Comment peut-on vivre, ou dirais-je simplement survivre, après la perte d'un enfant, surtout lorsque celui-ci ou celle-ci a été enlevé alors qu'il était à l'aube de sa vie ?
C'est tout le thème de cet ouvrage mais avant de commencer ma critique, je tenais à remercier Babelio ainsi que les éditions Cherche Midi pour m'avoir gracieusement envoyé cet ouvrage dans le cadre de l'avant-dernière édition de Masse Critique.
Ici, le lecteur se retrouve dans le petit village d'Enon en Nouvelle-Angleterre où Kate, âgée de seulement treize ans, se fait brusquement fauchée par une voiture alors qu'elle était en vélo. Pour ses parents, Susan et Charlie (surnom de Charles) Crosby, c'est bien plus qu'un terrible et dramatique accident. Leur mariage, déjà si frêle, qui était consolidé par l'amour qu'ils portaient tous deux à leur fille unique et qu'ils chérissaient plus que tout au monde, va donc indubitablement battre de l'aile. Alors que cette tragédie aurait dû les souder encore plus afin de faire face à l'inacceptable, elle va au au contraire, continuer à ruiner leur mariage. Si Susan a assez de force en elle pour accepter que la chaire de sa chair lui aie été injustement ravie, Charlie, lui, au contraire, se refuse à l'admettre. Aussitôt commence alors une interminable dégringolade dans l'enfer, celui des médicaments, de l'alcool et de la drogue. Cet homme qui a tout perdu, femme et enfant, se retrouve encore plus bas que terre en devenant une véritable loque humaine, entraînant le lecteur avec lui dans sa chute.
Un roman absolument poignant, criard de vérité mais qui, bien que nous montrant l'enfer tel qu'il peut être sur Terre, nous donne aussi de sacrées leçons de morale.
Un roman que je ne peux donc pas qualifier de léger tant les thèmes abordés ici sont extrêmement durs mais qui se lit pourtant très rapidement. Il faut dire aussi que je l'ai lu pendant ma semaine de congés (eh oui, j'ai le chic pour prendre mes vacances alors que tout le monde est soit retourné à l'école pour certains, au boulot pour d'autres et enfin que les derniers n'ont tout simplement pas eu de vacances alors je ne me plains pas !). En tout cas, je ne peux que vous recommander cette lecture qui ne vous laissera pas indemne. Aussi, un bon conseil lisez cet ouvrage quand vous êtes reposé surtout, quand vous avez un moral d'acier !
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Voici un récit surprenant, des plus déroutants, du moins au début de l'ouvrage....magnifiquement écrit, lent, poétique et émouvant.
Un homme va mourir d'insuffisance rénale au milieu de son salon entouré de ses enfants épuisés, de ses petits enfants,en proie à ses souvenirs de jeunesse, auprès d'un père, colporteur de son état, grand voyageur, imprévisible, bucolique, hanté surtout par des crises d'épilepsie et par la foudre!
Nous ,lecteurs, nous retrouvons comme par enchantement, spectateurs, en train de revivre, dans un désordre voulu,des fragments de leurs deux vies!
L'écriture est très riche, d'une originalité étonnante,où l'auteur ausculte mère nature et ses éléments, transcrit leur couleur ou leur mouvement grâce à de longues phrases somptueuses et interminables parfois!
"De hautes touffes de marisque et des fleurs sauvages poussaient le long de l'échine des routes de terre et caressaient le ventre de la carriole de Howard, des ours cueillaient des fruits à coups de patte dans les buissons sur les bas- côtés."
On se sent léger, détaché de tout, des exigences de la vie et de ses multiples responsabilités, l'auteur prend tout son temps, il oscille constamment entre des descriptions contemplatives de la nature et la violence plus ou moins incontrôlable d'une crise d'épilepsie ou les fulgurances de l'esprit dérivant en rêveries oniriques....sur la nature rugueuse du Maine et l'éphémère de la nature
Humaine....
Son texte lyrique et pastoral enchaine les tableaux, les objets chargés d'émotion et de sens, des instants purs polis une dernière fois lors des derniers instants de George, dans un dernier souffle : léger et élégant....
