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4.59/5 (sur 33 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Carcassonne , 1950
Biographie :

Patrick Laupin est un écrivain français.
Il a passé son enfance dans les Cévennes, dans une famille de mineurs de fond. Il a exercé pendant dix ans le métier d’instituteur et pendant vingt ans celui de formateur de travailleurs sociaux, creusant sans relâche un espace de transmission de la lecture et de l’écriture dans des lieux d’alphabétisation et d’internement, avec des adultes, des enfants et des adolescents en rupture de lien social.
Il a publié une vingtaine d’ouvrages ( poésie, prose, récits, philosophie). Tous ses livres, publiés depuis 1975, témoignent d’une écriture étincelante et harmonieuse, et sa poésie, intense et généreuse, dénonce un "monde sans prière" et, pour cette raison "déserté d'humain".

Source : Wikipedia et Magazine littéraie
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Citations et extraits (47) Voir plus Ajouter une citation
     
S'éloigner. S'approcher. L'énigme. Consentir enfin. C'est toujours d'un bleu déchirant, d'une méditante trace. "Peut-être jamais autant allée hors de tout ce que nous savons, d'un rythme apaisé et lointain...". ... Ce trait hiéroglyphique noué que nous sommes. Ce trait vocal qui voudrait ne jamais bouger. Rester langue morte. ... Demeure ce sillon creusé sur les lèvres, ce pli des yeux, une sorte de fluorescence du langage. ...
Ce moment qui gît en nous, cet état que nous créons et subissons, ce mot, ce rêve (j'aime le nom très seul dans le froid), densité légère et lente d'une seule phrase à retrouver. Effaçant d'amertume et de douceur, dans sa venue, toute idée possible de salut. Ce moment (désirant le midi, la révélation brûlante, la profondeur vide de la nuit) peut-être impensable, dans le grand espace détaché de la pensée défie l'entendement. Perdu le proche paysage intérieur. Jamais si nu, jamais si proche. Ciel immaculé, lointain bleu pâle, terrasses d'herbe et de pins où brûlent les pierres, douce indulgence de l'automne.
...
Ce moment dont on peut dire, murmurant faiblement "l'univers nous quitte"...''nous ne sommes pas sur terre, non, pas vraiment". Que le passage par la grâce et le consentement, ce malheur nu, ce bonheur poignant qui même hier n'existait pas, nous soit révélé seulement dans le "dehors pur", que le sentiment lui-même d'une humanité qui tour à tour nous habite, nous accable et nous déserte (partout proche et présent et pourtant à jamais hors) c'est peut-être la seule et impossible vérité à laquelle il convienne de se tenir. Stéphane Mallarmé sans doute eut conscience (plus qu'un autre) de ce dur travail d'exister, de ces instants fragiles à nouveau, d'évidence, où se fonde le monde, l'appelant imperceptiblement à naître. Nous nous donnerions tout le temps dans l'insistance des formes, l'ombre et la nuit, la lutte avec le temps, tout le temps que nous avons sur terre, pour un combat qui ne se saisirait de "rien". La limite. Ce qui ne se fixe, ne s'arrête, ne se ferme jamais. Comme un pur regard qui ne se détacherait jamais de l'implication bien qu'il ne s'effectue justement qu'au travers d'une série de crises de la perception qui ne peuvent être un pur regard de l'objet. Angles, réfractions, saisies partielles. Plus l'objet semble proche, plus les barrières se lèvent. On dit "la lumière réverbère". Et ce ciel raréfié soudain qui prolonge la fuite, fragment épars, indivisible, détaché dans la nudité du jour, accueillant déjà la forme du partage.
     
     
« Ces moments qui n'en deviennent qu'un », extraits – 1985.
pp. 93-95
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Patrick Laupin
 
Tu es venue à moi et je t'ai aimée tout
de suite Un langage comme une barque,
crécelle, boîte à musique, un théâtre
d'ombres, un manège ou un kiosque Un
langage qui m'a fait chercher toute ma
vie qui était derrière la chair parlée des
choses Qui était vivant dans les petites
lettres sous la rature et leur mur ébloui
d'infini La vie n'est pas une option et
on ne peut pas rétrécir jusqu'à pauvre
fil sans mémoire Je suis resté celui qui
t'attend L'éternel étudiant des voix qui
persuadent et qu'on ne traduit pas J'ai fait
porte étroite de mes rêves à la passion des
ponts du soupir Je pourrais même donner
des dates à mes intervalles et longs
silences Un nom à cette chambre entre
le rêve spontané et ton corps Un parfum
têtu de chèvrefeuille au nu de tes épaules
À la manière des amants
 
