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Citations de Paul-Jacques Bonzon (100)


Les autres n’étaient pas loin. Se frayant un passage à travers la foule des «gones » (ainsi appelle-t-on les petits Lyonnais), ils venaient vers nous. En un instant, la bande fut reconstituée. D’un commun accord, elle se dirigea vers le « Toit aux Canuts », cette terrasse bordée d’un parapet, d’où l’on domine toute la ville de Lyon.
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Nous nous assîmes, côte à côte, sur le parapet du « Toit aux Canuts », jambes pendantes dans le vide, mais, chose curieuse, personne n’avait envie de parler. Comme tous les autres écoliers, nous avions attendu les vacances avec impatience et juste au moment où nous aurions dû sauter de joie, nous demeurions silencieux comme si ces deux mois et demi de liberté nous embarrassaient.
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Il disait vrai. Pour nous les vacances ne pourraient être de vraies vacances que si nous restions ensemble. Nous n’étions pas simplement une poignée de « gones » réunis pour le jeu. Les aventures survenues à Kafi, mon brave chien-loup, nous avaient rendus inséparables. Nous étions les «Compagnons de la Croix-Rousse » comme tout le monde nous appelait, dans le quartier. Ces compagnons ne pouvaient se séparer sans chagrin. Bien sûr, tous ne quitteraient pas Lyon pour la mer ou la montagne, comme les enfants des riches quartiers ; il nous arriverait de nous rencontrer sur le boulevard, mais ce ne serait pas la même chose. Nous ne nous retrouverions plus, deux fois par jour, sur le chemin de l’école.
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Je me sentis affreusement gêné. C’est vrai, j’allais bientôt partir pour Reillanette, mon village natal, près d’Avignon. J’emmènerais Kafi, mon brave chien. Là-bas, je retrouverais Mady qui faisait partie, elle aussi, des « Compagnons de la Croix-Rousse ». Chère Mady ! Elle n’était pas seulement notre camarade, mais notre protégée. Depuis trois mois, elle était partie avec sa mère, se soigner au soleil, dans la maison que j’avais habitée avant de venir à Lyon. Elle m’avait invité, moi seul, parce que la maison n’était pas assez grande pour recevoir tout le monde. Pourtant, partir sans mes camarades me faisait l’effet d’une trahison. Kafi leur appartenait un peu, je ne voulais pas les en priver si longtemps. Alors, brusquement, je déclarai :

« Pourquoi ne chercherions-nous pas le moyen de partir tous là-bas ? Ce n’est pas impossible. »
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Il ouvrit son cartable, un cartable énorme, presque aussi gros que lui. Il en sortit des livres, des cahiers, des buvards-réclame, un mètre pliant, des bouts de ficelle, un lance-pierres… et enfin une carte routière en piteux état. Il en rassembla les morceaux sur le parapet et on se pencha sur son épaule.
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La nuit qui précéda le départ, je ne dormis guère. Je pensais trop à mon village, à Mady que j’allais revoir. J’étais heureux d’emmener Kafi là-bas. Cependant, j’éprouvais une sorte d’appréhension. J’avais peur de le perdre une seconde fois. J’avais passé des jours si tristes quand naguère je l’avais cru disparu à jamais, l’hiver dernier, la nuit où des inconnus l’avaient volé.
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Nous avions décidé de partir tôt pour profiter de la fraîcheur matinale. Dès six heures, j’étais debout. Maman était déjà dans la cuisine, préparant mon petit déjeuner. Ce départ par la route l’effrayait un peu, mais puisque mon père avait donné son accord… Au fond, je suis sûr qu’elle m’enviait de partir pour Reillanette, qu’elle aimait tant, elle aussi.

