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Critiques de Paul Morand (207)
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Milady - Monsieur Zéro

Publiée en 1935, Milady, l’une des nouvelles les plus célèbres de Paul Morand, se résume par l’adage « À nos femmes, à nos chevaux et à ceux qui les montent ! Par Saint Georges vive la cavalerie » et se déroule à l’ombre du cadre noir de Saumur.



Monsieur Zéro, publié l’année suivante, fait écho au krach de Wall Street en 1929, et au scandale du Crédit municipal de Bayonne, origine de l’affaire Stavisky et des émeutes antiparlementaires du 6 février 1934.



Silas Cursitor incarne l’escroc financier, contraint de s’éclipser des USA, via le Canada, vers Europe. Changement d’identité, changement de lieu, achat de complicités, rien n’y fait. La justice américaine le poursuit implacablement, et le proscrit, devenu Monsieur Zéro, achève sa cavale dans une discrète principauté européenne … Un drame d’une criante actualité comme l’illustrent les escroqueries au bitcoin.



Deux nouvelles où la loi de l’argent s’impose aux destinées dans une narration superbe, pessimiste et misanthrope.



Paul Morand au sommet de sa carrière littéraire, au summum de son talent, à mon modeste avis.
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New York

Un matin de septembre 1609, le Capitaine Hudson, remonte une rivière américaine en espérant avoir trouvé la route de la soie, et découvre des indigènes habitant une ile nommée Manhattan… Les hollandais bâtissent les premières maisons d’un village nommé Nouvelle Amsterdam.



En septembre 1664, une expédition anglaise montée par le Duc d’York s’empare de la ville et la renomme New York. Paul MORAND, à défaut d’avoir été témoin des deux événements, les romance en 1929, après trois séjours aux USA, et plonge le lecteur dans la dynamique qui propulse cette ville et en fait en 250 ans, la principale ville mondiale.



Vague après vague les immigrants européens ou africains, prolongent la ville vers l’est, vers l’intérieur, et façonnent les nouveaux quartiers selon leurs codes culturels. Véritable traité d’ethnologie, ce guide est aussi un manuel d’histoire qui décrit aussi bien les populations qui ont bâti cette ville que leurs histoires complexes et divergentes que le melting pot américain finit par intégrer pour son grand profit.



« Les Juifs possèdent New York, les Irlandais l'administrent et les Nègres en jouissent.", le mot célèbre de l’auteur peut choquer le lecteur qui oublierait que c’est à cette époque d’entre guerres qu’Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor ont hissé la négritude à son sommet littéraire et politique et que le substantif nègre n’avait nullement le sens péjoratif et raciste qu’il véhicule un siècle plus tard.



Cet ouvrage conserve tout son intérêt car l’auteur connaissait le tout New York qui le recevait fort civilement et a perçu la dynamique qui allait faire des Etats Unis la principale puissance mondiale et de New York un pôle d’attraction de nombreux talents. S’y attache, en ce qui nous concerne, l’intérêt et l'émotion d’avoir un exemplaire que mon grand père puis mon père ont annoté et complété de 1930 à la destruction des Twin Towers.
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La fleur double

Malgré une évidente volonté de Paul Morand de traiter avec soin et délicatesse le sujet de cette nouvelle, d'être le moins possible dans l'emphase et de gommer toute tendance racoleuse, j'ai cependant trouvé à La Fleur Double un petit côté artificiel, de cas limite, de cas théorique, de cas d'école et vraiment pas d'expérience de vie comme elle pourrait tenter de nous y faire croire.



J'ai ressenti un peu le même sentiment qu'à la lecture de Lettre D'Une Inconnue de Stefan Zweig, où tout en nous aurait envie d'y croire, où tout semble fait pour, mais où un verrou intérieur se ferme de lui-même, sans qu'on l'ait actionné, si bien qu'une petite voix située en profondeur nous chante dans l'oreille : « C'est du flan ton truc. »



Ici, le sujet traité est difficile et casse-gueule parmi tous, puisqu'il s'agit d'hermaphrodisme progressif humain (j'ai sait que plus récemment le roman Middlesex de Jeffrey Eugenides aborde également ce thème mais ne l'ai pas encore lu). Eh oui, tout de suite, instinctivement, vous soupçonnez que la pente est très savonneuse et qu'il va falloir jouer serré pour ne pas sombrer soit dans le pathos bon marché, soit, ce qui serait pire encore, dans les bas instincts de la presse à scandale.



Il faut avouer que Paul Morand se sort assez bien de ce numéro d'équilibriste sans être pour autant extraordinairement convaincant. Indubitablement, il élève le sujet au niveau de la littérature au sens le plus noble du terme ; ce qui est déjà beaucoup.



L'écriture de Paul Morand est très travaillée, très érudite mais, de mon point de vue, ce qu'elle gagne en sophistication, elle le perd en naturel et en fluidité. C'est un style, après, on aime ou on n'aime pas : c'est à chacun de se faire sa propre opinion là-dessus.



