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Vidéos de Paul Celan (36)
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videos14 octobre 2021
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Avec Tiphaine Samoyault, Michel Deguy, Guillaume Métayer, Claude Mouchard, Martin Rueff & Luc Champagneur
Depuis 1977, la revue Po&sie ne cesse de traduire et de réfléchir sur la traduction « impossible-possible » de la poésie. Elle a saisi l'occasion de la publication des livres de Tiphaine Samoyault (Traduction et violence, le Seuil, 2020) et de Guillaume Métayer (A comme Babel, traduction, poétique, éd. la rumeur libre, 2020) pour revenir sur les tâches des traductrices et des traducteurs. Elle a donc consacré trois numéros à cette grande affaire : Traduire/Celan et Et, en traduisant, traduire. Des textes théoriques (Antoine Berman, Michel Deguy, Marc de Launay, Robert Kahn, Jean-Pierre Lefebvre, Jean-Luc Nancy) ; un dialogue avec Tiphaine Samoyault, mais aussi un grand nombre de traductions inédites (un immense dossier turc, mais aussi Lermontov) ou de retraductions (Arioste, Eliot, Goethe, Milton entre autres) composent ce bouquet dense.

À lire – Les trois derniers numéros de la revue Po&sie aux éditions Belin : Traduire/Celan (2020, n°4) et Et en traduisant, traduire (2021, n°1 et 2).
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ThibaultMarconnet17 décembre 2020
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Paul Celan et Ingeborg Bachmann : Le Temps du cœur, correspondance (2012 / France Culture). Diffusion sur France Culture les 3, 4, 5, 6 et 7 septembre 2012. Pages choisies et présentées par Julie Aminthe. Traduction de Bertrand Badiou. Réalisation : Étienne Vallès. Conseillère littéraire : Emmanuelle Chevrière. Avec : Bruno Paviot (Paul Celan), Élodie Huber (Ingeborg Bachmann), Hélène Lausseur (Narration). Prise de son et mixage : Éric Boisset. Assistance technique et montage : Pierre Henri. Assistante à la réalisation : Lise-marie Barré.
Musique : Pascal Dusapin : Arditti quartet, quatuor à cordes et trios « Quatuors II ».
Pascal Dusapin : Concerto avec Sonia Wieder Atherton, Juliette Hurel, Alain Trudel « Cello ».

00:00 : Épisode 1 : Champ de coquelicots
24:44 : Épisode 2 : Et que prouve donc ton cœur ?
49:28 : Épisode 3 : Claire est la nuit qui nous a inventé des cœurs
1:14:01 : Épisode 4 : Le cœur saura vivre
1:38:43 : Épisode 5 : Nous creusons dans le ciel, une tombe.

« Les deux êtres qui se rencontrent dans la Vienne de 1948 encore occupée par les troupes alliées, sont issus de cultures et d’horizons différents, voire opposés : Ingeborg Bachmann est la fille d’un instituteur, protestant, ayant adhéré au parti nazi autrichien avant même l’accession de Hitler à la chancellerie du Reich (1932) ; Paul Celan, né dans une famille juive de langue allemande de Czernowitz, au nord de la Roumanie, a perdu ses deux parents dans un camp allemand et a connu l’internement en camp de travail roumain pendant deux ans. Cette différence tout comme la tension pour la dépasser, le désir et la volonté de renouer sans cesse le dialogue par-delà les malentendus et les conflits déterminent leur relation et la correspondance qu’ils échangent du premier jour, en mai 1948, où Paul Celan fait cadeau d’un poème à Ingeborg Bachmann jusqu’à la dernière lettre adressée en 1967. L’écriture est au centre de la vie de chacun des correspondants, dont les noms apparaissent dans les comptes rendus critiques, dès le début des années 1950, souvent au sein d’une même phrase, comme étant ceux des représentants les plus importants de la poésie lyrique allemande de l’après-guerre. Mais écrire n’est pas chose simple, ni pour l’un ni pour l’autre. Et écrire des lettres n’est pas moins difficile. L’imperfection du dire, la lutte avec les mots, la révolte contre le mutisme, occupent une place centrale dans cet échange épistolaire. »
Note de l’éditeur

La correspondance entre Ingeborg Bachmann et Paul Celan est parue aux éditions du Seuil dans une traduction de Bertrand Badiou, dans la collection « La Librairie du XXIème siècle ».