J’avalai une grande tasse de chocolat et trois tartines, tandis que Kafi lapait un bol de lait. J’embrassai maman très fort, en lui demandant de ne pas s’inquiéter, et je sortis. Kafi sautait de joie. Je lui recommandai de ne pas faire de bruit, dans l’escalier, à cause de la concierge.
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Je me penche. Du sang!... du sang frais qui n'a pas eu le temps de noircir. Est-ce celui de Kafi?... Je me relève, j'appelle encore mon chien; en vain. Alors j'examine de nouveau la flaque de sang, puis les alentours pour savoir quelle direction l'animal a prise en s'enfuyant. Hélas! à part quelques petites traces brunâtres tout près de la tache, rien ne me permet de suivre une piste. Je distingue seulement les empreintes de pneus d'auto imprimées dans la terre humide du chemin creux. Surpris, ébloui par les phares d'une auto, Kafi a-t-il été écrasé? C'est la première idée qui me vient. Non, ce n'est pas possible. D'abord, la tache de sang est à deux ou trois mètres de la piste... Et comment penser que Kafi se soit laissé surprendre par une auto qui, dans ce mauvais chemin, ne pouvait rouler que très lentement! D'ailleurs, que serait venue faire cette auto, en pleine nuit, dans le bois? Ces traces de pneus doivent dater de plusieurs jours.
À demi rassuré, je veux tout de même faire part de ma découverte à mes camarades. Au besoin, nous reviendrons ici pour battre le bois aux alentours de la flaque de sang.
Dans mon affolement, je retrouve à grand-peine mon chemin. Soudain, au loin, sur ma droite, un coup de sifflet! Mon cœur se remet à battre. Kafi a été retrouvé! Je me précipite à travers les buissons épineux sans me soucier des égratignures. Mes camarades font cercle autour de quelque chose. Je les écarte.
« Kafi!... »
Mon chien est étendu sur le sol, vivant mais blessé. Au son de ma voix, il redresse la tête.
« Rassure-toi, dit vivement Corget, ce n'est pas grave... Regarde. »
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La même employée en blouse blanche accueillait les visiteurs dans la salle d'attente. Nous lui étions devenus sympathiques. De loin, elle nous fit signe qu'elle s'occupait de nous. Après être passée dans le bureau voisin, elle revint en disant que « notre » malade était prévenu.
Cinq minutes plus tard, la jeune Anglaise apparut, les traits reposés, plus détendue, en vérité très jolie.
« Je vous attendais, dit-elle. C'est gentil d'être revenus. Mon père va mieux. Ce matin il a pu se lever quelques instants. Cependant, je suis toujours inquiète à cause de sa mémoire. Il a perdu tout souvenir de ce qui s'est passé au moment de l'accident et même de son voyage en avion. »
Puis, jetant un coup d'œil autour de nous comme si elle cherchait quelqu'un :
« Et votre chien?... Vous l'avez amené? »
Je lui expliquai qu'il n'avait pas l'autorisation d'entrer et que je l'avais attaché dans la cour à un lampadaire.
Elle nous accompagna dehors et se montra impressionnée par la taille de mon chien.
« Oh! un si gros animal!... Est-il féroce?... Est-ce que je peux le toucher?... Et comment s'appelle-t-il?
- Kafi! »
Le nom lui parut si drôle qu'elle étouffa un petit rire.
« Coffee! Que c'est amusant! Ce chien n'est pourtant pas noir?
- Je sais, fit Mady. Coffee! signifie « café » en anglais mais lui, c'est Kafi, avec un « K. »
Elle caressa longuement mon chien en prononçant Keufi, et la brave bête, qui reconnaissait quand même son nom, se montra très aimable avec elle.
« Dommage que mon père ne puisse le voir, fit-elle, il aime tellement les chiens... A présent, voulez-vous m'accompagner dans sa chambre? »
Sans Kafi, de nouveau attaché au lampadaire (ce qui ne lui plaisait guère), nous suivîmes la jeune fille jusqu'au pavillon où le blessé avait été transféré. Cependant, avant d'entrer, elle expliqua :
« J'ai raconté à mon père ce que vous aviez fait pour lui. Il n'a pas paru comprendre. Il va mieux mais sa mémoire n'est toujours pas revenue. Pauvre daddy! »
Elle poussa doucement la porte. Assis sur son lit, la tête entourée d'un pansement, le blessé ne paraissait pas souffrir. Son visage, l'autre soir livide, avait retrouvé des couleurs. Il nous sourit, mais d'un sourire absent, de simple politesse. Devant nous, la jeune fille nous répéta ce qu'elle lui avait déjà expliqué espérant que notre présence l'aiderait à rassembler ses souvenirs.
Yes!, Yes! approuvait l'Anglais.
Mais on voyait bien qu'au fond de lui-même, il se demandait ce que nous faisions là.
« Pauvre daddy! murmura la jeune fille en lui posant affectueusement la main sur l'épaule. Bientôt à Londres, quand tu retrouveras ta maison, la mémoire te reviendra. Le docteur l'a dit. »
Et, à nous autres :
« Oui, le docteur pense qu'il retrouvera ses souvenirs quand il reverra son cadre familier. Aussi, allons-nous repartir dès demain. J'ai retenu deux places dans l'avion pour Londres. »
Puisque notre blessé ne se souvenait de rien, il était inutile de prolonger la visite. La jeune fille nous reconduisit dans le couloir mais, sitôt la porte de la chambre refermée, son visage prit une soudaine expression de gravité.
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C'était un jour de juin, pour ainsi dire le premier beau jour de l'année, tant le printemps s'était montré avare de soleil. À la sortie de l'école, Gnafron leva le nez en l'air en disant:

