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Citations de Paul Gadenne (108)


La pureté du site nous exaltait. La côte, sur une longue distance, était plate, et nous circulions dans une parfaite solitude, entre deux ou trois lignes simples, ou notre oeil n'aurait pu déceler le plus léger accident : la ligne noire de la forêt, à notre droite ; une ligne dorée, devant nous, à la frontière du sable et de l'écume : et à gauche, un horizon liquide, dur et gonflé. Toutes ces lignes couraient se rejoindre sous nos yeux, en un point éloigné vers lequel nous entraînait leur convergence, et qui fuyait toujours.
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Le silence n’existe que par les mots qui sont autour.

Chapitre IX
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- Mais, petite fille que vous êtes, savez-vous seulement comment c'est fait, une baleine ?
- C'est très gros, et ça lance de l'eau par les narines. Et ça a toujours l'air de lire.
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Ce qui est en train de mourir, mon petit, c’est la neutralité. Un homme qui reste neutre, c’est un homme qui pourrit.

Chapitre XIV
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Il se trouvait un peu gêné, sans trop savoir pourquoi, d’entendre parler d’Armande devant la jeune inconnue qui, assise sur son pouf, était prodigieusement occupée à maintenir une tasse bleue en équilibre sur soucoupe rose. Tous les services aujourd’hui étaient dépareillés, affirmait Mme Barsac, oubliant qu’il en avait toujours été ainsi chez elle, et que c’était plutôt pour elle une heureuse conséquence de la guerre que le monde fût mis à l’unisson de son élégant désordre.

(Chapitre III)
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En aucun temps la vie ne constitue une justification. Ce qui est extraordinaire, en tout temps, […] ce n’est pas de mourir, c’est d’être en vie.

(Chapitre I)
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Ce qu'il n'arrivait pas du tout à comprendre, c'était qu'on puisse placer un homme en pleine santé devant sa mort, l'abandonner seul avec cette unique attente, puis l'amener un matin, avec ou sans cérémonie, dans un lieu choisi, toujours sordide, pour lui trouer le corps minutieusement.

Chapitre XII
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"Le bonheur, c'est quand on n'attend plus, quand l'espoir ni l'anxiété n'ont plus de sens, quand il n'y a rien de ce qui pourrait être qui soit supérieur à ce qui est. Et ce bonheur-là contenait plus que le bonheur : car il ne faisait que rentrer dans cette paix qui vient du sentiment d'un accord intime avec le monde."
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Il savait tout ce qui l'avait fui, mais rien n’émerveille comme ce qui demeure.

Chapitre XXV
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Issue de la main du temps voici l'âme, dans sa naïveté,
Égoïste et irrésolue, malchanceuse, claudicante,
Incapable d'un mouvement en arrière ou en avant,
Fuyant la chaude réalité, le bien offert,
Reniant l'appel opportun du sang,
Ombre de sa propre ombre, spectre dans sa ténèbre,
Laissant des papiers en désordre dans une salle poussiéreuse...
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Didier la regardait à la dérobée et vit une mince larme sur son visage. Il savait ce qu'elle pensait : tant d'injustice ! Être chassé par les Allemands, cela devait lui paraître régulier, presque juste : la guerre, c'est cela même et, sans parler des revanches toujours possibles, où le chasseur est chassé à son tour, on peut se consoler en pensant que l'ennemi n'agit pas au nom de la loi, qu'il ne peut pas avoir l'ordre du monde et la musique des planètes à son service, comme le croyait à l'évidence ce propriétaire au visage bouffi, qui mâchonnait son cigare. [...]
Il peut paraître puéril d'être troublé, en pleine guerre, par un incident aussi bête. Mais Didier avait vu sa mère humiliée et ce souvenir devait creuser une ride sur sa mémoire. Peu importe la taille de l'incident qui vous apporte la révélation. Celui-ci était risible, assurément ; mais peut-on rire de ce qui vous enseigne la haine, et bouleverse votre conception du monde ?
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Il y avait des gens qui vivaient ainsi, qui […] passaient leur vie derrière ces guichets, et qui même avaient dû attendre pour y admis, avaient dû donner des garanties, écrire des lettres, solliciter, faire des études, - et cela était sans doute nécessaire à la marche du monde. Quand on était content d’eux, on leur donnait cette place derrière un grillage ; ils vivaient et mourraient là, ponctuels, guerre ou pas guerre ; quand ils mourraient on les remplaçait par d’autres, bien contents de l’aubaine, car eux aussi avaient attendu très longtemps leur tour…

