Le bien et le mal, ça n'existe pas. La seule question, c'est la volonté d'agir de l'individu. Le reste c'est vernis, formalités, perceptions...des mots.
Les premiers accords du crépuscule tombaient sur la plaine, les ombres s'allongeaient sur le sol. Le coucher de soleil était plein de douceur, ce soir. Des volutes cramoisies dans un ciel d'ouate. Les couleurs tourbillonnaient et devenaient plus profondes à mesure qu'ils avançaient...
Il remontait la piste dans une frénésie de sabots et de poussière, long manteau flottant au vent, une silhouette ailée et sombre se découpant sur la terre délavée par le soleil.
Noone.
On ne regrette que ce qu'on n'a plus, on n'accorde pas de valeur à ce que l'on a.
" Il se pencha et détacha le cadavre de la chaîne qu’il avait au cou, puis contraignit les hommes restants à se remettre en file. Ils se levèrent, se protégeant de leurs mains, terrifiés. Il tira un bon coup sur la chaîne et remonta en selle, mais le groupe ne se remit pas en marche. Les deux hommes en tête de file parlaient. Le plus grand tendit un bras et désigna la cachette de Tommy et Billy. D’autres têtes se tournèrent vers eux. Puis tous les chevaux, sauf le dernier, s’élancèrent au galop dans la plaine, et Tommy poussa un petit gémissement comme un chien qui vient de se faire rosser."
Si on pouvait appeler ça un troupeau : un petit groupe de vaches languissantes étaient éparpillées dans toute la plaine d’inondation, farfouillant désespérément le sol en quête d’un brin d’herbe à brouter. Les sacs de grains empilés sur Jess furent vidés dans les auges, mais il y en avait à peine assez. Père regarda les bêtes avec amertume. Une sorte de haine dans les yeux. Presque comme s’il les accusait. Comme si ce qui leur arrivait était leur faute, en un sens.
« Un homme ne devrait avoir à répondre à personne. Il devrait faire son chemin tout seul dans le monde. Tu comprends ce que je te dis ? Être esclave d’un salaire, c’est pas tellement plus enviable que d’être un Aborigène. Dans les deux cas, on est à la botte d’un autre salopard. L’important, c’est la liberté. Renonce pas à ta liberté, Tommy. À aucun prix. »
On a les Indes occidentales sur le pas de notre porte, un million de Chinetoques en manque de cuir et de bœuf, et plus de pâturages qu’on ne peut en remplir – si seulement il daignait pleuvoir. Même l’Amérique n’a pas un tel potentiel, et on n’a pas leur politique à la con, ici, en plus. Ce pays, ça pourrait être le plus grand pays du monde, les garçons, si ces salauds de la côte faisaient pas tout leur possible pour le foutre en l’air. Les colonies ne peuvent pas être dirigées depuis Londres, Sydney ou même Brisbane, et certainement pas par une bande de trous du cul emperruqués – excuse ma grossièreté, chérie – qui n’ont pas la moindre idée de comment les choses se passent ici.
Il n’avait pas beaucoup plus de quarante ans, mais arborait la lassitude d’un homme bien plus vieux. Comme si tous les jours étaient une lutte. Ce qui, d’ailleurs, était le cas.
Ces indigènes, de ce que j’en ai vu, on leur a donné toutes les opportunités, mais ils refusent toujours de changer. Le travail, l’éducation : on a tout fait pour les civiliser, mais ils ont la sauvagerie dans le sang. J’ai même entendu dire qu’ils mangent leurs propres enfants, pour l’amour du ciel. Et pourtant ils sont tout autour de nous, on les fait entrer dans notre maison !