"Ce grand ciel bleu me donne une envie folle de voir des avions..., pas seulement là-haut, mais de près. Si nous allions faire un tour à l'aéroport? Le soir, entre sept et neuf heures, des avions décollent ou atterrissent à chaque instant."
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Endormis tard, ils s'éveillèrent quand même de bonne heure... Moins tôt cependant qu'Hervé, Cécile et Mady, déjà dans la cuisine en train de préparer les petits déjeuners.
« Oui, expliqua Cécile, moi aussi je suis curieuse de savoir ce qui se passe aux Saint-Marcouf. Je file tout de suite à Cherbourg avec Hervé. Deux places sont libres dans la 2 CV. Qui veut nous accompagner?
- Euh! fit Tidou, ce matin, en m'éveillant, j'ai pensé que nous pourrions aller voir Flambart, tous les six. Nous lui expliquerons notre découverte. Il connaît peut-être cette galerie et la porte de fer.
- D'accord, approuva Hervé. Rendez-vous ici à midi. »
La 2CV partie, Tidou expliqua à ses camarades que, pour aller plus vite, ils prendraient la grande route, au lieu de suivre la mer.
« Et Kafi? demanda Mady.
- Naturellement, je l'emmène dans sa remorque. »
Cinq minutes plus tard l'équipe démarrait à son tour par un temps gris, humide et doux. Elle traversa le bourg de Quinéville, au lieu de longer la plage, et atteignit rapidement Ravenoville où les engins furent garés comme la première fois dans la cour de l'épicier. Les Compagnons se dirigèrent alors vers les dunes. Grâce à Kafi, ils retrouvèrent la direction des Goubelins. Au loin, apparut la cabane du « Sauvage ». Les mains en porte-voix, Tidou lança un appel :
« Ohé! Monsieur Flambart, ohé!... »
Le vieil homme surgit aussitôt, son fusil entre les mains, prêt à mettre en joue celui qui l'interpellait. Mais il reconnut les Compagnons et leur fit signe de s'approcher. Mady s'avança la première en tenant Kafi par le collier. Flambart rentra dans sa cabane déposer sa « pétoire » et accueillit les arrivants avec une drôle de tête, le front barré de rides soucieuses, le regard inquiet. Il paraissait à la fois furieux et bouleversé à tel point que Mady se demanda s'il était dans son état normal. Sans prononcer un mot, il poussa les Compagnons à l'intérieur et referma la porte comme s'il voulait les garder prisonniers. Puis toujours muet, il ouvrit un placard de bois blanc, en sortit une feuille de cahier d'écolier, la tendit à Tidou en montrant du doigt des lettres découpées dans un journal et collées sur le papier.
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Dans la fameuse "caverne" de la Rampe des Pirates, le lieu de rendez-vous des Compagnons de la Croix-rousse, Tidou déploya une carte routière et l'étala sur le sol.