L'histoire maintenant... Aïe ! je vous en ai presque déjà trop dit en évoquant le sujet de la nouvelle ! Ceci peut toutefois vous donner à comprendre le titre. Je n'en dirai donc pas beaucoup plus, de peur de déflorer par trop cette fleur double au point de la rendre simple. J'ajouterai simplement qu'il y est question d'un officier français en poste à Raguse (l'actuelle Dubrovnik en Croatie) au sortir de la Première guerre mondiale. le reste, ce sera à vous de le découvrir par vous-même...



En somme, une nouvelle pas désagréable mais pas exceptionnelle à mon goût. Nonobstant, souvenez-vous que ceci n'est qu'un avis aux pétales pâles qu'on effeuille en disant : un peu, beaucoup, à la folie, pas grand-chose...
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L'allure de Chanel

Paul Morand nous raconte Coco Chanel et son destin hors du commun. L'auteur a le don de conter au détour du quotidien des détails subtils qui disent les êtres et réveillent leurs failles.



Calqué sur des souvenir et anecdotes de ses conversations avec la modiste la plus connue du monde, l'auteur en tire une oeuvre sensible et honnête.

On connaît dans les grandes lignes la réputation de Coco Chanel, on découvre en profondeur une personnalité difficile, irascible, tyrannique, extrêmement fermée et orgueilleuse.



La petite provinciale a puisé dans son enfance malheureuse la rage de vaincre, le besoin exacerbé de prendre sa revanche sur la société.

Acharnée du travail, visionnaire, brillante, courageuse, odieuse, adulée par son génie révolutionnaire mais contestée par sa conduite et ses prises de position, elle a déçu comme elle a fait rêver.

La prose de Paul Morand prend parfois des courbes sinueuses, des points droits et pas mal de zigzags.



Seul bémol : quelques axiomes de trop, qui cassent le rythme et caricaturent un peu trop le personnage.





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Paris-Tombouctou

Indiqué par Mabanckou dans son discours inaugural au Collège de France, le livre de Paul Morand, Paris-Tombouctou, est un ravissement : intelligent, cultivé, il rapproche sans cesse les civilisations : « Les chefs indigènes, dont un descendant de Samory, viennent nous voir, drapés, la tête enveloppée de linges bleus, assez semblables à des Flamands du XV siècle. »

Sûrement, dit-il, ce sont les Dieppois qui ont découvert la Guinée avant les Portugais, et Morand les imagine, rapportant du poivre en 1364, en costumes de Van Eyck, avec de petits sacs de poivre.



Ce voyage l’aide à se remémorer les pages des premiers explorateurs, dont Mungo Park, s’extasiant devant le Niger en 1796 : « ce fleuve scintillant aussi large que la Tamise à Westminster ! », celles, outrées, de Ibn Battuta,(1350) parlant de la légèreté des femmes sans que leurs maris s’en offusquent , et Morand conclut( en 1928 ) : « c’est que Tombouctou, s’il est l’islam, n’est pas l’Islam pur » puis: « c’est la fin du monde nègre, de la beauté des corps, des gras pâturages, de la joie de vivre, du bruit, des rires : ici commence l’Islam avec son intolérance, sa silencieuse sérénité, sa décrépitude »( Je pense à Timbouctou, malheureusement).



Il retrouve, à Tombouctou, la maison de René Caillé , déguisé en Egyptien pour entrer dans la cité interdite , s’adressant , après le refus des autorités françaises, à la colonie anglaise de Sierra Leone, pour , enfin, « offrir Tombouctou à la France » !

Le don doit être réciproque, nous dit-il, ceux qui reçoivent sans rien donner n’ont pas compris que les africains commencent à offrir des cadeaux, et que, ni ici, ni ailleurs, on peut se contenter de tout prendre sans rien donner.

Règle de base et humour «j’allais donner à un chef de village un couteau de trois francs. J’apprends qu’il a une Rolls».

Emaillé de récits drolatiques, ce livre, comme l’histoire de cet homme tellement ivre de haschisch, qu’on l’a cru mort, on le lave avec de l’eau bouillante, il se réveille, et le laveur tombe et expire, d’émotion.

« Un contemporain d’Ulysse ne serait nullement choqué par les rites funéraires nègres. »

Morand a voyagé depuis Dakar, Bamako, Ségou, Djenné, puis Bandiagara, jusqu’à Tombouctou, où il rencontre son ami dont il admire l’intelligence et la connaissance Albert Londres (qui raconte dans Terre d’ébène, le vol de ses cantines et de son pinard par le couple Morand, Fait mis en doute par le biographe de Morand, Pierre Assouline) .



Ravissement non seulement par les rapprochements constants entre civilisations, ainsi que l’avait tenté Livingstone, sans occulter l’anthropophagie et les rites barbares, le langage secret des sorciers, insistant sur la gaité des Noirs, leur exubérance, leurs danses au son du tam-tam, le bonheur en un mot, et la beauté des corps d’athlète, des seins des femmes, leur pudeur pourtant, même si elles sont nues.

Ravissement enfin par les références à Picasso, pour qui il achète un masque nègre, en vue de l’étonner, puisque l’art nègre a pris possession de Paris.