Source : France Culture
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ThibaultMarconnet19 novembre 2020
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http://le-semaphore.blogspot.fr/2015/.... Paul Celan - Todesfuge : http://www.celan-projekt.de/todesfuge...
Traduction par Jean-Pierre Lefebvre : http://le-semaphore.blogspot.fr/2014/...
GIORA FEIDMAN & BEN BECKER - Paul Celan / Zweistimmig [2013]

“Kaddish pour Paul Celan”

« Schwarze Milch der Frühe wir trinken sie abends / wir trinken sie mittags und morgens wir trinken sie nachts / wir trinken und triken / wir schaufeln ein Grab in den Lüften da liegt man nicht eng » (« Lait noir de l’aube nous le buvons le soir / le buvons à midi et le matin nous le buvons la nuit / nous buvons et buvons / nous creusons dans le ciel une tombe où l’on n’est pas serré »). Ainsi commence Todesfuge (Fugue de mort) dans l’admirable traduction de Jean-Pierre Lefebvre, l’un des poèmes les plus douloureux qu’un homme ait pu écrire pour parler des camps de la mort : ces points noirs fruits d’une immonde cartographie. Cet habité du langage poétique perdit ses parents qui moururent dans un camp d’internement, après avoir creusé leur propre tombe dans le lait noir de l’aube... Cet homme, ce poète de langue allemande et d’origine roumaine ; ce juif qui échappa aux chambres à gaz grâce à un maigre sursis au sein d’un camp de travail forcé, finit pourtant par se suicider en 1970 à l’âge de 49 ans, après s’être jeté depuis le Pont Mirabeau dans la Seine, ce sale miroir couleur de boue ; son corps de plume, lourd d’une encre ténébreuse, balancé comme un boulet d’amertume dans ce Styx parisien qui lui ouvrit ses bras ainsi qu’une mère embrasse un enfant au cœur gonflé de larmes. Cet homme hanté par le sang de sa mémoire et qui avait choisi de rejoindre la cendre des siens, c’était Paul Celan : le plus grand poète de langue allemande que connut le XXe siècle.

Alors que le philosophe Theodor Adorno proclamait le fait qu’« écrire un poème après Auschwitz est barbare » ; de sa lance poétique, celui qui n’était alors qu’un inconnu, remua la poussière des morts pour témoigner de ce qui fut, pour qu’une parole puisse apporter un peu de présence aux absents dont la seule tombe fut l’implacable vide du ciel. Et cet homme tourmenté, traînant avec peine son âme ainsi qu’un éternel drap noir de deuil, à force de former dans sa bouche des mots de fantôme pour tenter d’exprimer l’indicible, devint à son tour un absent : la vie s’écoula de son sein comme l’eau qui file entre les doigts d’une main. Mais sa parole avait fendu la mer sanglante du passé et désormais rien ne serait plus comme avant.

Le comédien allemand, Ben Becker, incarne de sa voix grave et chaude la parole d’outre-tombe de ce poète unique. Et qui mieux que l’immense clarinettiste Giora Feidman pour l’accompagner dans cette tâche, pour attiser le feu vivant des mots de Paul Celan avec le souffle prodigieux de sa clarinette ? Outre des poèmes issus du recueil Pavot et mémoire, Ben Becker déclame également des extraits de la correspondance du poète, entre autres celle qu’il entretint avec Ingeborg Bachmann, femme tant aimée, sœur de lait en écriture. Dans le plein silence résonne la voix du comédien. Quant à la musique jouée par Giora Feidman et ses deux acolytes (contrebasse et guitare), elle fait son entrée, la plupart du temps, après que soient prononcés les derniers mots du texte. Et, par moments, musique et voix s’entremêlent sans aucun accroc telles deux fumées blanches qui se mélangent harmonieusement.