- Regardez ! On a presque toute les France a traverser avec nos mobylettes ! C'est de la folie ! Il faudrait quatre ou cinq jours à l'aller, et autant pour le retour.

-C'est loin, d'accord, reconnut Maddy, la seule fille de la bande, mais ça vaut la peine. Il paraît que la Manche, avec ses marées, est très différente de la Méditerranée. On vient de travailler un mois pour gagner un peu d'argent, on a bien mérité quelques vacances. Et puis rien ne presse : il reste plus de trois semaines avant la rentrée.
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Quand Corget se tut, il y eut un long silence. Évidemment, cette lettre était tombée de la poche de la fillette, mais qu'en penser? Tout était mystérieux. Pourquoi ce Billy ne pouvait-il plus écrire à sa sœur? Pourquoi recommandait-il la prudence envers les gens qui pourraient demander de ses nouvelles? Une chose paraissait certaine : l'affection qu'il portait à cette petite Jeannette et à sa grand-mère. Mais pourquoi seulement à leur grand-mère?
« Et l'enveloppe? demanda la Guille, qu'y a-t-il dessus? »
Gnafron, qui l'avait remise dans sa poche, la ressortit et lut tout.
« Jeannette Nodier, 3, impasse Longuet, Lyon, Ve »
- Ve arrondissement! s'écria Bistèque. Le quartier de Fourvière, celui où j'habitais avant de monter à la Croix-Rousse!
- Cette impasse, tu la connais?
- Pensez-vous! une impasse, c'est forcément un petit bout de rue de rien du tout. Je parie pourtant qu'elle se trouve près des quais de la Saône, pas très loin de la Croix-Rousse.
- En tout cas, soupira Gnafron, à présent, on comprend pourquoi cette petite fille est venue à Morzine. Elle espérait y rencontrer son frère, ou trouver quelqu'un qui lui en donnerait des nouvelles. Probable qu'elle n'a rien su de lui depuis le 16 décembre.
- Je le pensais moi aussi; mais pourquoi être allée se perdre en pleine nuit, dans la neige, hors du village?
- Si, expliqua le Tondu, ça se comprend. Souvenez-vous de ce qu'a dit cette nuit le père Papoz : le sentier qui passe derrière la ferme est un raccourci conduisant vers la chaîne frontière. Elle voulait peut-être rejoindre son frère.
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Un robinet qui débite 350 litres à l'heure coule dans une cuve cylindrique de 0,90m de profondeur, et 1,20 m de diamètre. Mais une fuite fait perdre à la cuve 8 litres par quart d'heure. Dans combien de temps la cuve sera-t-elle pleine?
[...]
M. le directeur entrait. En général, ses visites n'annonçaient rien de bon. [...]
"Il vient peut-être pour la fuite, me souffla Corget.
-Quelle fuite?
-Celle de la cuve, parbleu!"