« Le Dernier Avenir », La Rumeur libre éditions, 2015, p.11
(premier poème du recueil)
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[...]
celui qui est pauvre est pauvre partout
des voisins pas d'amis c'est tout
juste des mains pour se cacher et rien d'autre
et l'homme baisse les yeux pour marcher
marche sous les arbres petit brûlot d'asile
petit brûlot d'air froid sous les platanes
et la lumière reflète les pierres de l'absence
le vague automne et son pardon
la misère est ce qui n'a pas de nom
oui arbres d'automne et le vent
hommes sur des terrasses inutiles
le jour rayonnant d'espace
ô visage astre vulnérable
quelle douleur l'absence de dialogue
plusieurs fois je me perds dans ce désert de langue
et je sais que toute âme est inéluctable
Mais dis Comment reverrai-je
les grands bois dorés où me fut donné vivre
la lumière des fautes et la rature de l'écriture
dans l'herbe endolorie
le grand salut du Soleil du monde lui-même ému sur la grève.

(extrait de "Ferveur" dans "La Rumeur libre") p.145
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ô du ciel tombaient des pétales & du ciel tombaient des fleurs pourpres & des corolles soyeuses évasives et limpides & dont la saveur fragile et blanche semblait pour toujours réclamer le filigrane de nos doigts & la solitude de mémoire dans le petit carré des vergers en friche au long de la route goudronnée & mais comme un vide déjà car partout l’herbe y voyageait en îles des cathédrales de jour & de sculpturales brindilles divaguées & qui semblaient appeler je ne sais quoi & la troublante beauté qui ne s’écrit pas & j’aimais le trouble éclatant des arbres au printemps & un vide élagué et la fragile épaule scripturale des vergers & j’aimais le rose pourpre et les premières venelles du froid & dans le tumulte divagué du vent & loin entre meules et cerisiers & blancheur éclatante des calices et corolles des pêchers & je trouvais de la magie sans contact dans ce creux d’éther diaphane & de rose clair incarnat des pétales & frêles folios constellés d’air pur & émerveillé qui regarde & une douceur confuse envahit les membres et enveloppe le corps d’un halo de lumière enfante & j’aimais les promenades minuscules au pied des arbres & qui raréfient les distances & le bonheur confiant de cette lumière qui épouse la creuse blancheur sensitive de contour quand le corps dessine un geste & nous résume avec limpidité au-dehors & j’aimais la lettre naissante de ce miraculeux contact de peur et joie sibylline diaphane avec les pétales & l’heure des livres posés dans l’herbe et les graminées claires qu’un vent d’or décline & tout ce trouble d’incarnation dans l’air qu’on n’ose à peine frôler des doigts & le frêle et transparent filigrane de merveille & qu’épelle mot à mot & lettre à lettre & un mince recueillement des syllabes & tout une genèse du vulnérable dans le fluide & et quelque énigme d’arcane ou d’ellipse & dans le corps et le ciel mystérieusement touchés sur terre & et le tendre recueil orphelin des branches de pâleur sauve & mysticité sûre & Qu’aimais-je (…)

La rumeur libre (l’air que l’on respire) et cette part la moins aliénable que chaque être porte au fond de soi
     
et qui se voit et qui s’entend au plus démuni de soi, au fond des yeux, du regard et de la voix
et dans le trop tard sombre incliné du visage, dans le clair recueil orphelin dispersé, de tant attendre
     
mais nous n’attendons plus rien
nous sommes sans espérance
nous sommes là
     
le monde semble créer un vide où le souffle épouse la forme, les contours, donne un nom aux choses par la seule éclaircie de cette rumeur libre

on ne pense à rien & aucune idée & aucune image & aucun mot & ne tiennent
     
les yeux ouverts et le bord du monde aimé jusqu’au vertige & à la fenêtre le bruit d’air bleu du ciel sur les tuiles & un vide tremble un peu de son frisson & de cette nature quasi saisissante du disparu & et doucement fléchie dans la lumière et le silence & le langage s’évide de la matière des vocables & et de cette patience d’écriture naît une énergie brève et fluide qu’il est impossible de nommer & mais simplement suivre
     