La chute de ce livre à l'écriture fabuleuse, réjouissante tant elle est sobre, force le respect.
Un roman incroyable, rare, intimiste,intense, une histoire tenue,une méditation éblouissante, des carreaux d'une mosaïque, tournoyant , tourbillonnant, retraçant un portrait à facettes multiples.....
Un récit humaniste fait de silences,de l'histoire d'une existence pendant les ultimes heures de la vie d'un homme!
Une ode au temps qui passe...
Étonnant!
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Singulière destinée que celle du premier roman de Paul Harding, d’abord rejeté partout et relégué au fond d’un tiroir avant d’être édité trois ans plus tard à quelques centaines d’exemplaires, repéré grâce au bouche-à-oreille et finalement récompensé contre toute attente par le prestigieux prix Pulitzer.
Que dire de ce texte bouleversant, sinon qu’il déroule dans une langue somptueuse les visions hallucinées d’un vieillard sur son lit de mort ? Il s’appelle George Washington Crosby et il est horloger. À mesure qu’il s’affaiblit et qu’on se presse autour de lui, il convoque les fantômes de son père et de son grand-père, tissant tant bien que mal son roman familial pour donner - sait-on jamais ? - un sens à sa vie. C’est un livre de mémoire et de transmission, un « livre de mon père » qui retrace dans le désordre trois générations d’Américains moyens frappés par une malédiction. Au coeur des Foudroyés se distinguent pourtant les pérégrinations du père de George, un vendeur itinérant aux faux airs de poète qui trimballe dans sa carriole ses babillages et ses babioles. Un homme impénétrable, fantasque et fragile à la fois, victime de fréquentes crises d’épilepsie qui le pousseront à s’exiler pendant de longues années. Un père en pointillé dont le fils agonisant s’efforce de raviver les errances, les rêveries et les fulgurances à travers les paysages éblouissants de la Nouvelle-Angleterre.
« Où est mon père, pourquoi ne puis-je mettre fin à tout ce mouvement et observer les vastes agencements et trouver grâce aux contours et aux couleurs et aux qualités de la lumière où est mon père... »
Un début de roman assez difficile dans lequel tout parait " embrouillé ", mais rapidement on trouve enfin le fil d'une bien belle et triste histoire avec une magnifique écriture.
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Je n'avais pas réussi à finir Les Foudroyés, l'ouvrage précédent de Paul Harding mais j'ai fait l'effort d'aller jusqu'au bout de ce nouveau roman.
Bien sûr le sujet est sensible puisqu'il s'agit de la perte d'un enfant et vraisemblablement cela bloque des rouages dans le subconscient du lecteur (dans le mien en tout cas ...)
Charles Crosby perd accidentellement sa fille Kate de 13 ans et se sépare rapidement après de sa femme.
Il raconte son enfance à Enon avec son grand-père, sa rencontre avec Susan sa femme et sa vie avec Kate .
Cela n'a jamais été une vraie vie de famille, chaque parent étant en fait, un parent seul avec son enfant , Kate étant devenue très vite le seul ciment de la cellule familiale .
Ces évocations sont mêlées astucieusement à l'histoire de la petite ville d'Enon qui intéresse depuis longtemps Charlie .
Peu à peu , ces souvenirs se mélangent aux délires et aux rêves sous l'emprise de l'alcool,des médicaments et de la drogue, Charlie devenant un être solitaire, une épave errant la nuit dans le cimetière ou s'introduisant dans les demeures .
Autant la première période où il raconte les histoires avec son grand-père horloger et les ballades dans la nature avec lui ou sa fille est plaisante autant les descriptions sous l'emprise des différentes substances m'ont dérangée, mais tout ceci n'est que mon ressenti !
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Dans son deuxième roman publié en 2013, et en France dans la collection Lot 49 du Cherche-midi en 2014, Paul Harding révèle toute l’intrigue au premier paragraphe, plongeant son lecteur sans affect au cœur de ce trou noir, la perte d’un enfant.