Pour cet hommage à Paul Celan, Giora Feidman reprend des thèmes musicaux provenant du terreau de la féconde tradition ashkénaze ainsi que des airs de Joseph Haydn, une composition de Chick Corea et la Gnossienne No. 1 d’Erik Satie. Bien que je ne sache pas saisir un traître mot de la langue allemande, il ressort de cette œuvre dans laquelle vers et musique se croisent et s’entrecroisent avec beauté, une mélancolie qui me serre le cœur et l’emprisonne dans des barbelés. Mais cet album, de même que la poésie de Paul Celan, n’est pas dépourvu pour autant d’une certaine lumière qui vient sautiller en instants de grâce ainsi que pattes d’oiseau sur un lac gelé.

Quand la glace fondra et que l’eau reprendra ses droits, alors l’oiseau-poète s’envolera pour trouer le silence obstiné de la bouche morte du ciel. Pour finir, je tiens à laisser la parole à Henri Michaux, autre grand poète, qui écrivit ces vers pour exprimer le suicide de son ami : « Partir. / De toute façon partir. / Le long couteau du flot de l’eau arrêtera la parole. »

© Thibault Marconnet
le 16 juin 2014
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ThibaultMarconnet19 novembre 2020
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http://le-semaphore.blogspot.fr/2015/... Sperrtonnensprache [Paul Celan]
GIORA FEIDMAN & BEN BECKER - Paul Celan / Zweistimmig [2013]

“Kaddish pour Paul Celan”

« Schwarze Milch der Frühe wir trinken sie abends / wir trinken sie mittags und morgens wir trinken sie nachts / wir trinken und triken / wir schaufeln ein Grab in den Lüften da liegt man nicht eng » (« Lait noir de l’aube nous le buvons le soir / le buvons à midi et le matin nous le buvons la nuit / nous buvons et buvons / nous creusons dans le ciel une tombe où l’on n’est pas serré »). Ainsi commence Todesfuge (Fugue de mort) dans l’admirable traduction de Jean-Pierre Lefebvre, l’un des poèmes les plus douloureux qu’un homme ait pu écrire pour parler des camps de la mort : ces points noirs fruits d’une immonde cartographie. Cet habité du langage poétique perdit ses parents qui moururent dans un camp d’internement, après avoir creusé leur propre tombe dans le lait noir de l’aube... Cet homme, ce poète de langue allemande et d’origine roumaine ; ce juif qui échappa aux chambres à gaz grâce à un maigre sursis au sein d’un camp de travail forcé, finit pourtant par se suicider en 1970 à l’âge de 49 ans, après s’être jeté depuis le Pont Mirabeau dans la Seine, ce sale miroir couleur de boue ; son corps de plume, lourd d’une encre ténébreuse, balancé comme un boulet d’amertume dans ce Styx parisien qui lui ouvrit ses bras ainsi qu’une mère embrasse un enfant au cœur gonflé de larmes. Cet homme hanté par le sang de sa mémoire et qui avait choisi de rejoindre la cendre des siens, c’était Paul Celan : le plus grand poète de langue allemande que connut le XXe siècle.

Alors que le philosophe Theodor Adorno proclamait le fait qu’« écrire un poème après Auschwitz est barbare » ; de sa lance poétique, celui qui n’était alors qu’un inconnu, remua la poussière des morts pour témoigner de ce qui fut, pour qu’une parole puisse apporter un peu de présence aux absents dont la seule tombe fut l’implacable vide du ciel. Et cet homme tourmenté, traînant avec peine son âme ainsi qu’un éternel drap noir de deuil, à force de former dans sa bouche des mots de fantôme pour tenter d’exprimer l’indicible, devint à son tour un absent : la vie s’écoula de son sein comme l’eau qui file entre les doigts d’une main. Mais sa parole avait fendu la mer sanglante du passé et désormais rien ne serait plus comme avant.