d’autres veulent raconter & lui commence par se taire & et de ce silence & par grandes coupoles sonores de vestiges & et pérennité du temps & s’élève la stance claire et spacieuse de la lettre vigile & qui restitue au monde son vertige infinie de chute arrêtée
     
c’est immaculé jusqu’au silence presque de blancheur, une vie derrière la vitre, et ce n’est rien que ce froissement sonore au creux du monde familier
     
puis n’est-ce pas cette peur en nous, poignante, bouleversée, que le langage se défasse, se disperse, s’ébruite en vain, qui nous ordonne simplement de témoigner, de répondre par l’écrit
     
une phrase me demeure fermée, obscure, douloureuse, d’une ténuité grise et fragile dans la durée, à mi voix murmurée et comme accolée en son principe de fond à une phrase parfaite & l’âme résumée seule
     
semblant demander seulement ‘Sois fidèle au nom qui fut donné’
alors on retourne à la chute et les blancs indiquent directement la patrie de l’esprit
     
Orestie du vent & trafiquée d’alarmes & de roses d’aubes pâles & de choses crayonnées seules & qui m’émeuvent à tel point & dans l’astre du jour rayonnant
     
     
(La rumeur libre, pp. 196-199).
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Le Mystère de la création en chacun
[Passage]
     
Je me dis souvent que l'art est une feuille d'eau musicale interposée entre le monde et notre peau. En écrivant ces lignes je pense à un évènement que je compare volontiers à une chose d'art. J'avais acheté des pivoines sur le marché du quai Saint Antoine. Au retour, à la maison, je cherchais un vase puis j'arrangeais les fleurs, étonné par la vivacité et la puissance colorée qui dormait dans le poing fermé de leurs calices. La profondeur d'eau verte de leurs pétales prolongeait je ne sais quel infini épargné de toute solitude. Je posais le vase sur un meuble et ne lui prêtais plus guère d'attention. Le lendemain soir je regardais pourtant le bouquet comme si le signe secret de son essor venait de se graver en moi. Dans la dernière lumière du jour, les pivoines venaient tout juste d'éclore, essence bleue de déité calme. L'impression que j'en garde est celle d'une merveille.
     
Extraits - pp. 211-212
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Les mots ne sont pas précieux par le
seul sens qu’on leur donne mais par
la différence qu’ils marquent entre
plusieurs moments de la vie Ma vérité
tiendra toujours un peu à l’hélice rose
des moulins du matins, des prières du
vent, à la vétusté des choses sur l’étal
d’un bazar, l’écorce d’érable ou de
tilleul, les ballots de laine, coton, soie
allégée, fichu par côté Et ton long
soupir d’épaule pour monter la pente
Je ne crois pas en dieu mais au divin
J’ouvre la porte J’entre Le cou gracile
des anémones s’incline en vrai sourire
et invite les oiseaux à franchir la fenêtre
Ils entrent et font mine de comprendre
Il disent que pour écrire il faut être
Ensemble Se rassembler et ne plus avoir
Peur Faire confiance et deviner qu’une
Âme c’est quelque chose qui tombe
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Depuis l’enfance il ne renonce pas à l’écriture car elle est le trésor perdu qui parle et raconte. C’est une créature, une personne. C’est une fable, une épopée, une fresque anonyme de rêve sans nom mais dont la force éponyme élève des frissons. Les pommes reinettes qui tombent dans l’herbe, le coucou, sa gorge close et sans nid, la pie et ses solutions bavardes, la calèche et les figurants noirs du silence dans le miroir poli d’ébène. C’est la stèle diamantaire du lac où plongent les enfants, les galets bleuis par les eaux, l’ibis et la magie lente des fleurs inconcevables quand il voit le rose et le parme des lagunes se poser doucement aux pieds des blancheurs de grève dans la matité intacte du souffle des étoiles et la commotion digitale de l’herbe. C’est une étoffe de chair qui parle.
     
C’est aussi l’air qui parle. Quelque chose de banni, tombe, diaphane, irrémédiable, en un cri muet rageur d’étincelle. C’est la vieille maison en ruine sous les arbres et la chair déchirée à faire peur quand on voit en rêve la peau cristal ou porcelaine des habitants du siècle d’avant.
     
