Vidéo de Paul Louis Rossi
Je pense à toi
au plus profond des îles du sommeil
comme à une clarté
dans le gris de ma détresse
La brioche..
Une brioche
coupée
en deux
sur
un plat de
faïence
bordé
de bleu
Une voix très douce…
Voix très douce dans la soirée. affaiblie. très
mélodieuse.
La voix d'un autre monde. déjà.
Souvenir du jardin. effacement.
Douleur. le matin.
la douleur intacte.
Il faut que le matin la douleur soit
intacte. limpide et dure. pierre
qui ne s'use pas.
Il le faut.
QUAND ANNA MURMURAIT
Vous ne m’avez jamais trouvée
Dans vos escales
M’avez-vous bien cherchée
Ô mes matelots
C’est comme si vous étiez
Entièrement façonnés par la mer
Quand vous débarquez n’allez donc pas
Jeter vos pierres dans une eau dormante
Alors que la tempête habite mes rivages
Aucune folie ne m’est étrangère
Croyez-vous que je ne sache pas m’engloutir
Comme vous dans les sombres flots
Coupe de porcelaine…
Une coupe
en porcelaine
de Chine
rempli
e
de pommes
et raisins u
ne
figue
fraîche
ouv
erte
Et te fixent. ..
Et te fixent des oiseaux de plomb gris comme agrafés à l'
azur par des clous brillants et pareils à
des épées des arbres argentés auréolés de cette lumière
grise éperdument immobiles
Se dressent… Ah tous les traits de l'affliction ces
mains tendues ces plaies ces larmes
Les lauriers les épines ces visages tant affligés
tant affligés… Il est dit ainsi qu'
Il ne trouvera rien de ce qu'il espérait Non ego
celari possum… voici donc
Que te chante celui dont tu fus séparé et tout divisé
lui-même te chante et si disgracié
Celui qui ne connaît pas ton chant et que nul chant ne
peut connaître
oh terre altière…
oh…
Casida de l’Amoureuse
Par le creux de l’oreille ouverte
rendez-moi sourde et que je pénètre
Dans votre bouche fermée afin de
saisir l’âcre salive de vos pensées
Rendez-moi aveugle pour que je voie
l’épaisseur de votre ombre penchée
Sur le bois de mon lit rendez-moi
muette et que la langue exaspérée
De mon désir nous conduise dans
le champ des blés coupés courts
Ah ! le goût ne peut me venir
A cet instant de vous haïr
Rendez-moi insensible et que j’éprouve
la douleur impuissante de votre regard
Saint Georges et le Dragon
Il se penche sur l’encolure du cheval, étonné de découvrir le monstre qui tourne vers lui ses beaux yeux de crapaud, batracien saugrenu à peine issu du marécage glauque et de la forêt touffue de l’origine et de la création. Comme écrasés par l’exubérance de la sylve se contemplent l’un l’autre le cavalier en son armure harnaché avec sa longue épée dans la main et la pauvre bête étonnée avec sa langue qui rampe vers lui dans les herbes et qu’il va tuer. Qui semble se demander – pauvre monstre – lui, si faible en effet, encore désarmé sans carapace et nu, si bien intégré à l’élément humide vert où toutes les essences mêlées, les plantes les fougères les mousses conspirent et demeurent liées entre elles et respirent ensemble, pourquoi il devrait, lui – pauvre crapaud – périr.
Ainsi se déroule en ces temps un curieux combat de l’homme et de la bête. C’est une bien étrange histoire en effet que celle du chevalier errant et solitaire qui cherche une bête sans écailles au fond de la forêt pour la terrasser. Il faut que l’animal soit bien terrible pour qu’il parcoure ainsi les campagnes tout harnaché, pour que la bête soit ainsi traquée, pour qu’on la poursuivre dans ses repaires afin de l’assommer, pourfendre et saigner.
LA BELLE ÉTOILE
Pour une fois encore
Je me suis laissé dériver
Dans le lacis des rues sombres
La barque a de nouveau quitté le port
Et j’ai oublié rames et boussole
Mystérieuses
Femmes ou statues
Façades de pierres ou visages de plâtre
Vous me prenez mes nuits
Vous mêlez malgré moi votre sang et le mien
Rien qui me hèle rien
Dans la solitude où j’erre
Aucune porte qui s’ouvre
Et cet envol de mouchoirs ne peut me retenir
Le courant est trop fort et le gouvernail est brisé
Laissez résignez-vous
Ne tendez pas la main au naufragé
Je vais rouler comme un caillou jusqu’à la mer
Et ne vous désolez pas sur mon sort
Il a son éternité de mémoire d’innocence et d’oubli
Dans l’austérité amère de la nuit
Les étoiles s’éteignent à force de regards
C’est entre deux flots que se termine le voyage
Les phares clignent des yeux sur la côte
Je m’illumine soudain comme une algue de phosphore
Et voici que chante…
Et voici que chante ta louange celui venu s'agenouiller
comme s'il devait mourir à tes pieds
Il chante ta louange car il revoit ces collines et l'ordre
immuable des champs au feuillage bleu
Des arbres… Que l'élan brusquement se brise j'étais venu
et je m'ébats Nec taceat monumenta
Viae Oh douleur ! quand chaque statue se reflétant dans le
ciel sans visage et le flanc déjà percé
Et démembrée quelquefois chaque statue reflète dans le
ciel imparfaite mais intacte
La dédicace ultime où chaque chose frappée dans son
éternité se trouve posée là fers
Dans les plaies démantelée mais rigide Oh paysage
saturé de
gestes nobles…
et de stigmates…