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Citation de Partemps


Taaroa dormait avec la femme qui se nomme Déesse du Dehors (ou de la mer).

D’eux sont nés les nuages blancs, les nuages noirs, la pluie.

Taaroa dormait avec la femme qui se nomme Déesse du Dedans (ou de la terre).

D’eux est né le Premier Germe.

Est né ensuite tout ce qui croit à la surface de la terre.

Est né ensuite le brouillard des montagnes.

Est né ensuite celui qui se nomme le Fort.

Est née ensuite, celle qui se nomme la Belle ou l’ornée-pour-plaire.

Mahoüi [2] va lancer sa pirogue.

Il s’assied dans le fond. À son côté droit pend l’hameçon, attaché à, la ligne par des tresses de cheveux.

Et cette ligne qu’il tient dans sa main, et cet hameçon, il les laisse descendre dans les profondeurs de l’univers pour pêcher le grand poisson (la terre).

L’hameçon a mordu.

Déjà se montrent les âmes, déjà le Dieu sent le poids énorme du monde.

Téfatou (le Dieu de la terre et la terre elle-même), pris à l’hameçon émerge de la nuit, encore suspendu dans immensité.

Mahoüi a péché le grand poisson qui nage dans l’espace et qu’il peut à présent diriger selon sa volonté.

Il le tient dans sa main.

Mahoüi règle, en outre, le cours dut soleil, de telle sorte que le jour et la nuit soient d’égale durée.

Je demandai à Téhura de me nommer les Dieux :

— Dormait Taaroa avec la femme Ohina, Déesse de l’air.

Sont nés deux l’Arc-en-ciel, le Clair-de-la-lune, puis les nuages rouges, la pluie rouge.

Dormait Taaroa avec la femme Ohina, Déesse du sein de la terre.

Est né d’eux Téfatou, le génie qui anime la terre et qui se manifeste par les bruits souterrains.

Dormait Taaroa avec la femme dite Au-delà-de toute-terre.

D’eux sont nés les Dieux Téirü et Roüanoüa.

Puis Roo, qui sortit du ventre de sa mère par le côte.

Et de la même femme naquirent encore la Colère et la Tempête, les Vents Furieux, et aussi la Paix, qui les suit.

Et la source de ces esprits est dans le lieu d’où sont envoyés les Messagers.

Mais Téhura convient que ces filiations sont contestées.

Voici la classification la plus orthodoxe.

Les Dieux se divisent en Atuas et Oromatuas.

Les Atuas supérieurs sont tous fils et petits-fils de Taaroa.

Ils résident dans les cieux. — Il y à Sept Cieux.

Taaroa et sa femme Féii Féii Maïtéraï eurent pour fils : Oro (le premier des Dieux après son père et qui eut lui-même deux fils, Tétaï Mati et Oüroü Tétéfa), Raa (père de Tétoüa Oüroü Oüroü, Féoïto, Téhémé, Roa Roa, Téhu Raï Tia Hotoü, Témoüria), Tané (père de Peüroüraï, Piata Hoüa, Piatia Roroa, Parara Iti Mataï, Patia Taüra, Tané Haérirai), Roo, Tiéri, Téfatou, Roüa Noüa, Toma Hora, Roüa Otia, Moë, Toüpa, Panoüa, Téfatou Tiré, Téfatou Toütaü, Péuraï, Mahoüi, Harana, Paümoüri, Hiro, Roüi, Fanoüra, Fatoühoüi, Rii.

Chacun de ces dieux à ses attributions particulières.

Nous connaissons déjà les œuvres de Mahoüi, de Téfatou…

Tané a pour bouche le septième ciel — et cela signifie que la bouche de ce Dieu, qui a donné son nom à l’homme, est l’extrémité du ciel par où la lumière commence à éclairer la terre.

Rii sépara les cieux et la terre.

Roüi gonfla les eaux de l’océan, rompit la masse solide du continent terrestre et le divisa en ces innombrables parties qui sont les Îles actuelles ;

Fanoüra, de qui la tête touchait aux nues et les pieds au fond de la mer, et Fatoühoüi, autre géant, descendirent ensemble à Eïva — terre inconnue — pour combattre et détruire le cochon monstrueux qui dévorait les hommes.

Hiro, Dieu des voleurs, faisait avec ses doigts des trous dans les rochers. Il délivra une vierge que des géants retenaient dans-un lieu enchanté : d’une seule main il arracha les arbres qui cachaient cachaient au jour la prison de la vierge, et le charme fut rompu…

Les Atuas inférieurs s’intéressent particulièrement à la vie et au travail des hommes, sans partager leurs habitations.

Ce sont : les Atuas Maho (Dieux-Requins), patrons des navigateurs ; les Pého, Dieux et Déesses des vallons, patrons des agriculteurs ; les No Té Oüpas Oüpas, patrons des chanteurs, des comédiens et des danseurs ; les Raaoü Pava Maïs, patrons des médecins ; les No Apas, Dieux auxquels on faisait des offrandes afin d’être protégé par eux contre les maléfices et les enchantements ; les O Tanoü, patrons des laboureurs ; les Tané Ité Haas, patrons des charpentiers et des constructeurs ; les Minias et les Papéas, patrons des couvreurs ; les Matatinis, patrons des faiseurs de filets.