Patatras, la fin de Paris-Tombouctou se transforme subitement en un ramassis de lieux communs : les Noirs, d’accord, mais les métis, pas question, ils affaiblissent la race pure. Et, dit-il, ceux qui citent Pouchkine et Dumas comme contre-exemples citent toujours seulement ces deux-là. Et il serait vraiment dangereux, même si, pour obéir au député Diagne, beaucoup de Sénégalais sont partis combattre les Allemands, que les Noirs d’Afrique viennent s’installer à Paris et à New York , et prétendent se marier avec des Blanches.



Patatras, ce ramassis, horriblement décevant après le ravissement et le propos étincelant et cultivé de Paul Morand . J’ai honte d’avoir aimé.



LC Thématique septembre : état des lieux

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L'homme pressé

Ce livre, je l’ai acheté il y a vingt ans.

Bien trop pressé par la vie, je n’ai jamais pris le temps de le lire.

Je le savais présent dans ma bibliothèque et je pensais en connaitre le dénouement tragique par le film du même nom incarnés par Alain Delon dans le rôle de Pierre et de Mireille Darc dans celui d’Hedwige en 1977.



Superstitieux autant qu’imbécile, je le gardais précieusement comme une amulette de papier qui m’éviterait peut-être la déchéance fatale du héros me conduisant fréquemment comme un dératé dans ma vie professionnelle tout en restant, au contraire de Pierre, beaucoup plus civilisé dans ma vie personnelle.



La course effrénée de ma vie ayant atteint son apogée sans encombre et puisque la retraite a sonné au clocher du déclin j’ai donc pu rencontrer ce roman que la peur m’empêchait de braver, trop anxieux d’en percevoir l’issue que je redoutais.



Paul Morand, Académicien français, diplomate a un parcours analogue à Pierre Benoit que j’affectionne particulièrement. Ecrit dans les années 40, les phrases sont alertes autant que solennelles et pompeuses parfois, allant de la punch-line aux diatribes antisémite et misogyne.



« Il est encore plus doux de caresser des projets que de caresser une femme. »



Pierre, antiquaire spécialiste de la haute époque est un homme épuisant que la passion dévore. Exaspérant pour son entourage, il ne reste pas en place, achète, vend, court plus qu’il ne marche, séduit sans aimer, jusqu’au jour où il tombe éperdument amoureux d’Hedwige.



Mais Pierre massacre inutilement tout, les choses, les gens, l’amour…

Cet homme n’accepte pas l’idée qu’une grossesse puisse durer 9 mois ! Que dire de plus édifiant.



« Je n’existe pas, je préexiste ; je suis un homme antidaté ; non, je ne suis pas un homme, je suis un moment ! »



Ce roman m’a plu comme un exorcisme. Bien sûr, je n’ai jamais vécu cette folle épopée, mais je m’étais bêtement identifié à Delon (pas physiquement, restons simple !) dans le film.

C’est fini Pierre est mort, je l’ai tué. J’ai été plus rapide que lui.



« On ne va vite qu’au ras du sol. Dès que je prends du recul pour regarder ma vieille planète, elle me parait morte. La vitesse c’est un mot inventé par le ver de terre. »



Alors je rampe !

Et maintenant que vais-je faire de tout ce temps que sera ma vie ? Hihihi.



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Fouquet ou Le Soleil offusqué

Le titre du livre, bien trouvé, me l'a fait acquérir sans hésiter.

Les cinq étoiles enthousiastes me paraissent méritées pour cet ouvrage passionnant et passionné.

C'est mené tambour battant et sans gras inutile: Impressionnant, pour un livre traitant d'histoire. Moderne, en tout cas. Précis et implacable, aussi.

Pourtant, le livre ne lève pas ce mystère étonnant d'un Fouquet naïf et confiant lorsque les trahisons et sa perte se précisent désagréablement.

Peut-être n'est il point hasardeux de penser que l'incroyable fête à Vaux-le Viconte fut le final proposé par Fouquet lui-même comme un adieu?

L'histoire est aussi moderne, en ce sens que les Fouquet ne manqueront jamais de revenir briller plus ou moins brièvement comme des étoiles filantes.

Pauvre Fouquet, ne puis-je m'empêcher de penser. Quel gâchis que d'avoir embastillé cet homme aux capacités hors du commun! Fallait-il que Louis le quatorzième soit faible pour s'acharner ainsi! Pauvre roi-soleil qui ne fera rien qu'à copier et "faire du Fouquet" avec Versailles. Louis avait-il tellement peur de ne pas rester le vrai roi, détenteur du pouvoir absolu et de droit divin?

Pauvre Fouquet, dont la loyauté ne l'aura pas sauvé... Trahis par les pique-assiettes et arrivistes qui grenouillent autour de ce Soleil offusqué!

Cette grande figure, abattue au chamboule-tout du siècle, Paul Morand la détaille finement, la suit fidèlement dans sa descente aux enfers des prisons... Comme il nous rend compréhensible l'interminable (trois ans!) procès de Fouquet, tellement entaché de faux et d'irrégularités.