Le comédien allemand, Ben Becker, incarne de sa voix grave et chaude la parole d’outre-tombe de ce poète unique. Et qui mieux que l’immense clarinettiste Giora Feidman pour l’accompagner dans cette tâche, pour attiser le feu vivant des mots de Paul Celan avec le souffle prodigieux de sa clarinette ? Outre des poèmes issus du recueil Pavot et mémoire, Ben Becker déclame également des extraits de la correspondance du poète, entre autres celle qu’il entretint avec Ingeborg Bachmann, femme tant aimée, sœur de lait en écriture. Dans le plein silence résonne la voix du comédien. Quant à la musique jouée par Giora Feidman et ses deux acolytes (contrebasse et guitare), elle fait son entrée, la plupart du temps, après que soient prononcés les derniers mots du texte. Et, par moments, musique et voix s’entremêlent sans aucun accroc telles deux fumées blanches qui se mélangent harmonieusement.

Pour cet hommage à Paul Celan, Giora Feidman reprend des thèmes musicaux provenant du terreau de la féconde tradition ashkénaze ainsi que des airs de Joseph Haydn, une composition de Chick Corea et la Gnossienne No. 1 d’Erik Satie. Bien que je ne sache pas saisir un traître mot de la langue allemande, il ressort de cette œuvre dans laquelle vers et musique se croisent et s’entrecroisent avec beauté, une mélancolie qui me serre le cœur et l’emprisonne dans des barbelés. Mais cet album, de même que la poésie de Paul Celan, n’est pas dépourvu pour autant d’une certaine lumière qui vient sautiller en instants de grâce ainsi que pattes d’oiseau sur un lac gelé.

Quand la glace fondra et que l’eau reprendra ses droits, alors l’oiseau-poète s’envolera pour trouer le silence obstiné de la bouche morte du ciel. Pour finir, je tiens à laisser la parole à Henri Michaux, autre grand poète, qui écrivit ces vers pour exprimer le suicide de son ami : « Partir. / De toute façon partir. / Le long couteau du flot de l’eau arrêtera la parole. »

© Thibault Marconnet
le 16 juin 2014
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ThibaultMarconnet19 novembre 2020
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http://le-semaphore.blogspot.fr/2015/.... Paul Celan - “Espenbaum” : http://deutsch.agonia.net/index.php/p...
Traduction par Jean-Pierre Lefebvre : http://for-interieur.blogspot.fr/2012...
GIORA FEIDMAN & BEN BECKER - Paul Celan / Zweistimmig [2013]

“Kaddish pour Paul Celan”

« Schwarze Milch der Frühe wir trinken sie abends / wir trinken sie mittags und morgens wir trinken sie nachts / wir trinken und triken / wir schaufeln ein Grab in den Lüften da liegt man nicht eng » (« Lait noir de l’aube nous le buvons le soir / le buvons à midi et le matin nous le buvons la nuit / nous buvons et buvons / nous creusons dans le ciel une tombe où l’on n’est pas serré »). Ainsi commence Todesfuge (Fugue de mort) dans l’admirable traduction de Jean-Pierre Lefebvre, l’un des poèmes les plus douloureux qu’un homme ait pu écrire pour parler des camps de la mort : ces points noirs fruits d’une immonde cartographie. Cet habité du langage poétique perdit ses parents qui moururent dans un camp d’internement, après avoir creusé leur propre tombe dans le lait noir de l’aube... Cet homme, ce poète de langue allemande et d’origine roumaine ; ce juif qui échappa aux chambres à gaz grâce à un maigre sursis au sein d’un camp de travail forcé, finit pourtant par se suicider en 1970 à l’âge de 49 ans, après s’être jeté depuis le Pont Mirabeau dans la Seine, ce sale miroir couleur de boue ; son corps de plume, lourd d’une encre ténébreuse, balancé comme un boulet d’amertume dans ce Styx parisien qui lui ouvrit ses bras ainsi qu’une mère embrasse un enfant au cœur gonflé de larmes. Cet homme hanté par le sang de sa mémoire et qui avait choisi de rejoindre la cendre des siens, c’était Paul Celan : le plus grand poète de langue allemande que connut le XXe siècle.