Je retins un éclats de rire pour ne pas risquer une punition. Mais pour une fois, M. le directeur paraissait de bonne humeur.
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Avant de partir, les deux hommes avaient rangé leur couchette mais, à la tête de celle de Laprat, accroché au casier, pendait un cache-nez qu'il n'avait pas jugé bon d'emporter vu la douceur relative du temps. Je le fis sentir à mon chien qui comprit tout de suite ce que je lui demandais. Il percevait nettement une odeur car il battit frénétiquement de la queue.
Cinq minutes plus tard, nous étions dehors, poussant comme des forcenés sur nos bâtons pour accélérer l'allure, Kafi en tête, devant moi, avec l'ordre de ne pas prendre le large. Tout de suite, il avait repéré, parmi beaucoup d'autres, la piste des deux hommes et, de temps à autre, il se retournait, pour voir si nous le suivions.
Nous parcourûmes ainsi plusieurs kilomètres, le long d'un étroit chemin forestier où il fallait parfois baisser la tête pour ne pas heurter des branches. Kafi avançait toujours, la truffe au ras du sol, sûr de lui. Mais, tout à coup, il s'arrêta comme s'il avait perdu sa piste. Les skieurs avaient-ils fait une pause à cet endroit?
« Non, souffla Gnafron, le doigt tendu. Regardez à gauche; de drôles d'empreintes, pas celles de skis.
- Des empreintes de raquettes, reprit Bistèque. Ils sont partis à travers la forêt, hors des pistes, après avoir « déchaussé». »
Bistèque ne se trompait pas. La marque des raquettes était nette. Les croisillons des lanières ressemblaient à des moules à gaufres. Cette fois, c'était probable, les deux hommes cherchaient quelque chose hors des sentiers battus... Quelque chose que tentait aussi d'apercevoir le pilote de l'hélicoptère que, depuis dix minutes, nous entendions ronfler sans le voir.
« Que faisons-nous? demanda le Tondu.
- Pas d'hésitation, répondit Gnafron, continuons nous aussi, même si on plonge dans la neige jusqu'au cou.
- Pas moi, fit Mady. Ça ne vous ennuie pas que je vous lâche? Je n'ai pas encore bien récupéré depuis notre balade d'hier après-midi. Je retourne au refuge. »
Mady partie, nous nous engageâmes à travers bois, avec Kafi qui s'enfonçait dans la neige jusqu'au ventre. La marche dura près d'une heure, nous avions l'impression que jamais nous n'arriverions au but... S'il y avait un but. Sous les sapins, la neige était moins épaisse mais sous les chênes et les fayards décharnés, la couche atteignait bien soixante centimètres.
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Stop ! une source ! cria Gnafron. J'ai la langue comme une figue sèche.

-Encore boire ? ... Nous nous sommes déjà arrêtés il y a une demi-heure !