Sic transit et gloria mundi, énoncent les pages roses du dictionnaire. Maxime qui me semble coller au personnage de Fouquet. Fouquet ou la tragédie consommée dans la comédie du siècle.
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L'allure de Chanel

Paul Morand écrivain, diplomate..en qualité d'ami intime, nous livre ici de sa belle plume, une vision très précise de Gabrielle Chanel comme des instantanés Polaroïd...D'un ton dynamique et enlevé, ce témoinage truffé d'anecdotes, de souvenirs saupoudré d'humour, Paul Morand nous dépeint une femme de caractère, déterminée, intelligente, à l'esprit vif, pleine de bon sens,.. elle sera perçue comme fière, orgueilleuse et dure en affaires...

L 'histoire incroyable de cette petite orpheline auvergnate "montée à Paris" pour conquérir sa liberté...elle aime par dessus tout le travail moins la couture et sa liberté chérie comme Colette ...

Dans un premier temps, grâce à son amant Bob Capel, celui-ci financera son installation "à la capitale": elle fabriquera des chapeaux, elle en récoltera un succès d'estime....elle connaîtra des deuils tragiques, qui façonneront ainsi sa destinée, s'affranchissant très vite de la morale, de la gente masculine et ainsi que nombreuses contraintes, pas de mariage. Elle aime les paravents, la décoration, les fleurs, la couleur blanche... Elle se révèle brillante créative, elle va se lancer alors dans la création de vêtements, elle s'intéressera à la parfumerie...L'inimitable numéro 5..

C'est la création d'accessoires qui fera toute la différence avec ses contemporains, ainsi que les mises en scène de ses défilés aux robes numérotées qui rencontreront alors le plus grand succès.



Gabriel Chanel va côtoyer le milieu artistique et littéraire, son cercle d'amis compte parmi les plus prestigieux peintres, musiciens et danseurs de l'époque : Stravinsky, Satie, Cocteau, Diaghilev , Picasso....tout en paradoxe elle chérit par-dessus tout la solitude, n'apprécie guère les mondanités professionnelles,...une femme à l'avant-garde, visionnaire...elle va créer un style épuré mais pas ostentatoire, ..une signature inimitable, une élégance naturelle.. elle deviendra Coco Chanel.



Eblouissant portrait de cette femme d'exception, agréable et captivante lecture.
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1900

Pourquoi toujours se complaire dans de vieilles lectures puisque aujourd'hui l'on semble si bien installé à l'ombre d'un code barre ?

"1900" est un livre de Paul Morand.

Il a été écrit en 1930 et réédité, revu, augmenté et précédé d'une nouvelle préface en 1942.

Lorsqu'il s'avère qu'elle laisse échapper quelques relents de soufre, la personnalité d'un auteur engage-t-elle forcément la valeur de son livre ?

Si j'osais, je me poserais bien parfois une question ou deux.

Mais que Dieu me savonne, et qu'Octave Mirbeau me pardonne, l'homme de droite, lorsqu'il possède une belle plume, a parfois des choses à dire, ou à écrire ...

"1900" n'est pas un livre d'Histoire.

C'est le témoignage vif et vivant d'un siècle qui finit, et d'un autre qui commence.

On a dit que le XIXème siècle finissait en 1914.

Paul Morand n'est pas de cet avis et c'est le propos de son ouvrage.

Il s'agit de comprendre l'époque, d'en saisir la complexité.

Pour lui, "1900" voudrait passer pour dangereux.

Alors qu'il enrage d'être bourgeois" !

Au nom de l'ordre public, en 1871, la bourgeoisie a asséné au prolétariat un coup qui lui a assuré pour longtemps la sécurité.

Pourtant les "gauches" entreprennent la lutte contre "le sabre et le goupillon", et les nationalistes demandent la suppression du Parlement.

"1900", c'est la patrie en danger, la république en péril, mais c'est aussi l'exposition universelle avec ses 50 entrées et sa porte monumentale ...

C'est les premières courses automobiles, l'arrivée de l'électricité et du téléphone ...

C'est le duel aussi, événement parisien nullement secret dont le "Gil Blas", sous le titre "Échanges de gifles", donne, dès le lendemain, un compte-rendu succin mais circonstancié !

C'est la littérature, la musique, et n'en serait-il pour preuve que "La Petite Illustration", le Théâtre ...

Les descriptions s'enchaînent sans jamais amener l'ennui.

Le ton est vif.

Le propos est vrai, authentique mais n'a ni tact, ni timidité.

Il se replace dans une chaude actualité où se déchaînent encore toutes les passions.

Et il plane au dessus de lui comme une aigreur indéfinissable, comme le regret que ce début de siècle ait finalement amené la guerre.

Je suis entré avec méfiance dans ce livre.

J'en suis sorti avec le regret que déjà il soit fini ...
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L'homme pressé

Pierre est un homme pressé, il veut être arrivé avant même d'être parti. Il ne marche pas, il court, lancé à telle allure sur les routes qu'il frôle en permanence l'accident mortel. Antiquaire, il vole à travers le monde pour acheter un objet qui l'intéresse. Jusqu'au jour où il rencontre Hedwidge qui lambine, paressant des jours entiers entre sa mère alitée et ses deux soeurs...