Les Oromatuas sont les Dieux domestiques, les Lares.

Il y a les Oromatuas proprement dits et les génies.

Les Oromatuas punissent les fauteur de querelles, maintiennent la paix dans les familles. Ce sont : les Varna Taatas, âmes des hommes et des femmes morts dans chaque famille ; les Eriorios, âmes des enfants morts en bas âge et de mort naturelle ; les Poüaras, âmes des enfants qu’on tuait à leur naissance et qui revenaient dans le corps des sauterelles.

Les génies sont des divinités supposées, ou plutôt sciemment imaginées par l’homme. À tel animal, à tel objet, sans motif apparent, sinon réel, de choix, il attribue le sens divin, et, dès lors, il le consultera dans toutes les circonstances importantes : un arbre, par exemple. — Il y a peut-être là une trace de la métempsycose indienne, que les Maories ont très probablement connue. Leurs chants historiques et leurs légendes abondent en fables où l’on voit les grands Dieux revêtir la forme des animaux et des plantes.

Après les Atuas et les Oromatuas viennent, au dernier rang de la hiérarchie céleste, les Tiis.

Ces fils de Taaroa et d’Hina sont très nombreux.

Esprits inférieurs aux Dieux, étrangers aux hommes, ils sont, dans la cosmogonie maorie, intermédiaires entre les êtres êtres organiques et les êtres inorganiques, défendant contre les usurpations de ceux-là les droits et prérogatives de ceux-ci. Voici leur origine.

Dormait Taaroa avec Hina, et d’eux naquit Tii.

Dormait Tii avec la femme Ani (désir), et d’eux sont nés : Désir-de-la-nuit, messager des ténèbres et de la mort ; Désir-du-jour, messager de la lumière et de la vie ; Désir-des-Dieux, messager des intérêts célestes ; Désir-des-hommes, messager des intérêts humains.

Sont nés ensuite : Tii-de-l’intérieur, qui veille sur les animaux et sur les plantes ; Tii-du-dehors, qui garde les êtres et les choses de la mer ; Tii-des-sables, et Tii-des-rivages, et Tii-des-terres-mouvantes ; Tii-des-rochers et Tii-des-terres solides.

Sont nés plus tard encore : Événement-de-la-nuit, Événement-du-jour, Aller et Revenir, le Flux, le Reflux, le Donner et le Recevoir-le-plaisir.

Les images des Tiis étaient placées aux extrémités des maraës (temples) et limitaient l’enceinte des terres sacrées. Un en voyait sur les rochers, sur les rivages, et ces idoles avaient la mission de marquer la limite entre la terre et la mer, de maintenir l’harmonie entre les deux éléments, de conjurer leurs empiètements réciproques. Des voyageurs modernes ont encore pu voir, dans l’Ile de Pâques, quelques statues de Tiis. Ébauches colossales, participant des formes humaines et des formes animales, elles attelaient une conception particulière de la beauté et une réelle adresse dans l’art de tailler la pierre, d’en superposer les blocs architecturale ment, avec des combinaisons originales, ingénieuses, de couleurs ;

L’invasion européenne et le monothéisme ont détruit ces vestiges d’une civilisation qui eut sa grandeur. Aujourd’hui, quand les Tahitiens se mêlent d’édifier un monument décoratif, ils réalisent des miracles de mauvais goût — dans le genre du tombeau de Pomaré. Ils ont perdu leur sens natif, et dont pourtant il furent si richement doués, de l’accord nécessaire des créations humaines avec la vie animale et végétale qui constitue leur cadre et leur décor. À notre contact, à notre école, ils sont vraiment devenus des « Sauvages », dans l’acception que l’occident latin prête à ce vocable. Restés beaux eux-mêmes comme des chefs-d’œuvre de l’art, ils se sont (nous les avons) stérilisés au moral ; au physique aussi.

Il existe quelques traces de maraës. C’étaient des parallélogrammes interrompus par des ouvertures : trois côtés consistaient en murs de pierre de quatre à six pieds ; une pyramide moins haute que large formait le quatrième. En tout, cent mètres de largeur, environ, et quarante de longueur. — Les images des Tiis décoraient cette architecture sommaire.

La lune tient une place importante dans les spéculations métaphysiques des Maories. On a déjà dit que de grandes fêtes se célébraient, jadis, en son honneur. Hina est souvent invoquée dans les récits traditionnels des Aréoïs.

Mais son concours à l’harmonie du monde, son rôle est plutôt négatif que positif.

Cela apparait clairement dans inquiétant dialogue — plus haut cité — d’Hina et de Têfatou.

De pareils textes offriraient une belle matière aux exégètes, s’il s’en trouvait pour commenter la Bible océanienne. Ils y verraient d’abord les principes d’une religion fondée sur l’adoration des forces de la nature, — trait commun à toutes les religions primitives. La plupart des dieux maories sont, en effet, les personnifications des divers éléments. Mais des regards attentifs — et que ne distrairait pas, que ne dépraverait pas le désir de démontrer la supériorité de notre philosophie sur celle de ces « peuplades », ne tarderaient pas à découvrir en de telles légendes des traits intéressants et singuliers.

J’en veux signaler deux — et je me contenterai de les indiquer. Aux savants appartient le soin de vérifier ces hypothèses.
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