-Ce sacré soleil me fait transpirer, il faut que je m'arrose.
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Méthodique, précis, il relata les événements. Le garçon écouta attentivement puis, d'un ton indigné :
« Ce n'est pas possible! Si je transportais de la contrebande dans cette barre, j'aurais pensé qu'elle avait pu se détacher à la première embardée et je n'en aurais pas parlé.
- C'est ce que nous avons conclu, dit le Tondu... mais votre explication?
- Je n'en vois pas... Je ne vois surtout pas comment ma voiture aurait pu être truquée en Espagne, à mon insu.
- C'est pourtant un fait. À un moment donné, quelqu'un a plaqué la barre sous votre Simca. Essayez de vous rappeler. D'abord, où êtes-vous allé, en Espagne?
- Je suis entré par le poste frontière de Bourg-Madame pour descendre vers Saragosse et Madrid. Puis j'ai obliqué vers Valence et je me suis arrêté trois jours sur une plage près de Tarragone, avant de rentrer par le Perthus.
- Entre Tarragone et la frontière, vous avez fait une étape?
- Non... mais j'ai dû m'arrêter dans la banlieue de Barcelone pour faire réparer ma boîte de vitesses. Ma voiture n'est pas neuve; je l'ai achetée d'occasion. J'ai perdu là plus de six heures. Normalement, j'aurais dû passer la frontière dans l'après-midi et arriver à Lyon dans la soirée.
- Avez-vous été contrôlé, au passage de la douane?
- Un douanier m'a demandé ce que j'avais acheté en Espagne. J'ai répondu: simplement deux ou trois bouteilles de liqueur. C'était un douanier assez âgé. Il n'a pas exigé de visiter mon coffre et j'ai filé... jusqu'à ce que, quelques kilomètres plus loin, j'aperçoive deux autres uniformes au bord de la route.
- Pourquoi avez-vous pris peur?
- En réalité, je transportais six bouteilles; j'avais entendu dire que c'était très ennuyeux quand on avait fait une fausse déclaration. Je l'ai déjà dit, je n'aurais pas dû leur brûler la politesse. Je me suis affolé. »
Puis, réfléchissant.
« Je ne comprends pas. À quel moment aurait-on placé une marchandise frauduleuse sous ma voiture? Et par qui et à quel moment devait-elle être reprise? Je n'avais pas l'intention de m'arrêter avant Lyon. Qui savait que je rentrais à Lyon? Bien sûr, d'après le numéro de ma Simca on pouvait supposer que j'allais dans le Rhône mais c'est tout. »
Ces questions, les Compagnons se les étaient déjà posées. Personne ne put y répondre.
« Pendant votre randonnée en Espagne, demanda le Tondu, vous est-il arrivé de prendre à bord des auto-stoppeurs?
- Du côté de Madrid, une vieille Espagnole qui avait manqué son autobus et, entre Valence et Castellon, deux jeunes Français à qui je n'ai pour ainsi dire pas parlé. »
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MIDI ET QUART! Après avoir replacé le talkie dans le grenier, les Compagnons se présentent dans la salle à manger de l'auberge. Favelli, et l'ingénieur du son sont déjà à table.
« Alors?... toujours en retard? bougonne le producteur délégué... et la jeune fille, où est-elle?... en train de se pomponner? »
Les Compagnons ont horreur du mensonge, mais peuvent-ils révéler qu'ils savent où est Mady? D'ailleurs, Favelli le sait-il lui-même déjà?
« Il fait si beau, ce matin, dit la Guille; elle a dû faire une longue ballade dans les bois. »
Et le repas commence, sans Mady, sans le perchman. Celui-ci arrive dix minutes plus tard, comme s'il sortait de son lit après un bon somme, en bâillant.
« Si vous n'aviez pas été malade, je vous passerais un savon, dit Favelli en riant. Êtes-vous en forme, au moins?
- En pleine forme... avec un appétit d'ogre, depuis le temps que je suis à la diète! »
Comme les Compagnons n'étaient pas à l'heure, Arlette a fait mettre son couvert à côté de l'ingénieur du son, un homme calme, peu bavard mais sympathique. Une chance pour les quatre camarades qui peuvent discuter à l'aise. La brève conversation qu'ils ont eue avec Gnafron les a troublés. Mot pour mot, Tidou répète les bribes de cet échange : « Il vaut mieux que vous ne cherchiez pas à nous délivrer... un drôle de coup se prépare... à vous d'agir. »
« A vous d'agir, répète Bistèque... C'est facile à dire! Agir comment, où et pourquoi? Au lieu de vouloir tout expliquer en détail, Gnafron aurait mieux fait de commencer par l'essentiel. »
Ils parlent à voix basse mais bientôt s'interrompent, car Favelli les regarde d'un drôle d'air.
Pendant ce temps, la patronne de l'auberge se démène... avec la lenteur d'une paysanne. Le producteur délégué s'impatiente. Enfin, la compote de pommes du dessert est servie, puis le café.
Le perchman a dû renseigner tout bas Favelli sur la capture de Mady car le producteur délégué, se levant de table, s'approche des Compagnons :
« Pas encore rentrée, votre camarade? Bah! elle profite du beau temps. Il fait bon marcher dans la forêt fraîche. Elle nous rejoindre. En route! »
Et il ajoute :
« Je compte sur vous, comme les autres jours, pour charrier le matériel... Pour commencer, aidez-moi à transporter le reste des sacs de faux billets dans la remise. »
Les garçons ne se font pas prier. Ils n'oublient pas que Gnafron a prononcé les deux mots « faux billets ». Favelli ouvre le coffre de la Mercedes. Au fond, une vingtaine de sacs, tous pareils, gisent pêle-mêle.
« Emportez-les et ne les perdez pas en chemin! »
Mais, se penchant sur le coffre, Favelli constate :
« Tiens, celui-ci est déchiré. Ne l'emportez pas. Votre chien risquerait de semer les papiers en route. »
Il rejette, au fond du coffre, le sac déchiré d'où s'échappent des rectangles découpés dans des journaux.
Les Compagnons se regardent : Favelli a tenu, encore une fois, à leur faire constater qu'il s'agit bien de vieux papiers.
Et les préparatifs de l'ultime tournage commencent. Tidou est à nouveau déguisé en bûcheron bien rembourré. Il reprend des gestes devenus familiers, qu'il sait par cœur. Kafi, lui aussi, connaît son rôle. Il laisse Tidou lui passer la sangle à poches et plie l'échine sous le poids des faux billets.
« Silence... On tourne. »
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Ce jeudi-là, un après-midi de février, toute la bande se retrouva dans la "caverne".