De l'excès de vitesse ou de la lenteur, qui aura le dernier mot ? Resistera t-il à l'attente nécessaire au murissement de l'amour, à la gestation de l'enfant ? Prendra t-il le temps de ralentir pour préserver sa santé ? S'occuper des siens ?

Leçon de vie, leçon de sagesse : la hâte tue, elle empêche de profiter de la vie, elle use l'organisme, elle détraque la nature.

Ce roman écrit en 1941 est très actuel. La vitesse, maladie de notre temps, sème la mort sur son passage : agitation permanente, accidents, crises cardiaques, destruction des rythmes naturels...Comme Pierre ne courrons-nous pas vers notre propre destruction à force de vouloir produire toujours plus, toujours plus vite, pour consommer toujours plus (et toujours plus mal), jetant des tonnes de déchets pour retourner nous précipiter dans nos fast-food et nos supermarchés ?
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L'Europe galante

"La première chose qui tombe à la mer, au cours d'une longue traversée, c'est le temps." (Echo, répondez !)



Prenez le temps de lire ce recueil, voyagez durant quatorze nouvelles avec cet homme du monde, dans tous les sens du terme.

Des nouvelles signées Paul Morand. J'aime Morand et j'aime les nouvelles et j'ai été une fois encore surprise par cet auteur. Sa plume est magnifique, voluptueuse, somptueuse, raffinée, comme à son habitude. Et pourtant, il a encore trouvé le moyen de m'étonner en mettant l'accent sur cette Europe galante de l'entre-deux-guerres qu'il croque sans tabou ni complexe, en libertin (homosexualité, échangisme…) en passant par Moscou, Paris, Londres ou Lisbonne. Ah Lisbonne, j'aime tellement cette ville et la redécouvrir en suivant les pas de Tarquino Gonçalves fût un réel plaisir, tout autant que la chute de cette nouvelle (Lorenzaccio ou le retour du proscrit). Ma préférée est peut-être Eloge de la marquise de Beausemblant pour les dialogues piquants ("Les passions sont belles autant qu'elles restent maudites et inavouables." ou encore "C'était une jeune fille d'aujourd'hui, c'est-à-dire à peu près un jeune homme d'hier") et ce retour de l'histoire avec cette perte de liberté en croyant l'être pour certaines. Morand, explique, écrit avec une telle subtilité -et balance même du lourd- qu'on ne peut qu'être charmé par cette maîtrise. Il dit sans dire, et c'est ça : la concision de la nouvelle, la forme qu'il maîtrise et qu'il aime.



"Chaque pays comme chaque journée, est un cadeau ; il faut les prendre comme on les offre." (Je brûle Moscou)
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Le Prisonnier de Cintra

Un recueil de nouvelles où l'on retrouve la plume de Paul Morand dans toute sa finesse, ses envolées et ses railleries. J'ai beaucoup apprécié les cinq nouvelles, notamment le Prisonnier de Cintra pour la beauté des décors et le fait qu'il évoque l'enfance. Mais plus que tout, A la fleur d'oranger car elle donne la parole à une femme qui ne vit qu'avec des livres, qu'avec les héros de ses romans préférés jusqu'à leur donner consistance. Il revisite aussi les contes avec Un chat nommé Gaston (une pique pour le fisc au passage) et se rit des gens veules, mielleux qui aiment vivre dans l'ombre des puissants à n'importe quel prix avec le Coucou et le Roitelet « son faible, c'était de servir un roi ; son fort, ce sera d'en servir deux. »

Une ballade très agréable dans le temps, dans l'espace et dans l'imaginaire. Et des envies de lectures encore renouvelées grâce à Mlle de Briséchalas.
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L'homme pressé

L’homme pressé, un symbole de notre époque ? Il n’y faut pas penser. Écrit pendant la guerre, entre 1940 et 1941, ce roman évoque le Blitzkrieg, fait le portrait d’un juif aux manières enveloppantes et au nez reconnaissable, et imagine un gynécée créole forcément languide. Pour autant, Paul Morand lorgne du côté du grand siècle. Il se veut moraliste et prétend concurrencer La Bruyère ou Molière. Son personnage est un type immuable, confronté à toutes les situations susceptibles de faire ressortir son vice. Il achète une maison en 2 heures, fait le plein de sa voiture tout en roulant (!), et propose à sa femme enceinte d’écourter sa grossesse. Pourquoi est-il ainsi? On ne sait. Quelques siècles plus tôt, il aurait fait crever ses chevaux sous lui: l’époque importe peu. Et c’est sans doute ce qui fait le charme de cette œuvre anodine: d’avoir voulu graver dans le marbre un homme qui jamais ne s’arrête, et de pasticher les auteurs classiques pour imaginer ce qui deviendra la plus contemporaine des addictions: la passion de l’urgence.

Et bien sûr, c’est plus ou moins là que le héros finira (aux urgences).

Tandis que Morand évitera la dépression en devenant immortel.

L’Académie, bonne fille, reconnaît ses classiques, quoique antisémites.
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Le Prisonnier de Cintra

Quel plaisir d‘ouvrir un recueil de nouvelles de Morand ! Dans celui-ci cinq nouvelles pour retrouver sa plume au classicisme parfois flamboyant, parfois un peu désuet.