Alors que le philosophe Theodor Adorno proclamait le fait qu’« écrire un poème après Auschwitz est barbare » ; de sa lance poétique, celui qui n’était alors qu’un inconnu, remua la poussière des morts pour témoigner de ce qui fut, pour qu’une parole puisse apporter un peu de présence aux absents dont la seule tombe fut l’implacable vide du ciel. Et cet homme tourmenté, traînant avec peine son âme ainsi qu’un éternel drap noir de deuil, à force de former dans sa bouche des mots de fantôme pour tenter d’exprimer l’indicible, devint à son tour un absent : la vie s’écoula de son sein comme l’eau qui file entre les doigts d’une main. Mais sa parole avait fendu la mer sanglante du passé et désormais rien ne serait plus comme avant.

Le comédien allemand, Ben Becker, incarne de sa voix grave et chaude la parole d’outre-tombe de ce poète unique. Et qui mieux que l’immense clarinettiste Giora Feidman pour l’accompagner dans cette tâche, pour attiser le feu vivant des mots de Paul Celan avec le souffle prodigieux de sa clarinette ? Outre des poèmes issus du recueil Pavot et mémoire, Ben Becker déclame également des extraits de la correspondance du poète, entre autres celle qu’il entretint avec Ingeborg Bachmann, femme tant aimée, sœur de lait en écriture. Dans le plein silence résonne la voix du comédien. Quant à la musique jouée par Giora Feidman et ses deux acolytes (contrebasse et guitare), elle fait son entrée, la plupart du temps, après que soient prononcés les derniers mots du texte. Et, par moments, musique et voix s’entremêlent sans aucun accroc telles deux fumées blanches qui se mélangent harmonieusement.

Pour cet hommage à Paul Celan, Giora Feidman reprend des thèmes musicaux provenant du terreau de la féconde tradition ashkénaze ainsi que des airs de Joseph Haydn, une composition de Chick Corea et la Gnossienne No. 1 d’Erik Satie. Bien que je ne sache pas saisir un traître mot de la langue allemande, il ressort de cette œuvre dans laquelle vers et musique se croisent et s’entrecroisent avec beauté, une mélancolie qui me serre le cœur et l’emprisonne dans des barbelés. Mais cet album, de même que la poésie de Paul Celan, n’est pas dépourvu pour autant d’une certaine lumière qui vient sautiller en instants de grâce ainsi que pattes d’oiseau sur un lac gelé.

Quand la glace fondra et que l’eau reprendra ses droits, alors l’oiseau-poète s’envolera pour trouer le silence obstiné de la bouche morte du ciel. Pour finir, je tiens à laisser la parole à Henri Michaux, autre grand poète, qui écrivit ces vers pour exprimer le suicide de son ami : « Partir. / De toute façon partir. / Le long couteau du flot de l’eau arrêtera la parole. »

© Thibault Marconnet
le 16 juin 2014
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ThibaultMarconnet19 novembre 2020
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http://le-semaphore.blogspot.fr/2015/.... “Auf reisen” : http://thomasdretart.over-blog.com/ar...
GIORA FEIDMAN & BEN BECKER - Paul Celan / Zweistimmig [2013]

“Kaddish pour Paul Celan”

« Schwarze Milch der Frühe wir trinken sie abends / wir trinken sie mittags und morgens wir trinken sie nachts / wir trinken und triken / wir schaufeln ein Grab in den Lüften da liegt man nicht eng » (« Lait noir de l’aube nous le buvons le soir / le buvons à midi et le matin nous le buvons la nuit / nous buvons et buvons / nous creusons dans le ciel une tombe où l’on n’est pas serré »). Ainsi commence Todesfuge (Fugue de mort) dans l’admirable traduction de Jean-Pierre Lefebvre, l’un des poèmes les plus douloureux qu’un homme ait pu écrire pour parler des camps de la mort : ces points noirs fruits d’une immonde cartographie. Cet habité du langage poétique perdit ses parents qui moururent dans un camp d’internement, après avoir creusé leur propre tombe dans le lait noir de l’aube... Cet homme, ce poète de langue allemande et d’origine roumaine ; ce juif qui échappa aux chambres à gaz grâce à un maigre sursis au sein d’un camp de travail forcé, finit pourtant par se suicider en 1970 à l’âge de 49 ans, après s’être jeté depuis le Pont Mirabeau dans la Seine, ce sale miroir couleur de boue ; son corps de plume, lourd d’une encre ténébreuse, balancé comme un boulet d’amertume dans ce Styx parisien qui lui ouvrit ses bras ainsi qu’une mère embrasse un enfant au cœur gonflé de larmes. Cet homme hanté par le sang de sa mémoire et qui avait choisi de rejoindre la cendre des siens, c’était Paul Celan : le plus grand poète de langue allemande que connut le XXe siècle.

