueuse enterrée là, sous la crête de la Cuvette.
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Rien ne peut rivaliser avec l'immensité de l'eau ni le murmure de l'écume. Le déséquilibre est écrasant.
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Je crus mourir lorsque Hesse tendit la main vers moi. Ses yeux pâles trouvèrent les miens, et je me figeai, tétanisé comme le lapin peut l'être par le serpent qui chasse.
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Ne plus être un homme, mais un rouage, un numéro de sécu, d'assuré, d'abonné. Peut-être que c'est comme ça que le monde tourne. Un vaste statu quo auquel la majorité se résigne, parce qu'elle tremble dans sa graisse, et sa chair frissonne à la pensée du geste de rébellion ultime. Il y a ceux qui voient au travers de la chair sanctifiée, et qui se jettent. Ce sont peut-être ceux-là qui ont compris, qui ont eu le courage d'être des hommes. Et ils s'épurent d'eux-mêmes. Laissent leur place aux choses, aux rouages, aux numéros, et à ce que la lâcheté peut acheter. Nous sommes ce que nous méritons d'être.
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Je rêve de l'amour que l'on perd.
Des regards. Des souffles conjugués dans lesquels on pouvait se réfugier tout entiers. Des déferlantes qui se fracassaient à l'intérieur, sur les rebords élastiques de nos cages thoraciques. La pression papillonnante qui poussait, poussait, jusqu'à ce qu'on veuille s'ouvrir en fleurs humaines, s'entre-déchirer pour que ça puisse voir la lumière. Libérer. Déverser. S'épandre sur le monde et sur l'autre, à l'inconditionnel, en torrents palpitants.
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On ne sait pas à quel point la solitude peut être présente dans la vie de quelqu'un qui pourtant voit des tas de gens tous les jours.
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Je fume et je mange pour les mêmes raisons, et de la même manière. Compulsivement, avec excès, tout en méprisant d'un côté l'intense satisfaction que ressent le corps, parce que de l'autre il y a la faiblesse, et l'aise repoussante avec laquelle l'esprit se plie aux exigences dangereuses de la chair. Chaque bouchée en trop, chaque cigarette, est une défaite de l'homme rationnel et une victoire de la dégénérescence addicte de ses instincts primaires. Je fais ça parce que je ne m'aime pas. Quand on se fait du mal en y prenant du plaisir, c'est qu'il y a une raison.
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Il venait de saisir la nuance entre le courage et l'obstination. C'est la liberté. Pour être courageux, il faut être libre. Alors que l'obstination appartient aux esclaves, et à ceux qui ne voient pas leurs propres chaînes.

p.395
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Les hommes aiment le son de leur propre voix. Les hommes de dieu plus que tous les autres, et il y a aussi que le troupeau est suffisamment niais pour trouver ces échos impressionnants.
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Par le con de la Putain-Frele, petit ! C’Était quoi ton idée hier soir ? Tu jouais à l'appât ou bien ?
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Je ne suis qu'un conglomérat de matière. Un tas d'atomes à qui l'on a appris à gesticuler en direction d'un univers sourd et aveugle. Un amalgame de viande qui n'est là que pour un temps, une chose avortée qui parvient à peine à se souvenir des rêves qu'il aurait voulu devenir. 
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Chez ceux des clans, le corps est considéré comme un livre ouvert où l'on inscrit les évènements importants de sa vie par l'art du tatouage. La peau vivante est d'ailleurs le seul support où ils acceptent d'inscrire des marques explicites. Leur "écriture" en pictogramme ne connaît aucune autre existence que sur le corps des hommes et le bétail. Si les membres des clans reçoivent de fait des tatouages de naissance, qui indiquent leur clan et leur lignage, l'ensemble des autres encrages sont des choix volontaires. Ainsi, chaque individu peut décider d'afficher publiquement tel ou tel haut fait, mais également l'état des ses relations avec autrui. Les marques de relation sont des modèles évolutifs. Elles racontent une histoire, et peuvent être modifiées pour refléter un changement de statut. Un tatouage peut partir d'une amitié, se transformer en une relation entre amants, puis annoncer la naissance d’enfants communs ou le partage d'un foyer.
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La confiance en l’homme est loin. Enterrée quelque-part au delà de l’océan, sous la terre meurtrie du dernier des continents et ces regards-ci ne se déferont plus jamais des larves de la méfiance.
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Les continents sont loin. Ici, le monde appelle avec la voix de la mer, un chant vaste et calme qui questionne chacune des entités qu'elle berce. Même moi, se dit le fils. Même les choses les plus dérisoires.
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On ne creuse pas le passé sans y trouver des échardes et de la souffrance. On ne retourne rien qui ne sache planter ses dents dans la chair du présent et lui parler d'ampoules et de sueur et de sang. 
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