« le prisonnier de Cintra » : les deniers membres d'une illustre famille portugaise, prisonnière de ses terres de Cintra végètent dans un décor immuable, mais le dernier descendant songe à s'évader...

« A la fleur d'oranger » : Mademoiselle Briséchalas, vieille fille bibliophage ne pense qu'à lire et, au lieu de marier les clients de son agence matrimoniale, unit dans ses rêves les héros de ses livres (dont Poil de Carotte ou Harpagon !). Une pépite, pleine de références littéraires et d'humour.

« Histoire de Caïd, cheval marocain » : un sujet qui a priori n'avait pas grand-chose pour me plaire mais où l'auteur se montre un excellent conteur

« le coucou et le roitelet » : peinture pleine de dérision d'un snob, qui malgré sa jalousie est fier que son épouse le trompe avec Joseph Bonaparte, roi d'Espagne.

« Un chat nommé Gaston » : l'histoire du « Chat Botté » revisitée façon satire avec un coup de griffe au fisc

En prime, en préface l'auteur explique son goût pour la nouvelle. Et il faut bien dire qu'il en est un grand maître.
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Venises

Eblouissante lecture !

Un livre proprement extraordinaire sur Venise à travers la vision de Paul Morand, une vison appuyée sur une quantité de voyages vénitiens infinie...On croise à la fois Proust, Chateaubriand, les hippies...Le style est éblouissant. C'est le genre de livre qui rend un peu poussive la lecture suivante, car il est bien difficile de passer après l'intelligence et la beauté du style de Morand. On pourrait souligner des dizaines de phrases.

Bien sur on m'objectera que Paul Morand était un odieux réactionnaire, dont on a découvert l'ignominie parfois dans certains passages de son journal publié de manière posthume, qu'il est très peu Peace and love...Je n'aurai rien à dire car cela est très vrai. N'empêche, comme écrivain, quel incroyable talent !

Pour un amateur, ou un amoureux de Venise, je ne sais pas si beaucoup de livres peuvent rivaliser avec celui-ci...
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Ouvert la nuit

« Je suis venu te raconter quelques nuits avec des dames.

- Des nuits d'amour ? demandai-je.

Avec colère, Pierre se mit à rire. »



Paru en 1922, ce recueil de nouvelles bénéficie de deux préfaces de l'auteur. La première fut écrite en 1921 et est présentée sous forme d'un dialogue entre l'auteur et Pierre, le narrateur des « quelques nuits avec des dames » qui constituent le recueil. La seconde préface de Morand est écrite en 1957 et ne ressemble en rien à la première. On entre dans le dur puisqu'il reprend en quelques mots son histoire personnelle « aujourd'hui des gens qui me veulent du bien me disent : ''c'est le moment de se taire'' », mais surtout il défend le genre littéraire que constitue la nouvelle : « on peut tout mettre dans une nouvelle, même le désespoir le plus profond (...) mais pas la philosophie du désespoir » parce qu'il « n'y a pas de quoi se nourrir dans la nouvelle, c'est un os. »  Elle « opère à chaud, le roman, à froid. »



Il estime que la nouvelle est un « bouillon concentré, d'une saveur incomparable, cet art de dessein formé qui sait où il va et, sans se ménager jamais, mène le lecteur battant. » J'étais ravie de lire ses pensées car il mettait des mots sur une partie de mon ressenti lors de la lecture de nouvelles, une forme que j'affectionne tout particulièrement.



Ce recueil, publié alors que Paul Morand à 34 ans (suivi de « Fermé la nuit » paru un an plus tard), est composé de huit ''nuits'' (catalane, turque, écossaise, romaine, des Six-Jours, hongroise, dalmate et nordique) qui utilisent le prétexte de huit rencontres féminines pour parler de l'Europe du début du 20ème siècle, de ses mœurs et du monde cosmopolite (par choix ou par obligation). Toutes les chutes sont intéressantes, certaines drôles (« Je la pris dans mes bras. Elle y demeura tout le reste de la nuit, c'est-à-dire dix minutes à peine, car le soleil, après une rapide ablution s'empressait déjà » -je laisse deviner la nouvelle afférente-) mais d'autres sont terribles, dures ou émouvantes, voire cinglantes. Je parle des chutes car c'est souvent le meilleur dans la nouvelle, mais tous ces adjectifs peuvent s'appliquer aux corps des huit textes qui nous font traverser l'Europe, après la première guerre mondiale, après la révolution de 17, croisant ainsi des personnages haut en couleur : une camarade espagnole luttant pour la cause, des regroupements de nobles russes devenus serveurs dans un hôtel turc ou encore des cyclistes courant six jours durant ...et bien d'autres encore dont je ne parlerai pas afin de laisser la surprise. La plume est riche, j'aime lire cet auteur (même s'il m'arrive de trier -parfois-) reconnu dans l'art de la nouvelle, et pour qui La Femme abandonnée, La Fille aux yeux d'or ou La Fanfarlo sont des « modèles parfaits » de longues nouvelles. Encore de belles lectures à découvrir !
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Lewis et Irène

Lewis fait des affaires comme il séduit les femmes, par jeu, par désœuvrement, pour le plaisir de gagner, d’accumuler…Tout lui sourit mais sa vie n’a aucun sens, si ce n’est celui d’échapper à tout engagement, toute responsabilité. Il se retrouve à la tête de la banque Franco-africaine et ses filiales…

Ayant acheté un terrain à exploiter en Sicile, pendant l’enterrement d’un vieil actionnaire dont il a contribué à hâter la fin, il se rend sur place. Et va y croiser une jeune femme grecque, Irène. Et découvrir qu’elle aussi est dans les affaires.

