Elle se mit à réciter une fable, sans doute pour me faire plaisir, une fable de la Fontaine — souvenir de son enfance, chez les sœurs qui l’avaient instruite : La Cigale et la Fourmi. La cigarette était toute partie en fumée.
— Tu sais, Gauguin, fit la princesse en se levant, je n’aime pas ton La Fontaine.
— Comment ? Notre bon La Fontaine !
— Peut être est-il bon, mais ses morales sont laides. Les fourmis… (et sa bouche exprimait le dégoût). Ah ! les cigales, oui ! Chanter, chanter, toujours chanter !
Et fièrement elle ajouta, sans me regarder, les yeux enflammés et s’adressant loin :
— Quel beau royaume était le notre, quand on n’y vendait rien ! Toute l’année on chantait… Chanter, toujours ! Donner, toujours !…
Et elle s’en alla.
Je remis la tête sur l’oreiller, et longtemps je caressai du souvenir ces syllabes :
— Ia orana, Gauguin.