«La plupart des hommes de ma famille font de leurs épouses des veuves, et de leurs enfants des orphelins. Je suis l’exception. Ma fille unique, Kate, est morte renversée par une voiture alors qu’elle rentrait de la plage à bicyclette, un après-midi de septembre, il y a un an. Elle avait treize ans. Ma femme Susan et moi nous sommes séparés peu de temps après.»
Reclus dans sa petite maison du village d’Enon, transformée en bloc de désespoir et de silence après le décès de Kate et le départ de sa femme, Charlie Crosby abandonne toute activité et se laisse tomber dans l’abîme du chagrin, une déchéance pour s’approcher au plus près de la frontière des ténèbres, entouré des fantômes de sa fille et de tous les disparus qui peuplent sa mémoire.
«J’étais affamé de mon enfant et je venais me repaître dans le cimetière, dans l’espoir qu’elle me rejoigne, à mi-chemin de nos deux mondes, ou juste au-delà, ne fut-ce qu’une nuit, ne fut-ce que pour un instant – qu’elle se dresse de nouveau, debout sur ses pieds nus, et foule l’herbe humide ou les feuilles mortes ou la terre enneigée de l’Enon vivant afin que nous puissions échanger elle et moi ne fut-ce qu’un seul, un dernier mot humain.»
Avec pour seul soutien les drogues et le whisky pendant cette année de descente aux enfers, Charlie se remémore, en une mosaïque de souvenirs et d’hallucinations d’une étrange beauté, l’achat de la première bicyclette pour sa fille et leurs ballades dans les environs d’Enon, ses propres jeux d’enfants et les souvenirs de son grand-père horloger, les histoires des habitants et ancêtres de ce village de Nouvelle-Angleterre tels Sarah Good, exécutée pour sorcellerie en 1692 et dont il imagine la rencontre avec Kate, et la sépulture :
«Mais les bois d’Enon regorgent de très vieilles pierres tombales, dépourvues de toute inscription, et il se peut que la sienne s’y trouve, parmi d’autres ossements de bêtes et de bons citoyens : moutons et chiens, pères et frères, bœufs et chevaux, mères et tantes, cochons et poulets, fils et filles, chats et chouettes anonymes, Puritains et Indiens, enfants à jamais innommés, et dont les os se mêlent aux alluvions de la terre et de l’eau souterraine, migrant sous les fondations de nos maisons et les fairways du parcours de golf, troquant leur thorax, leurs dents, leurs tibias, leurs phalanges, circulant sous le diamant des terrains de baseball et le lit des cours d’eau, s’accrochant aux racines et à la roche, aux tables granitiques et aux méandres d’argile. Enon compte sans doute plus d’habitants sous ses 2200 hectares de surface qu’on en recense au-dessus. Juste sous nos pieds, de l’autre côté de la croûte terrestre, se trouve un autre Enon, un Enon souterrain, qui dissimule ses activités en les menant avec une telle lenteur que les vivants ne sauraient en appréhender l’exacte teneur.»
Dans cette époque où le spectacle submerge tout d’émotions artificielles, ce roman de la souffrance intime d’un homme est d’une intense et authentique tristesse, un récit d’une poésie hypnotisante.
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Je commencerai par saluer le traducteur qui a réussi le tour de force de traduire une écriture d'une telle richesse ! Paul Harding traduit ses impressions par des mots qui courent sur le papier, il ausculte la nature et les éléments et transcrit leur couleur et leur mouvement par des phrases somptueuses et parfois interminables.
C'est un roman totalement atypique qui commence, alors que George, le chef de famille, est en train de mourir d'insuffisance rénale dans son salon, entouré par ses enfants et petits-enfants, en proie à des instantanés de ses souvenirs et des hallucinations... Etrange et un peu abscons au début ...
Mais au fur et à mesure, George convoque ses souvenirs d'enfance auprès d'un père colporteur, imprévisible et bucolique, régulièrement frappé par des crises d'épilepsie et régulièrement aussi foudroyé par le spectacle de la nature dans sa splendeur... et le récit prend un tour très différent et passionnant.
Que restera-t-il de nous après notre mort, c'est la question qui taraude George et ponctue régulièrement ses réflexions.
Un livre étrange et beau, une rivière à l'écriture sublime par laquelle il faut se laisser emporter...