Ayant refusé de lui céder le terrain, il va bientôt se rendre à l’évidence. Non seulement cette femme l’obsède au point que sa vie s’est métamorphosée depuis qu’il l’a croisée, mais elle est également une redoutable banquière et règne en maître dans ces contrées du sud. Il renonce à la Sicile et l’épouse.



Après avoir décidé d’un commun accord de se consacrer l’un à l’autre et de vivre sur une île grecque sous le soleil accablant de la Méditerranée, c’est le retour à Paris. Et la passion des affaires va les reprendre, la vie parisienne les séparer…

Et si leur mariage se brise, l’union financière de leurs deux établissements, la Franco-africaine et la banque Apostolatos va être célébrée.

D’une plume concise et précise, avec un regard mi ironique mi désabusé sur le monde de la finance, Paul Morand nous offre un magnifique roman, très moderne.

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L'Europe galante

A travers ces 14 nouvelles de Paul Morand, nous voyageons dans l'Europe des années 20, de la France à la Russie, fraichement devenue l'Union soviétique où la figure de Lénine est omniprésente et les amours dans les appartements collectifs très compliqués en passant par l'Allemagne, pays vaincu, où s'ennuie Francine, jeune femme désoeuvrée entre mari et amant. A Lisbonne on assiste au retour de Tarquinio Gonçalves après 40 ans d'exil, à Paris on croise une Hollandaise négociante en tulipes à la recherche de l'amour à la française ; un étudiant en philosophie moldave se retrouve bien malgré lui chauffeur d'un couple libertin...



Un certaine gravité habite ces textes derrière l'apparente légèreté des thèmes, le flirt, l'homosexualité féminine, l'espionne paresseuse, la magie noire au Musée Rogatkine, les amours multiples, le plaisir dans le crime, les enfants au pouvoir, critique à l'ironie mordante du régime communiste, le tout porté par une langue magnifique, élégante, au léger parfum de décadence qui accompagne ces récits d'un monde qui se déchire. Et qui n'est pas sans certaines résonnances avec notre époque.

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Le Prisonnier de Cintra

Familiers de la flamboyance des nouvelles de Paul Morand, ne vous laissez pas abuser par la première de ce recueil qui est somme toute un peu poussive.

Pourquoi en avoir choisi le titre pour en faire le fronton de ce livre ? Je m'interroge encore, car il eut été plus intelligent de rendre justice à la seconde nouvelle "A la fleur d'oranger" qui est un bijou de bons mots, d'ironie et de fine psychologie.

La troisième "Histoire de caïd, cheval marocain" rappelle au lecteur qui n'aurait pas lu "Milady" combien le monde du cheval n'a plus de secret pour l'auteur.

Pour la quatrième "le coucou et le roitelet" Paul Morand dresse le tableau de l’orgueil d'un homme à la cour d'Espagne de Joseph Bonaparte entre dérision et indulgence.

La dernière revisite le conte de Charles Perrault, Le Chat Botté, avec le coup de griffe nécessaire qui fait tout le talent de Paul Morand.

Voilà encore un bon moment passé en compagnie d'un des plus brillants académiciens du XXème siècle, César de la nouvelle.
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Fouquet ou Le Soleil offusqué

Paul Morand (1888-1976) qui s'est introduit dans les lettres par la poésie, est un écrivain diplomate réputé pour ses nouvelles. Il peut être intéressant de rencontrer un auteur là où on l'attend le moins. Cet essai historique écrit en 1961 et heureusement réédité par Gallimard dans la collection Folio/histoire en fournit l'occasion. "Fouquet ou le Soleil offusqué" est une plongée dans les eaux troubles du Grand Siècle. La narration très rythmée rassemble ici, pour le meilleur, histoire et littérature. La vie de Nicolas Fouquet (1618-1680) marquis de Belle-Isle et vice-roi d'Amérique est connue bien sûr et ne sera pas forcément une découverte pour nombre de lecteurs, mais la qualité d'un livre se révèle aussi par son style et là, comment ne pas être conquis par celui de Paul Morand ? Un moment d'histoire et un vrai bonheur de lecture.