Ce que nous appelions notre "caverne" était un ancien atelier de tisserand, dans le quartier de la Croix-Rousse, au bas de la Rampe des Pirates. Il nous servait de lieu secret de réunion. Assis en rond, sur des caisses, nous y discutions de toutes sortes de choses et y préparions nos vacances.

Ce jour-là, nous cherchons à résoudre un problème difficile: réunir assez d'argent pour nous procurer, en commun, un appareil photographique.

Ce projet, à vrai dire, n'était pas nouveau. Que de fois, pendant les vacances, avions-nous regretté de ne pas pouvoir reporter quelques clichés que nous regarderions, ensemble, dans cette "caverne" ! Il est vrai, que depuis certaine aventure en Savoie, tout ce qui, de près ou de loin, touchait à la photographie nous effrayait un peu.

Le projet oublié était donc revenu à la surface quelques jours plus tôt, quand un grand journal de lyonnais avait annoncé un concours de chasseur d'image dans les vieux quartiers de la ville. Le premier prix en tétait un vélomoteur de luxe.
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Dans ce tableau peu animé, nul n'aurait songé à remarquer un jeune garçon aux cheveux noirs et raides, l'air fureteur, qui attendait tranquillement au pied d'un escalier roulant, tenant en laisse un chien-loup noir, aux pattes feu, et qui dévisageait les passants sans marquer la moindre impatience. Un observateur n'aurait également pas été frappé par la présence d'un grand garçon solide, coiffé d'un béret enfoncé jusqu'aux oreilles, posté, celui-là, au sommet d'un escalier roulant, à l'entrée du passage menant du centre d'échanges à la gare même. Peut-être cet observateur aurait-il seulement été surpris lorsque, à un moment, le garçon retira son béret - car il faisait chaud -, dévoilant ainsi un crâne lisse comme une boule de billard.
Une petite jeune fille de douze à treize ans était déjà passée sur le quai n° 3 : c'était de là que partait, à 17 h 32, un autorail omnibus à destination de Mâcon. Le seul trait curieux de cette fille, c'étaient ses cheveux d'un blond artificiel, qui surgissaient de dessous un fichu bariolé, style paysanne des Carpates.
Qui donc encore aurait remarqué un grand garçon aux yeux bleus, l'air calme et assuré, qui faisait les cent pas sur le quai n° 1, ainsi qu'un petit blond, qui se tenait à l'entrée de ce même quai et qui, de temps à autre, trompait son attente en tirant quelques notes d'un harmonica.
Restait encore un garçon, assez petit lui aussi, à l'air subtil, près des guichets des billets. Il avait un talkie-walkie dans lequel il prononçait de temps en temps quelques mots, et le fourrait aussitôt après sous son blouson marine. Il n'était pas le seul, d'ailleurs, et l'observateur attentif, qui aurait repéré les six personnages et le chien, aurait peut-être remarqué que quatre autres d'entre eux étaient également équipés d'un talkie-walkie, et un cinquième, le petit blond du quai, d'une mini-cassette enregistreuse.
La gare de Perrache se présentait donc sous son aspect habituel, et bien malin eût été celui qui aurait vu qu'elle était en fait investie par six espions aux aguets, surveillant tous les accès, attendant on ne sait trop quoi, et cherchant avant tout à ne pas se faire repérer...
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Qui est Kafi ?

le chat de Tidou
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Thème : Les Six Compagnons, tome 38 : Les Six compagnons dans la ville rose de Paul-Jacques BonzonCréer un quiz sur cet auteur

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