On s’initie à l’écriture comme on sort des ténèbres. Un lourd bagage dans le cartable, du chagrin, des feuilles étoilées blanches. C’est une vie dont on se dit à regret qu’on ne l’écrira pas. Trop loin, trop lent, trop dur, trop difficile. Et puis tellement de passage à côté du corps affolé qui creuse un trou pour se taire ou ignorer. Et pourtant, malgré les doubles, railleurs, violents, désinvoltes, cette passion dévore à merci. Elle blanchit qui l’ignore. Elle noircit la digue et les empreintes. Jusqu’à la preuve du son et du sans nom.
     
Quiconque l’écoute périt en son oreille. Se fait sous son charme rêveur inutile par la mort étudiée trop longtemps. Se fait dormeur musical cerné d’un sursaut, d’une alarme. Quiconque l’écoute se fait le scribe d’un trait qui le hisse hors du néant.
     
pp. 50-51
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Patrick Laupin
Toujours la rivière nous bouleverse
quand la lumière avance sur le sommeil des maisons
comme si nous n'existions pas

et le tremblement du corps sous la pluie
les heures passées à écouter les feuilles
pâles et bruissantes
d'aurore

(" La rumeur libre")
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J'ai versé dans tes bras ces heures de blancheur
III


[…]
j'ébauche le signe
inscrit
tout se perd

ébonite d'amarante
serpe d'or
écrase l'or pauvre des pluviers
serre une divinité muette
au cœur des images

cheveux soyeux à la lumière
du souffle

suis-je capable de venir
simple et donner prendre

un monde où tout s'apprend
se perd et devient simple
clair

prendre la main du monde
parler enfin un langage

ils vont et chacun au fond
de son cœur porte
l'impossible nudité lasse

les rideaux d'air pâle
et la ville
monstre indifférence

stricte monotonie des étoiles
avons-nous un cœur...

p.59
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Les mineurs sont un peu pour moi les philosophes artistes évoqués par Nietzsche. D'abord parce qu'ils sont les disparus du jour, où les images superficielles nous donnent toujours un peu trop l'illusion d'être nous. Parce qu'ils affrontent le rythme de la matière, reconnaissent forcément leur "inhabileté fatale" devant tel obstacle gisant, parce qu'ils se heurtent à l'épaisseur nocturne du fond, et parce que le risque est la nature même de leur travail. Devant l'impasse muette de la matière ils inventent leur solitude. Leur être, au-delà de toute illusion est métamorphosé par cette rencontre, investigation du fond, ce voyage dans les Indes noires, au centre de la terre. Il sont éveillés au monde du bas. Il émane d'eux spirituellement une ascèse, parce que leur travail des mains est générateur d'un formidable travail de l'esprit et du coeur. Ils n'écrivent pas, ils sont écrits, ils sont sentinelles du vivant, puiseurs mémorable. Car il existe un geste mental, intact et rythmé, qui est source du véritable esprit, quand l'être s'affronte à l'opacité réfractaire de la matière.
Nieztsche, relégué dans une solitude de mansarde, commençant son existence de promeneur solitaire, fut un des premiers (avec Rimbaud et Mallarmé) à situer le vrai lieu de la création de la vie du langage dans l'impulsivité de la matière, dans le geste et le rythme. "Tout mouvement est à concevoir en tant que geste, une sorte de langage dans lequel s'entendent des forces [...] Tous les mouvements sont les signes d'un événement intérieur et chaque mouvement intérieur s'exprime par de semblables modifications de formes [...] A partir de chacune de nos impulsions fondamentales se produit une appréciation perspectiviste de tout événement comme de toute expérience vécue."
Et ces signes d'un événement intérieur sont d'abord une intuition vibrante de la pensée, un grand geste d'indication, un désir de convertir l'émotion toujours depuis ce lieu où le langage nous abandonne, nous laisse errant dans la parole. La rencontre de la voix et de l'écriture est alors témoignage de l'espace vécu du corps. C'est peut-être cela la fonction d'éveil de l'écrit, hors de la faille poétique, rien ne transparaît du corps en son être de langage. Il s'agit de se faire "l'âme sentinelle", patienter, laisser surgir et naître. Avec des réminiscences..."Pour avérer que nous sommes bien là où nous devons être, parce que permettez cette appréhension, demeure un doute"(Mallarmé)
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