Mai 1809. Les armées impériales occupent Vienne. De l'autre côté du Danube en crue, l'Archiduc a rassemblé ses troupes pendant que Napoléon, installé à Schönbrunn, dresse ses plans pour la bataille.
La bataille, ce sera celle d'Essling - que ce roman s'attache à retracer depuis ses premiers préparatifs et dans ses moindres détails. La construction trop hâtive du pont sur le fleuve en furie, dont la fragilité ouvre la porte à tous les désastres. Les mouvements de troupes, l'installation et l'attente dans les villages désertés de leurs habitants, les premières escarmouches et la tuerie, deux jours durant, qui laissera quarante-cinq mille morts dans les blés.
On y suit les pas des maréchaux - Masséna, truculent, ne perdant pas une occasion de piller, Lannes, écœuré et las, qui ne rêve plus que de rentrer chez lui. Tous les autres présents en ce jour, leurs rivalités, leurs sentiments ambigus pour ce Bonaparte qu'ils ont suivi autrefois avec tant d'enthousiasme et qui ne sait plus s'arrêter, emporté par sa propre course que guettent déjà, de loin, le vertige et la chute.
On y suit les pas de Louis François Lejeune, colonel du génie et artiste reconnu, amoureux fou d'une belle autrichienne. Ceux de son grand ami Henri Beyle, qui ne s'appelle pas encore Stendhal et travaille dans un bureau de l'intendance. Ceux de Fayolle, soudard banal habitué à survivre ou encore ceux de Vincent Paradis, simple paysan jeté à la guerre par les hasards de la conscription. Beaucoup d'autres, qui survivront ou qui mourront, dont les chemins entrecroisés dessinent un superbe tableau de bataille, pétri de vie et de sang.
Ce roman, Balzac l'avait rêvé, annoncé en 1833 : "Là, j'entreprends de vous initier à toutes les horreurs, à toutes les beautés d'un champ de bataille ; ma bataille, c'est Essling." Il n'en vint jamais à bout. Cent-soixante ans plus tard,Patrick Rambaud en reprend le projet et le complète avec talent, dans un style fluide, d'une belle puissance évocatrice, bourré de détails, de personnages et d'anecdotes empruntés à l'histoire, remarquablement documentés et mis en scène avec beaucoup de vie, d'humanité.
Le résultat lui a valu le Goncourt et le grand prix du roman de l'Académie française, à mes yeux très mérités. J'avais beaucoup aimé à 14 ans, et si entre temps mon regard a changé, j'ai tout autant, et sans doute même mieux, apprécié aujourd'hui !
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