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Critiques de Paul Reboux (18)
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Le phare

Autant le dire tout de suite, ce livre est fameux.

Il est de ceux qui couronnent une année de lecture.

Il m'a été conseillé par le bouquiniste d'Auray dont je vous conseille, à mon tour, "le livre penseur".

On risquera des sommes considérables.

Cela sera long.

On risquera des existences.

Mais cette mauvaise roche a causé tant de sinistres qu'il faut tout essayer pour la rendre inoffensive.

Une balise est insuffisante : il faut un feu.

Ayant, sur le pont du "Désiré", dépassé la chaussée des Pierres-Noires, Mr de Croixdalle l'ingénieur en chef venu de Quimper, Mr Fouché l'ingénieur ordinaire venu de Paris pour Brest et Kerroz le conducteur principal, à près d'un mille de la base occidentale du plateau des Pierres-Vertes, viennent de prendre la grave décision d'édifier un phare sur le "Roc'h an Dioul", la roche du diable.

C'est un îlot qui mesure environ dix mètres de large sur dix-huit de long.

Les travaux commencèrent au mois de mai 1867.

L'année suivante commença le "maçonnement".

Au bout de chaque saison, le monument dépassa successivement les hautes mers de six mètres, de douze, de dix-neuf, de vingt et un, et de vingt-sept mètres, enfin.

Il fut décidé que le phare serait allumé le 1er juin 1882.

Bernard Guirec, Hervé Daouellou et Jean-Baptiste Brenellec furent nommés, d'après leurs excellents états de service, comme les premiers gardiens du "feu".

Alors, une fatalité bizarre, une malchance bien persistante semble s'attacher aussitôt à l'édifice !

Mais dire que le phare est hanté, que le phare est maudit, ce serait de la littérature, du roman-feuilleton....

Écrit en 1922, par Paul Reboux, "Le phare" est d'une modernité terrifiante.

C'est d'abord une superbe carte postale.

Les descriptions, des paysages, l'évocation du métier, aujourd'hui disparu, de gardien de phare, les scènes de pêche, de baignade, en font une véritable aquarelle dont la beauté est rehaussée par le style d'écriture très élégant de Paul Reboux.

L'ouvrage participe - on y assiste par exemple au premier allumage du phare - à une certaine connaissance ethnologique dont la revue "Chasse-Marée" s'est fait la spécialité.

Mais ce roman d'ambiance est soudain traversé par une ambiguïté morbide.

Il s'annonce terrifiant, dur, parfois cru et presque insoutenable.

L'écriture, très fine, y est pourtant rapide et efficace.

L'action y est sans cesse présente, ne voulant relâcher à aucun moment les nerfs du lecteur.

Rien n'y manque pour insuffler la peur, pas même l'épave maudite drossée contre les écueils et pointant sa mature inquiétante vers la superstition des hommes....







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Les Drapeaux

En ce mois de novembre, ce mois de novembre centenaire de l'armistice, en ces temps troublés et de plus en plus nationalistes, un livre s'impose à la lecture de tous.

L'ouvrage est dédié, en haine de la guerre, à Charles Müller qui y perdit la vie.

C'est un roman : "Les drapeaux" de Paul Reboux.

A sa parution, en 1921, son auteur a dû se faire bien des ennemis.

Tant pis pour eux !

Jacques Réal est un célèbre auteur dramatique.

Chroniqueur avisé, il est pressenti dans certains salons pour "l'Académie".

Jeté dans la guerre comme caporal-chef, il en est sorti indemne et épargné.

Et comme si de rien n'était, il a repris sa vie mondaine.

Mais ...

Paul Reboux, ici, ne se sent pas une âme d'amuseur.

Sentant que là est le devoir de chaque homme qui tient une plume, il a voulu prouver que la guerre est immonde et que tout être se doit de la rendre méprisable, quelle qu'elle soit.

"Les drapeaux" est un livre profondément pacifiste.

C'est une réflexion, sur la guerre, sur les hommes qui la firent, sur ceux qui en profitèrent, sur les femmes qui en souffrirent et sur celles qui l'encouragèrent.

C'est un livre tellement contraire à ce que l'on a coutume d'entendre et de répéter, mais pourtant tellement sincère et juste.

Entre foie gras rosé et crème au kirsch, il s'ouvre avec un dîner mondain, sur fond de haine de l'allemand et d'enrichissement par la guerre, .

Il se poursuit par un défilé de "gueules cassées".

Le propos est sans concession.

Il se fait accusateur.

Le roman devient pamphlet.

Mais c'est un livre de bonne foi et d'intelligence.

C'est le parcours d'une âme, l'évolution d'un écrivain qui jusque-là s'imposait des concessions pour obtenir le succès, les honneurs et l'approbation du grand public.