Chapitre V
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....et si le Bonheur n'existait pas on serait peut être plus heurux
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Ce blanc aurait pu être celui de certaines pierres, dont l'effort vers la transparence s'est heurté à trop d'opacité, et dont toute la lumiére est tournée vers l'intérieur. Mais on distinguait, par endroits, des tâches d'un vert fondant et, prés de la tête, des serpentements mauves ou bleu ciel, fort subtils, qui disaient bien leur appartenance. Les teintes de la mort sont exquises: parfois nous croyions voir s'entrouvrir une rose. Devant cette chose qui ressemblait plus à un catafalque qu'à une bête morte, devant ce monument orné de signes délicats, qui viraient ça et là au colchique ou à la violette fanée, nous étions pris d'un doute- à quoi s'ajoutaient par moments, d'une façon bien inattendue, la sorte d'inquiétude qu'on ressent au chevet d'une personne malade.
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La ville*, après un été orageux, était revenue à une espèce de calme. Elle avait assisté à leur départ avec enthousiasme, un enthousiasme prudent, qui n’avait fait de victimes que parmi les enfants et les ivrognes. L’automne nous avait installés non dans la paix mais dans une attente ardente. Tandis que toute une part de nous-mêmes retombait à sa passivité, notre imagination restait brûlante, et chaque jour nous faisait descendre un degré de plus dans l’horreur. Nous étions des hommes, et nous découvrions qu’être des hommes, c’était répondre au même nom que nos bourreaux. L’honneur des hommes, notre honneur, était entaché.

*Paris en 1944.
(Incipit)
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Et qu'étions-nous, nous qui regardions cela, êtres de hasard, imperceptibles, en proie aux astres, échoués sur les plages d'une Nature sans événements?...
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Baleine Incipit
Nous étions plusieurs à nous être réfugiés là, dans ce petit coin où nous pensions pouvoir être oubliés, et nous restions écroulés sur le velours, dans un luxe bizarre de cristaux et d'appliques, nous protégeant, derrière une tenture à emblèmes -- elle-même détachée de ses embrasses et à peu près effondrée --, d'un excès de fumée et de mauvais disques, espérant l'incident qui nous donnerait la force de nous éloigner, ou attendant peut-être, qu'on nous annonçât une lueur sur la mer.
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Nous fîmes lentement le tour de la merveille. Elle pesait sur la plage de tout son poids, comme si elle ne travaillait plus qu'à disparaître, comme si elle avait décidé d'appartenir dorénavant à la terre − ainsi que lui appartenaient ces rochers bas et anguleux, ces maigres plantes, si raides, qui derrière nous étaient plaquées sur le schiste, et que la brise ne faisait même pas frissonner. Mais les rochers étaient bruns : elle était blanche, d'un blanc fade, comme le blanc du lait épanché. Ce blanc-là était bien à elle. C'était un blanc sans lumière, un blanc gelé, entièrement refermé sur lui-même, tournant le dos à toute gloire, avec une résignation à peine pathétique, vraiment le blanc d'une baleine qui ne faisait pas d'histoires, qui fuyait l'éloquence et défiait terriblement les mots ; une baleine d'un naturel très simple, en somme, très proche de nous − une de ces baleines qui font penser : "Dire que nous aurions pu faire une si bonne paire d'amis !..."
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Alors, au milieu de ce silence, sous le rayonnement du soleil qui, dès le début de l'après-midi, commençait à décliner, venaient des heures d'une vertu inespérée où la terre émettait autant de lumière que le ciel. Les rayons émanant de ces deux sources divergentes se croisaient autour de chaque objet et Simon, la tête renversée sur ses coussins, pouvait suivre sur le plafond les changements qui s'accomplissaient dans le scintillement du sol. Il croyait avoir changé le monde. Car non seulement les objets mais ses pensées même, répondant à cette exigence de lucidité qui voulait que toute ombre fut en même temps rayon, et qui faisait s'évanouir les antinomies les plus familières, s'érigeaient dans une pureté glaciale au milieu de ce désert de clarté, sous les feux conjugués de deux soleils ; et à la faveur de cette clarté presque miraculeuse, Simon ne se lassait plus de regarder en lui, car les visions qui se levaient sur les coudes translucides de l'âme avaient la noblesse qui devait rayonner autour des créatures premières.
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Les journées sont toutes différentes, séparées. Mais les nuits sont unies, les nuits sont toujours la nuit, la même ; il n’y a qu’une seule nuit, au fond de laquelle nous retombons chaque soir comme des noyés.
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