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Citation de VALENTYNE


De jour comme de nuit , il fallait des bougies quand on se rendait dans les rayons. Les livres étaient situés au coeur du bâtiment, et il n’y avait donc de fenêtres dans aucun des murs. Comme l’électricité était coupée depuis longtemps, nous n’avions d’autre solution que de transporter notre éclairage. A une époque, disait-on, il y avait eu plus d’un million de volumes dans la Bibliothèque nationale. Ce nombre avait été fortement réduit avant mon arrivée, mais il en restait encore des centaines de mille, et c’était une avalanche imprimée ahurissante. Il y avait des livres posés droit sur leur étagère tandis que d’autres jonchaient chaotiquement le plancher et que d’autres étaient encore amoncelés en tas désordonnés. Il y avait bien un règlement de la bibliothèque – et il était rigoureusement appliqué – qui interdisait de sortir les livres hors du bâtiment, mais un grand nombre d’entre eux avaient néanmoins été dérobés et vendus au marché noir. De toute façon, on pouvait se poser la question si la bibliothèque en était encore une. Le système de classement avait été complètement chamboulé , et, avec tant de volumes déplacés, il était virtuellement impossible de trouver un ouvrage qu’on aurait précisément recherché. Si on considère qu’il y avait sept étages de rayonnages, dire qu’un livre n’était pas à sa place revenait à déclarer qu’il avait cessé d’exister. Même s’il était physiquement présents dans ces locaux, le fait était que personne ne le retrouverait jamais. J’ai fait la chasse à un certain nombre de vieux registres municipaux que voulait Sam, mais la plupart de mes incursions dans ces locaux n’avaient d’autre but que de ramasser des livres au hasard. Je n’aimais pas beaucoup me trouver là, car je ne savais jamais sur qui je pouvais tomber et je devais respirer cette humidité froide avec son odeur de pourriture moisie. J’entassais autant d’ouvrages que je pouvais sous mes deux bras et je remontais dans notre chambre. Les livres nous ont servi à nous chauffer pendant cet hiver. En l’absence de tout autre combustible, nous les brûlions dans le poêle en font pour faire de la chaleur. Je sais que cela a l’air épouvantable, mais nous n’avions vraiment pas le choix. C’était soit cela, soit mourir de froid. L’ironie de la chose ne m’échappe pas – passer tous ces mois à travailler à un livre en même temps que nous brûlions des centaines d’autres ouvrages pour nous tenir chaud. Ce qu’il y a de curieux, c’est que je n’en ai jamais éprouvé de regret. Pour être franche, je crois que j’avais en fait du plaisir à jeter ces livres dans les flammes. Peut-être cela libérait-il quelque colère secrète en moi ; ou peut-être était-ce simplement une façon de reconnaître que ce qui leur arrivait n’avait pas d’importance. Le monde auquel ils avaient appartenu était révolu, et au moins ils étaient à présent utilisés à quelque chose.
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