Citations de Paul Geraldy (88)
MÉDITATION
On aime d’abord par hasard
Par jeu, par curiosité
Pour avoir dans un regard
Lu des possibilités
Et puis comme au fond de soi-même
On s’aime beaucoup
Si quelqu’un vous aime, on l’aime
Par conformité de goût
On se rend grâce, on s’invite
À partager ses moindres mots
On prend l’habitude vite
D’échanger de petits mots
Quand on a longtemps dit les mêmes
On les redit sans y penser
Et alors, mon Dieu, on aime
Parce qu’on a commencé
Il faut se ressembler un peu pour se comprendre, mais il faut être un peu différent pour s'aimer.
Dualisme
Chérie, explique-moi pourquoi
tu dis : "mon piano, mes roses",
et : "tes livres, ton chien"...pourquoi
je t'entends déclarer parfois :
"C'est avec mon argent à moi
que je veux acheter ces choses."
Ce qui m'appartient, t'appartient !
Pourquoi ces mots qui nous opposent :
le tien, le mien, le mien le tien ?
Si tu m'aimais tout à fait bien,
tu dirais : "les livres, le chien"
et : "nos roses".
l'amour,
c'est l'effort que font les hommes
pour se contenter d'une seule femme
C'est la femme qui choisit l'homme qui la choisira.
Bonjour
Comme un diable au fond de sa boite,
Le bourgeon s’est tenu caché...
Mais dans sa prison trop étroite,
Il baille et voudrait respirer.
Il entend des chants, des bruits d’ailes.
Il a soif de grand jour et d’air...
Il voudrait savoir les nouvelles,
Il fait craquer son corset vert.
Puis d’un geste brusque, il déchire
Son habit étroit et trop court.
« Enfin, se dit-il, je respire,
Je vis, je suis libre… bonjour ! »
MÉDITATION
On aime d'abord par hasard
par jeu, par curiosité,
pour avoir un regard
lu des possibilités.
Et puis comme au fond de soi même
on s'aime beaucoup,
si quelqu'un vous aime, on l'aime
par conformité de goût.
On se rend grâce, on s'invite,
à partager des moindres maux.
on prend l'habitude, vite,
d'échanger des petits mots.
Quand on a longtemps dit les mêmes,
on les redit sans y penser.
Et alors, mon Dieu, l'on aime
parce qu'on a commencé.
PROMENADE TROP LONGUE
Promenade trop longue et soleil éprouvant.
Retour muet … Mais ce bonheur en arrivant :
Trouver le couvert mis sous la tonnelle fraîche,
Refuser son potage et mordre dans les pêches !
Ose ! Prends ! Le bonheur ne naît que d'un délire.
Fais taire ton esprit ! Ouvre ta bouche au vent !
Délivre-toi de toi !
II
NERFS
Non ! Ne t'enfuis pas ! Ce geste
de te repousser de moi,
cette rigueur, cette voix,
ce mot brutal — reste ! reste ! —
ne s'adressaient pas à toi.
Je ne gronde et vitupère
que contre mon propre ennui.
C'est sur toi qu'en mots sévères
se délivrent mes colères,
mais c'est moi que je poursuis.
T'en vouloir ? De quoi ? Je pense
à ton cœur sans récompense.
Je le voudrais rendre heureux.
C'est de mon insuffisance,
pauvrette, que je t'en veux.
Ris-toi donc du méchant geste
et pardonne aux mots mauvais.
Et ne sois plus triste. Et reste…
En toi ce que je déteste,
c'est le mal que je te fais.
p.12-13
J'ai vu 3 chats bleus, à la queue leu-leu
Marchant sur un fil .....Poisson d'avril !
J'ai vu un chameau faire du vélo
Tout autour d'une île.....Poisson d'avril !
J'ai vu un gros ver en hélicoptère
Traversant la ville.....Poisson d'avril !
J'ai vu une vache avec des moustaches
Et de très longs cils.....Poisson d'avril !
J'ai vu 10 corbeaux assis sur le dos
D'un vieux crocodile.....Poisson d'avril !
LE JARDIN CHAUD
Le jardin chaud, repu de soleil, accablé
De trop de jour, s’affaisse. Et les roses, en touffes,
Manquant d’air, à l’étroit dans leurs parfums, étouffent.
Un rosier feu met des carmins acidulés
Dans le grenat béat des pivoines bourgeoises.
Là sont les roses thé qui sentent la framboise.
Et voici, dominant, les couleurs, les odeurs,
La rose rose, belle avec tant de splendeur
Qu’auprès d’elle on se sent l’âme plus roturière.
L’arrosoir sec fait regretter le jardinier.
Aveuglé par tout ce tapage de lumière,
On voudrait s’abriter du ciel et des rosiers …
Mais déjà Marthe a préparé, dans la cuisine
Où les carreaux lavés à grande eau sont mouillés,
Des fraises frais cueillies, du lait et des tartines …
Et mis à égoutter sur des claies les caillés.
C'est dans l'ombre que les cœurs causent et l'on voit beaucoup mieux les yeux quand on voit un peu moins les choses...
J'aurais voulu...
J'aurais voulu ne savoir pas
ce qu'on trouve en suivant la route.
Maîtres, si je ne vous écoute
que d'une oreille et d'un coeur las
c'est que je préfère tout bas
mon ignorance à votre doute.
Laissez-moi, l'âme ouverte toute,
errer, revenir sur mes pas,
boire le vent, aimer la route...
et - m'en coûte ce qu'il en coûte ! -
avancer en ne sachant pas
où va la route, où vont les pas.
Ainsi, déjà, tu vas entrer dans mon passé !
Nous nous rencontrerons par hasard, dans les rues.
Je te regarderai de loin, sans traverser.
Tu passeras avec des robes inconnues ...
Et pourtant, nous pouvions ne jamais nous connaître !
Mon amour, imaginez-vous
Tout ce que le sort dut permettre
Pour qu'on soit là, qu'on s'aime, et pour que ce soit nous ? ...
MEDITATION
Toujours, toute la vie ... Oui ces mots, ces mots bêtes,
il faut me les redire et me les répéter !
Se quitter ! Nous deux ! Dis ?... On pourrait se quitter ?
Cela te semble fou, monstrueux ? ... Oh ! répète !
J'ai besoin d'être sûr de notre éternité.
... Pourtant, quand mon ami affirme : "C'est bien elle
la compagne définitive. Que crains-tu ?
Tu n'auras qu'un amour. Vous vous serez fidèles" ...
je suis un peu déçu.
En toi ce que je déteste
C'est le mal que je te fais.
depuis que je t'aime,
ceux qui m'aiment ne comptent plus
XVI INQUIÉTUDE
Enfantine, tu fais bruire
d'un rire clair, aérien,
l'ombre inquiète où je respire.
Je n'aime pas t'entendre rire.
Tu ris trop fort. Tu ris trop bien.
Dans la maison lorsque tu sèmes
tant de santé, tant de clarté,
tu dois te suffire à toi-même.
Il faut à ma sécurité
que tu sois plaintive, dolente
et câline, et que tu te sentes
toute petite. J'ai besoin
de te savoir faible et fragile.
Je t'aime aussitôt beaucoup moins…
Et je suis beaucoup plus tranquille.
p.72-73