Citations de Paul Merault (15)
Brixton. Ceux qui s'y sont aventuré n'en parlent jamais. Une localité moins fréquentable encore que l'enfer. Horriblement dangereuse, même pour ses fantômes rasant les murs. Dans ce quartier populaire de l'est de Londres, le décor de la violence a la couleur de ses tuiles sombres.
Ann venait de repérer Perkins au fond de la salle. Elle s'adressa à lui en le vouvoyant, comme à chaque fois qu'ils n’étaient pas en tête à tête.
- Monsieur, avez-vous quelque chose à ajouter?
Perkins, lui, se réservait le droit de la tutoyer en toutes circonstance, eu égard à son appartenance au même corps des officiers et à son jeune âge.
Question du rédacteur : on fait comment pour tutoyer en anglais?
Ce n’était pas tant d’avoir administré la mort qui le rendait monstrueux, mais sa complaisance à profaner la partie a plus expressive et la plus personnelle du corps humain, le visage. Ann se représenta Patterson penché sur le corps de Peter James, en train d’insérer un fœtus dans son ventre……
- Qui était ce Martinez ?
- L'homme que tu as remplacé à la minute où son cœur a cessé de battre. Le chef de la Criminelle.
Il avait imaginé, des milliers de fois, ce périple. Quelqu'un semblait le fixer. Qui voudrait le suivre? Depuis quand? Un délire paranoïaque l'envahissait, jusqu'à l'insupportable.
Ann n'avait pas voulu interrompre l'échange. Une question lui brulait les
lèvres :
- ces anarchistes avaient-ils des liens avec des groupes violents dans mon pays ?
- Pas à ma connaissance
- Ok, fit Caradec. on va essayer de le loger. On va brancher nos tontons. Je te tiens au courant. Merci fabrice.
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En entrant dans la chambre, il reconnut l’homme qui avait hanté ses nuits, assis dans un fauteuil à bascule suranné. Une couverture recouvrait une grande partie de son corps. On devinait pourtant à peine sa présence sous la lumière tamisée d’un abat-jour en velours gris. La haine qui se lisait dans ses yeux témoignait de la violence de son itinéraire sanglant.
On a peut-être un psychopathe non recensé dans le quartier. Bien que la perversion n’ait pas de sexe, je n’imagine pas qu’une femme ait pu procéder à une telle mise en scène. Considérez qu’avec ce crime sordide, on a déclaré la guerre à la police. Si l’assassin s’est attaqué délibérément à un représentant de notre institution, rien ne dit qu’il ne recommencera pas.
C’est la meilleure façon d’alimenter les rumeurs. Les journalistes vont sauter dessus, à pieds joints. De victime, notre collègue va passer au statut de flic corrompu.
Un monde sans crimes l’aurait relégué au rôle de parasite social. Aussi horribles fussent-ils, il devait une fière chandelle à ces tueurs, déjà passés à l’acte ou clients potentiels. Dans ses moments de spleen, il se prenait pour un vautour à vocation de nettoyeur. Mais il savait qu’à lui seul, il ne pouvait débarrasser la société de ses déviants. Comme le rapace inquiétant, il avait l’impression de se repaître sur les carcasses des victimes, se nourrissant des dépouilles mortelles passant après que le prédateur ait rassasié sa faim.
« Il n’y a point de plus haute vengeance que l’oubli. »
Baltasar Gracian.
Chaque fois qu'un flic tombait sur le champ de bataille, le deuil frappait toute la famille policière, sans distinction de grade. "Serrez les rangs!" devenait alors le mot d'ordre général.
Ann, tu as à peine trente-cinq balais et tu parles déjà comme une vieille ! Ce monde, c'est ta génération qui le construit avec ses défauts et ses qualités. ce qui compte, c'est de ne pas en être simplement spectateur.
Dresser le profil psychologique d'un tueur, c'est avoir fait la moitié du chemin vers l'élucidation. On n'a pas besoin d'être diplômé en criminologie pour déduire d'un mode opératoire atypique, la signature d'un criminel déviant.
Un flic, c'est comme un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne. J'ai pas raison.