Du haut de mon mètre quatre-vingt-six et mes soixante-quinze kilos,
pas question de me rebiffer comme je le faisais a la maison. D'autant
que le sergent en question, bardé de guili-guili bringuebalants sur une
poitrine de camionneur, me rendait facilement quarante kilos. Une
paille...
- Donc tu t'appelles Patrick Lembrun, né a Paris en 1949...
- Oui mon... sergent.
Son doigt couru sur un épais registre :
- Nous disons donc P.L...P.L...Bon...Tu t'appelles maintenant Pierre
Linard. Tu es né à Monaco le 12 mars 1948 de parents inconnus. Tu
vois, tu gardes tes initiales.
- Oui sergent.
Le vaillant défenseur de l'Occident prolixe :
- Pierre Linard... Tu fais revivre un nom glorieux. Un Légionnaire
mort au champ d'honneur en Indochine. J'espère que tu t'en montreras
digne. (...)
Cet anonymat permet à l’armée de vous dénigrer une pension
d’invalidité quand vous réintégrez la vie civile avec votre vrai nom ; et
si vous mourez, les vôtres ne percevront rien, car vous n’existez pas.
Tandis qu’un Général peut avoisiner le million d’euros pour une
infirmité à définir, comme un simple lieutenant percevoir trois cent
mille euros l’an, pour une petite balafre au front, comme l’a dénoncé
un journal satyrique.