Alors que le philosophe Theodor Adorno proclamait le fait qu’« écrire un poème après Auschwitz est barbare » ; de sa lance poétique, celui qui n’était alors qu’un inconnu, remua la poussière des morts pour témoigner de ce qui fut, pour qu’une parole puisse apporter un peu de présence aux absents dont la seule tombe fut l’implacable vide du ciel. Et cet homme tourmenté, traînant avec peine son âme ainsi qu’un éternel drap noir de deuil, à force de former dans sa bouche des mots de fantôme pour tenter d’exprimer l’indicible, devint à son tour un absent : la vie s’écoula de son sein comme l’eau qui file entre les doigts d’une main. Mais sa parole avait fendu la mer sanglante du passé et désormais rien ne serait plus comme avant.

Le comédien allemand, Ben Becker, incarne de sa voix grave et chaude la parole d’outre-tombe de ce poète unique. Et qui mieux que l’immense clarinettiste Giora Feidman pour l’accompagner dans cette tâche, pour attiser le feu vivant des mots de Paul Celan avec le souffle prodigieux de sa clarinette ? Outre des poèmes issus du recueil Pavot et mémoire, Ben Becker déclame également des extraits de la correspondance du poète, entre autres celle qu’il entretint avec Ingeborg Bachmann, femme tant aimée, sœur de lait en écriture. Dans le plein silence résonne la voix du comédien. Quant à la musique jouée par Giora Feidman et ses deux acolytes (contrebasse et guitare), elle fait son entrée, la plupart du temps, après que soient prononcés les derniers mots du texte. Et, par moments, musique et voix s’entremêlent sans aucun accroc telles deux fumées blanches qui se mélangent harmonieusement.

Pour cet hommage à Paul Celan, Giora Feidman reprend des thèmes musicaux provenant du terreau de la féconde tradition ashkénaze ainsi que des airs de Joseph Haydn, une composition de Chick Corea et la Gnossienne No. 1 d’Erik Satie. Bien que je ne sache pas saisir un traître mot de la langue allemande, il ressort de cette œuvre dans laquelle vers et musique se croisent et s’entrecroisent avec beauté, une mélancolie qui me serre le cœur et l’emprisonne dans des barbelés. Mais cet album, de même que la poésie de Paul Celan, n’est pas dépourvu pour autant d’une certaine lumière qui vient sautiller en instants de grâce ainsi que pattes d’oiseau sur un lac gelé.

Quand la glace fondra et que l’eau reprendra ses droits, alors l’oiseau-poète s’envolera pour trouer le silence obstiné de la bouche morte du ciel. Pour finir, je tiens à laisser la parole à Henri Michaux, autre grand poète, qui écrivit ces vers pour exprimer le suicide de son ami : « Partir. / De toute façon partir. / Le long couteau du flot de l’eau arrêtera la parole. »

© Thibault Marconnet
le 16 juin 2014
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ThibaultMarconnet19 novembre 2020
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http://le-semaphore.blogspot.fr/2015/.... Paul Celan - Engführung : http://thomasdretart.over-blog.com/ar...
Traduction par Jean-Pierre Lefebvre : http://thomasdretart.over-blog.com/ar...
GIORA FEIDMAN & BEN BECKER - Paul Celan / Zweistimmig [2013]

“Kaddish pour Paul Celan”

