Paul Greveillac vous présente son ouvrage "Phrases d'armes" aux éditions Gallimard. Rentrée littéraire automne 2023.
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Il tient dans ses mains ce qui semble être un volume des écrits de Cicéron. S'imagine-t-il être la victime de quelque conspiration ? Pense-t-il à cette phrase du célèbre orateur : "Admettre une série de causes éternellement enchaînées dépouille l'homme de sa volonté libre et le rend esclave du destin ?" Il a la tête d'un type à qui son destin échappe.
Il n’était jamais sûr du grade des militaires qu’il portraiturait. La Révolution culturelle avait éradiqué les signes extérieurs de hiérarchie. Plus personne ne portait de galons. Et il fallait prêter une attention particulière au nombre de poches des vareuses kaki. Deux poches : un rien-du-tout. Quatre poches : un général.
Prise de panique, sans plus personne pour la tenir en bride, la haridelle qui tirait la carriole sur laquelle reposait le catafalque et le cercueil s'emballa. Elle fonça droit devant elle. Le mort eut la frayeur de sa vie.
(page 114)
Kewei, quinze heures par jour, plongeait dans sa peinture aux exhalaisons puissantes. Il ruminait les critiques acerbes de son maître. Lorsqu'il allait enfin se coucher , l'odeur de la peinture l'accompagnait. Il lui semblait que ses cheveux étaient devenus des poils de pinceau. Qu'il était tout entier un manche douloureux. (p. 145)
... il faut maîtriser, dans la peinture traditionnelle chinoise, l’art d’écrire, avant celui de peindre. La peinture traditionnelle chinoise est l’acte d’un lettré, capable de lui donner par le Verbe la résonance longue d’un monde en creux.
L’histoire de la peinture traditionnelle chinoise est celle d’une expédition sans fin. Ses Argonautes — les peintres — ont bien la carte des océans. Mais ils ne font pas confiance à la mer. Ils doutent que la carte recense correctement les écueils et, partant, s’en remettent aux étoiles et à la navigation à vue. Ils passent ainsi leur vie à explorer un thème infiniment réducteur — pour atteindre, par ce prisme, une portion d’universalité. Au travers de leurs petits riens, ils donnent à voir l’ineffable Tout. Il est ainsi des maîtres des paysages, des bambous, des litchis, des crevettes. Le sujet est pour eux la fin et le moyen.
Jiang, en se rasant, sifflait entre ses dents. « Sans le Parti communiste, il n’y aurait pas de Nouvelle Chine… » Jiang n’avait pas grand-chose à raser. Mais il s’imposait un visage parfaitement glabre. Le visage du progrès.
Botoxée à l’économie de marché, la Chine avait une mine resplendissante. Monstrueuse, elle avait su se réinventer, jusqu’à se nier en apparence. La dialectique, habilement manipulée, lui avait permis de dire tout et son contraire. La raison pure sait se fortifier des contradictions. Et l’impossible devient. Comme dans un rêve...
(...) il guettait les moindres sons émis par les voisins, au-dessus, au-dessous, sur les côtés. Mais les travailleurs, pour la plupart, s'acquittaient ailleurs de leur devoir envers le peuple. Puis il oublia bientôt tout- avalé par le roman, devenant, lecteur, l'acteur primordial de la fresque. Pendant ses trois jours d'arrêt, sans rien en dire à sa mère, replaçant avec précaution le roman là où il l'avait trouvé sur l'étagère, il dévora -Le Docteur Jivago- En le refermant, il se demanda pourquoi, au juste, on le censurait en U.R.S.S. Khrouchtchev, paraît-il, une fois destitué et après avoir enfin lu le livre, ne se demanda pas autre chose. (p. 61)
La symétrie fascine l’œil et endort l’esprit. C’est pourquoi les régimes totalitaires adorent la symétrie.