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Eh oui,Enon; la vie ne fait pas de cadeaux,chantait un certain...
"Je me suis réveillé tôt un matin sur le canapé.Je me réveillais tous les matins sur le canapé.J'avais l'impression que c'était chaque fois le même matin,où une série infinie de rêves enchassés les uns dans les autres,dont je m'imaginais chaque matin me réveiller mais dont je ne quittais jamais en réalité le précédent que pour enter dans le suivant.Parfois quand mon humeur n'était pas d'une noirceur absolue,je me disais qu'il serait intéressant d'inventer une formule homérique pour marquer chacun de ces réveils sur le canapé,une invocation qui enoblirait ce moment,le rendrait plus poétique,moins tributaire de ma petite apocalypse intime et monotone."
Cela résume l'état d'esprit de Charlie tout au long du récit.Un personnage,comme on en rencontre beaucoup,chacun fait comme il peut avec sa solitude et ses blessures.
Comment survivre à ceux qu'on aime?Est-on libre de ses choix de vie?
Charlie plonge dans la drogue et l'alcool croyant apaiser son ,fuir la mort,mais il sombre dans l'enfer de la dépendance.
Un portrait psychologique suicidaireune histoire triste,,mais qui laisse suffisamment de distance au lecteur pour vouloir secouer le pauvre endeuillé.C'est toute la dimension de l'écriture créative de Paul Harding.On en sort plus léger que l'on y entre.Certes une happy end mais il fallait bien une morale pour redonner l'espoir !!!
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Le thème abordé était intéressant: un père est confronté au décès de sa fille unique et perd complètement pied. Mais je n'ai pas du tout, mais alors pas du tout, accroché au style de l'auteur. Je viens de trouver le champion des phrases à rallonge. Elles sont interminables. Au point que le lecteur s'y perd dans le sens.
De plus, ce genre de narration a tendance à m'ennuyer très vite. Et c'est vraiment dommage parce que malgré cela, on sent la détresse de ce père. On souffre avec lui. Mais pas toujours. Parfois, on s'ennuie aussi. On devient presque un témoin distant, détaché.
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Placé dans un lit médicalisé au centre du salon et entouré des siens, Georges Washington vit ses dernières heures et se plonge dans les méandres de ses souvenirs.
Il est difficile d'entrer dans ce roman car l'auteur nous balade ça et là dans un va-et-vient désordonné. Il pause sa plume sur une nature, un objet puis nous secoue violemment, passe d'un personnage à l'autre en mettant en avant trois générations.
Si j'ai eu un peu de mal à suivre le fil conducteur, à apprécier parfois certaines longueurs, j'ai été séduite par la prose de l'auteur qui, à certains passages m'a transporté.
On aime ou on déteste mais incontestablement Paul Harding nous livre une littérature atypique, profonde et très poétique.
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Charlie vient de perdre dans un accident sa fille unique de 13 ans. Paul Harding fait le portrait d'un homme à la dérive, il nous donne à voir la descente aux enfers sous l'effet des drogues et de l'alcool d'un homme désespéré. Ce deuxième roman, après "Les foudroyés", prix Pulitzer 2010, confirme le talent de l'auteur. Il nous entraîne dans la petite ville d'Enon, en Nouvelle-Angleterre et fait d'elle un personnage à part entière.
Il nous dépeint les rêves hallucinés de Charlie dans un style baroque et poétique. La rédemption viendra-t-elle de la nature somptueuse de cet endroit ? Comment l'espoir peut-il renaître après cette tragédie ? Un livre à ne pas manquer dans cette rentrée littéraire foisonnante.
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Saga familiale. Encore une me direz-vous. Oui, mais non. En effet, il s’agit d’une saga d’électrons libres au sein d’une famille, ou tout du moins d’électrons qui se libèrent.
Une belle écriture, une atmosphère tristoune mais pas de pleurs à longueur de pages, du beau texte quoi !
Un bémol. Mes neurones devaient avoir pris des RTT mais je n’ai pas bien compris les incises horlogères…Métaphores ? Peut-être mais si c’est le cas, elles n’éclairent pas le discours selon moi.
Mais que cela ne vous empêche pas de lire ce livre, ce serait dommage.
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