Le portrait de Fouquet le dispendieux "ce roi de la finance galante" (p.47) est dressé avec brio dès les premières pages après une incursion dans sa généalogie familiale, adossé à celui de Mazarin son "génie du mal" (chapitre 3) dont il est inséparable ayant fait sa fortune, et de celui de Colbert, le commis besogneux, avaricieux, auquel il s'oppose en tout point. La figure emblématique du roi se profile en majesté au-dessus des trois. La vivacité de ton, l'esprit, les formules lapidaires, la férocité, s'agrègent aux témoignages ou aux mémoires des petits et des grands contemporains, à d'autres écrits ou citations d'auteurs, et non des moindres, Madame de Sévigné, Brienne, Madame de Lafayette, Voltaire, Goethe, Dumas, Sainte-Beuve, Paul Valery etc., qui loin de brouiller les cartes ou d'assécher le propos ne font que l'agrémenter ou le pimenter. C'est réjouissant.



"Fouquet est un personnage de Stendhal" et "Colbert est un héros De Balzac" (p.65).



Incroyable Fouquet, adoubé par Richelieu et très tôt parlementaire, puis mis au service de Mazarin, son ascension est fulgurante. C'est que l'écureuil bondissant - c'est l'emblème de son blason - est devenu encore plus leste pendant la Fronde, "alchimiste de la monnaie fiduciaire", il est nommé surintendant des finances en 1653. Dès lors, il prête, pensionne, signe, assigne et réassigne. Une signature qui vaut de l'or auprès des banquiers privés. Le seul tort de Fouquet, s'amuse Paul Morand, ne cachant pas ses sympathies, est d'avoir confondu les finances publiques avec les siennes... "Le grand livre de la dette publique" (chapitre 5) est à lui seul ébouriffant. Mais l'homme est aussi un lettré et un mécène qui lance son style à Vaux, cela fera sa renommée. Trente mille volumes ornent sa bibliothèque, il fréquente Mademoiselle de Scudery et Madame de Plessis Bélière ; fraye avec "l'intelligentsia" : Corneille, Scarron, Molière et La Fontaine, Lebrun, le Nôtre etc.



Coeur battant du livre, la fête du 17 août 1661 à Vaux, offerte à Louis XIV où Molière donne "Les Fâcheux" ; la fête qui a marqué les contemporains et dont l'écho nous parvient encore est rejouée là dans tous ses fastes (chapitre 12). Elle prend, sous la plume de Morand, l'allure d'une apothéose extravagante suscitant des images plus sûrement étonnantes et vivantes que la piètre figuration dansée et filmée offerte au visiteur d'aujourd'hui qui la découvre sur écran dans la salle à manger du château. Revanche de l'écriture sur une bien morne et plate projection.



Car cette féerie estivale qui précède de peu l'arrestation de Nicolas Fouquet (5 septembre 1661), sans être à l'origine de sa disgrâce, comme il est parfois suggéré, n'en constitue pas moins une étape décisive dans la chute du surintendant. De Fontainebleau ce jour là Louis XIV en personne et sa cour sont venus admirer, en toute proximité, ce que sa jeune et toute puissance royale va bientôt lui permettre d'accaparer. Le sort de Nicolas Fouquet s'était scellé quatre mois auparavant, à la mort du cardinal de Mazarin, lorsque Louis XIV avait décidé de prendre les rênes de son destin. La duchesse de Chevreuse et la reine-mère, Anne d'Autriche, n'étant pas étrangères, en première instance, au complot minutieusement ourdi par Colbert, l'ancien commis du cardinal, et le roi, pour éliminer l'encombrant ministre. L'auteur dévoile un à un les dessous de ce guet-apens historique si précisément ourdi en vue de l'arrestation de Fouquet et documente avec un soin d'archiviste les détails d'un procès encore plus soigneusement réglé.



Restent les questions. Pourquoi Fouquet n'a-t-il rien fait pour échapper à ce traquenard ? Désinvolte ? Trop confiant en sa bonne étoile ? Loyauté envers le roi ? Il a pourtant "senti" Colbert ("Du génie dans l'ordre et de l'ordre dans la méchanceté" p.62). Il aurait eu les moyens de le neutraliser. Rien. Il a aussi lâché sa charge de parlementaire qui aurait pu lui assurer l'immunité devant la Chambre de justice chargée de le juger. Malgré les avertissements de ses amis Fouquet se laisse cueillir à Nantes par D'Artagnan où le roi l'a devancé. Le mousquetaire lui offre même un bouillon avant son transfert en carrosse pour Angers... (dernière amabilité du roi). Le reste est connu : six prisons puis la relégation définitive à Pignerol.



L'organisation et le déroulement du procès qui va durer près de trois ans font apparaître les figures indissociables de cette affaire (Mazarin et Colbert) et révèlent le caractère de Louis XIV. La charge contre Colbert et Mazarin a beau être virulente, l'essai n'est pas un plaidoyer en faveur de Nicolas Fouquet, qui n'en a nul besoin d'ailleurs. C'est plutôt la détestation de l'arbitraire et de l'impitoyable absolutisme royal qui auraient animé Paul Morand. Ayant très vite assuré sa défense par lui-même - c'était un bon juriste - Fouquet réussit, rebondissant avec une énergie surprenante, pendant trois années de procédures douteuses et frauduleuses orchestrées contre lui, à retourner l'opinion en sa faveur et à fragiliser l'ensemble de l'accusation. Il n'échappe pas pour autant à son destin tragique que le lecteur peut s'empresser d'aller découvrir sur mes très vives recommandations.



Passionnant.



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