« Schwarze Milch der Frühe wir trinken sie abends / wir trinken sie mittags und morgens wir trinken sie nachts / wir trinken und triken / wir schaufeln ein Grab in den Lüften da liegt man nicht eng » (« Lait noir de l’aube nous le buvons le soir / le buvons à midi et le matin nous le buvons la nuit / nous buvons et buvons / nous creusons dans le ciel une tombe où l’on n’est pas serré »). Ainsi commence Todesfuge (Fugue de mort) dans l’admirable traduction de Jean-Pierre Lefebvre, l’un des poèmes les plus douloureux qu’un homme ait pu écrire pour parler des camps de la mort : ces points noirs fruits d’une immonde cartographie. Cet habité du langage poétique perdit ses parents qui moururent dans un camp d’internement, après avoir creusé leur propre tombe dans le lait noir de l’aube... Cet homme, ce poète de langue allemande et d’origine roumaine ; ce juif qui échappa aux chambres à gaz grâce à un maigre sursis au sein d’un camp de travail forcé, finit pourtant par se suicider en 1970 à l’âge de 49 ans, après s’être jeté depuis le Pont Mirabeau dans la Seine, ce sale miroir couleur de boue ; son corps de plume, lourd d’une encre ténébreuse, balancé comme un boulet d’amertume dans ce Styx parisien qui lui ouvrit ses bras ainsi qu’une mère embrasse un enfant au cœur gonflé de larmes. Cet homme hanté par le sang de sa mémoire et qui avait choisi de rejoindre la cendre des siens, c’était Paul Celan : le plus grand poète de langue allemande que connut le XXe siècle.

Alors que le philosophe Theodor Adorno proclamait le fait qu’« écrire un poème après Auschwitz est barbare » ; de sa lance poétique, celui qui n’était alors qu’un inconnu, remua la poussière des morts pour témoigner de ce qui fut, pour qu’une parole puisse apporter un peu de présence aux absents dont la seule tombe fut l’implacable vide du ciel. Et cet homme tourmenté, traînant avec peine son âme ainsi qu’un éternel drap noir de deuil, à force de former dans sa bouche des mots de fantôme pour tenter d’exprimer l’indicible, devint à son tour un absent : la vie s’écoula de son sein comme l’eau qui file entre les doigts d’une main. Mais sa parole avait fendu la mer sanglante du passé et désormais rien ne serait plus comme avant.

Le comédien allemand, Ben Becker, incarne de sa voix grave et chaude la parole d’outre-tombe de ce poète unique. Et qui mieux que l’immense clarinettiste Giora Feidman pour l’accompagner dans cette tâche, pour attiser le feu vivant des mots de Paul Celan avec le souffle prodigieux de sa clarinette ? Outre des poèmes issus du recueil Pavot et mémoire, Ben Becker déclame également des extraits de la correspondance du poète, entre autres celle qu’il entretint avec Ingeborg Bachmann, femme tant aimée, sœur de lait en écriture. Dans le plein silence résonne la voix du comédien. Quant à la musique jouée par Giora Feidman et ses deux acolytes (contrebasse et guitare), elle fait son entrée, la plupart du temps, après que soient prononcés les derniers mots du texte. Et, par moments, musique et voix s’entremêlent sans aucun accroc telles deux fumées blanches qui se mélangent harmonieusement.

Pour cet hommage à Paul Celan, Giora Feidman reprend des thèmes musicaux provenant du terreau de la féconde tradition ashkénaze ainsi que des airs de Joseph Haydn, une composition de Chick Corea et la Gnossienne No. 1 d’Erik Satie. Bien que je ne sache pas saisir un traître mot de la langue allemande, il ressort de cette œuvre dans laquelle vers et musique se croisent et s’entrecroisent avec beauté, une mélancolie qui me serre le cœur et l’emprisonne dans des barbelés. Mais cet album, de même que la poésie de Paul Celan, n’est pas dépourvu pour autant d’une certaine lumière qui vient sautiller en instants de grâce ainsi que pattes d’oiseau sur un lac gelé.

Quand la glace fondra et que l’eau reprendra ses droits, alors l’oiseau-poète s’envolera pour trouer le silence obstiné de la bouche morte du ciel. Pour finir, je tiens à laisser la parole à Henri Michaux, autre grand poète, qui écrivit ces vers pour exprimer le suicide de son ami : « Partir. / De toute façon partir. / Le long couteau du flot de l’eau arrêtera la parole. »

© Thibault Marconnet
le 16 juin 2014
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