22/11/2018
Avant de vous lancer dans l’écriture du Cycle de Syffe, dont L`Enfant de poussière est le premier tome, vous avez publié plusieurs livres dans des genres différents : polar, poésie, roman noir. Pourquoi avoir changé de registre ?
Pour décrire mon travail, j’ai toujours dit que j’écrivais des histoires. Le genre n’est pas un concept qui me parle beaucoup. Je conçois la littérature comme une discipline globale qu’il est enrichissant d’explorer, surtout si on aspire à une certaine maîtrise de la discipline en question. C’est donc ce que je m’applique à faire, à ma modeste échelle. Je n’ai pas tellement changé de registre, d’ailleurs. L’enrobage est peut-être un peu différent mais les thèmes que j’explore restent les mêmes.
Comme dans beaucoup d’ouvrages de fantasy, on trouve un cadre évoquant largement le Moyen Age en Occident. Selon vous, pourquoi est-ce une période particulièrement fertile pour l’imaginaire ? En quoi vous inspire-t-elle particulièrement ?
Je crois qu’il s’agit d’une époque où le monde était encore une entité indéfinie et incomplète, où l’Homme n’était pas son unique défi. En tous les cas c’est en cela que le Moyen Age m’inspire. Ceci étant, si le contexte central du Cycle de Syffe évoque un Moyen Age fantasmé, on a aussi beaucoup de structures différentes en périphérie, qui m’inspirent tout autant.
Dans ce premier tome on découvre les personnages, dont le jeune Syffe qui nous guide dans cette aventure. Avez-vous tout de suite imaginé ce texte comme un récit initiatique vu à travers les yeux d’un personnage à la fois très jeune (8 ans au début du livre) et très mûr ? Quelle relation entretenez-vous avez ce personnage ?
Oui, ça me semblait même nécessaire. J’avais envie que le lecteur puisse s’immerger organiquement dans l’univers que je lui propose. Le récit rapporté permet de jouer sur deux niveaux narratifs, celui de l’enfant qui découvre naïvement son monde en même temps que le lecteur, et le conteur, qui permet d’avoir un recul sur l’univers et même sa propre histoire, et donc d’introduire des éléments indispensables à la compréhension de l’histoire de manière plus aisée.
Quant à ma relation avec mon personnage, je crois qu’elle est complexe, peut-être parce que j’ai consacré beaucoup plus de mots à Syffe qu’à tous mes autres personnages réunis. Disons que j’essaye de le respecter et de le comprendre, mais je le façonne, aussi, souvent à la dure.
Le livre contient plusieurs cartes et dessins réalisés par Fanny Etienne-Artur. Comment est née cette collaboration ? Était-ce important pour vous d’ajouter quelques images aux mots ?
Fanny et moi avions déjà collaboré ensemble sur des projets texte-image qui sont parus dans le milieu du fanzinat, c’est une artiste très talentueuse et éclectique qui partage ma passion pour la fantasy. Quand je lui ai demandé de travailler avec moi sur le projet, on a très rapidement établi qu’on ne voulait pas faire de l’illustration : mon travail littéraire fait beaucoup trop appel à l’imagination de mes lecteurs pour que ce soit cohérent que je les dépossède de certaines images. Ce qui était important pour nous deux c’était donc d’élaborer un contenu visuel « lecteur friendly ». On a fini par opter pour des images d’atmosphère, qui s’inscrivent dans le même processus de récit rapporté que le texte lui-même : on part du principe que pour les cartes comme pour les dessins, c’est le personnage qui les ajoute pour qu’on puisse mieux faire sens de son histoire.
D’après ce qu’on en sait pour le moment, le Cycle de Syffe comptera 7 tomes. Sans trop en dévoiler le contenu, est-ce que cette saga suivra le personnage jusqu’à son dernier souffle ? Avez-vous déjà tout écrit, et à quel rythme de publication peut-on s’attendre ?
Alors dans le cycle on ne suivra pas le personnage jusqu’à la fin de sa vie, puisqu’au moment où il écrit, au moment où il nous raconte son histoire, il n’est pas au bout de sa vie. L’écriture du cycle lui-même est en cours, donc non, je n’ai pas tout écrit (par contre je sais exactement où je vais). Je vais essayer de tenir un rythme de deux ans entre chaque parution. Certains trouvent ça long, mais c’est le temps qu’il me faut pour écrire un texte de qualité.
Avez-vous déjà d’autres projets littéraires après cet imposant cycle ? Comment sort-on en tant qu’auteur de l’écriture de plusieurs milliers de pages ?
Pour l’instant je n’ai pas d’autres projets qui échappent au cycle, auquel je consacre tout mon temps. Il y a en revanche des projets qui y sont périphériques, dont un beau livre en collaboration là encore avec Fanny Etienne-Artur, qui se proposerait d’explorer l’univers étendu. J’ai aussi des projets de collaboration texte/image qui sortent de ce cadre, mais qui ne sont pas littéraires à proprement parler.
Vous êtes nominé dans la catégorie Roman des Pépites 2018 du Salon du livre jeunesse de Montreuil. Êtes-vous étonné de cette nomination ? Pensez-vous que le Cycle de Syffe, une saga sur le long cours avec un style très littéraire, soit accessible à des adolescents ?
J’avoue effectivement avoir été étonné par cette nomination, dans le bon sens du terme, et pas seulement par celle-là : L`Enfant de poussière a aussi été sélectionné pour le prix Imaginales des lycéens 2019. En soi, le fait est que je n’écris pas pour un public en particulier, et il me semble que si des adolescents adhèrent à un format littéraire qui est différent de celui qu’on leur propose dans le cadre scolaire, et bien pour moi quelque part, j’ai accompli mon travail.
Quel est le livre qui vous a donné envie d`écrire ?
Robin des Bois de Suzanne Pairault.
Quel est le livre que vous auriez rêvé écrire ?
La Route de Cormac McCarthy.
Quelle est votre première grande découverte littéraire ?
Les Chrysalides de John Wyndham.
Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?
Le Seigneur des anneaux de J.R.R. Tolkien.
Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?
Je ne crois pas qu’il y en ait un en particulier.
Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?
Clouer l’Ouest de
Séverine Chevalier.
Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?
J’hésite entre l’œuvre de Gustave Flaubert, et celle de Marcel Proust.
Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?
« Penser, attaquer, construire – telle est la ligne fabuleuse. »Le Comité Invisible.
Et en ce moment que lisez-vous ?
Je lis le premier tome d`Arkane de Pierre Bordage.
Découvrez L`Enfant de poussière de Patrick K. Dewdney aux éditions Au Diable Vauvert :

Entretien réalisé par Nicolas Hecht.
Une interview de Patrick K. Dewdney sur le Cycle de Syffe, à l'occasion de la parution du tome 3 Les Chiens et la Charrue aux éditions Au diable vauvert et du tome 2 La Peste et la Vigne aux éditions Folio SF.