Derrière Jacques Réal, on ne peut s'empêcher d'apercevoir la silhouette de Paul Reboux qui, en 1951, fut un des fondateurs de "La voix de la paix".

"Les drapeaux" est une profonde réflexion.

C'est un livre moderne où Reboux expose de grandes idées qui peuvent choquer aujourd'hui encore certains esprits étriqués.

Rien ni personne n'y est épargné : la presse, la banque, la politique, les combattants enivrés par le sang, les profiteurs de guerre, les grands auteurs bellicistes, l'épouse, la mère qui n'ont pas prêché la révolte et l'insoumission ...

Le patriotisme y est disséqué et réfléchi.

Ne faudrait-il pas instituer son procès ?

Doit-il inévitablement provoquer le rejet de l'autre ?

"les drapeaux" est un roman en deux tomes.

Ce premier volume est un récit fort et sensible, bien écrit.

Paul Reboux s'y révèle comme un auteur courageux, humain et éclairé.

Et l'instant de sa lecture vaut largement le temps d'une commémoration menée à la télévision par quelques chefs d'états chafouins ...

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Petits secrets de l'art d'ecrire

Qui mieux que Paul Reboux aurait pu dissimuler, sous sa plume, ces quelques petits secrets de l'art d'écrire qu'un jour, compatissantes aux hommes, les muses lui ont confiés.

L'art d'écrire existe.

Qu'il puisse s'enseigner, c'est une autre affaire

Mais il faut, pour se détacher de l'armée que forment les mauvais écrivains, observer quelques règles et respecter quelques principes.

"Petits secrets de l'art d'écrire" est une leçon en neuf parties :

- l'art d'écrire

- les mots

- les signes

- les problèmes de la grammaire

- un peu d'Histoire

- la grammaire en folie

- la correspondance

- petite Histoire du mauvais goût dans la littérature française

- les grands exemples ...

La leçon est accessible, profitable et essentielle.

De plus, elle est vivante et moderne.

Paul Reboux ne prétend pas ici donner une quelconque recette magique.

Pour lui, l'écrivain a du talent et de l'imagination, ou n'en a pas !

Cependant, il a glissé dans son livre quelques trucs pour que la plume de son élève soit fluide et agréable.

Pour illustrer le propos, de nombreux écrivains sont appelés à la barre.

Souvent comme témoins, parfois comme accusés.

Lorsqu'il se fait procureur, Paul Reboux, sait être sans pitié.

Mais lorsqu'il se fait professeur, jamais il ne se prend trop au sérieux.

"Petits secrets de l'art d'écrire" est un manuel indispensable à l'écrivain, à l'apprenti, à l'homme de lettres qui se voit déjà en haut de l'affiche.

Pourtant les lettrés, les super-lettrés et les snobs férus d'archaïsme devront passer leur chemin, car Paul Reboux, démontant les difficultés inutiles de la langue française, aime à l'occasion se faire l'avocat des mauvais élèves !

Il se peut même qu'au détour d'une phrase, que derrière un paragraphe, il fasse hurler quelques conservateurs ...

Pour rendre justice à ces "Petits secrets de l'art d'écrire", pour en saisir toute la générosité, pour en recueillir toute l'intonation, il n'est qu'un seul moyen ...c'est de se plonger dans le passionnant ouvrage de Paul Reboux ...
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Sens interdits : Sodome et Gomorrhe

Hier, sans plus barguigner, le mariage pour tous a mis fin à l'ignominieuse controverse.

Mais, avant-hier, l'homosexualité, exposée à bien des anathèmes, peinait même à trouver son nom.

Persuadé de vivre un temps de révolution des idées, Paul Reboux, en 1951, se prit à jeter un pavé dans la mare des moralistes dont il jugeait l'esprit fermé comme un casque de combattant des croisades.

"Sens interdits" est un livre atypique, provocateur et sûr de lui, qui est plein de défauts et bourré de qualités.

Derrière un ton badin, un style élégamment très littéraire et un humour fin et courtois, se cache un puissant essai, un plaidoyer sans concession à la tolérance, l'intelligence et la raison.

Et cela même si Paul Reboux ne parvient pas toujours à éviter la caricature, le lieu commun et l'ironie facile.

Ce livre est indispensable.

Il est offert à la réflexion.

C'est un livre introspectif et profond.

"Si l'homosexualité est de l'amour dégénéré ?

Certes non. Nous voilà rassurés !"

Décidément, ce Mr Reboux est un pourfendeur de vieilles morales vermoulues.

Sans s'effrayer, il explique, il décortique.

Il s'interroge.

Il se charge, là où elle est importante, de bien faire la différence entre les mots.

Il attaque les prédicateurs et les confesseurs.

Il accuse durement et fermement le politique et le religieux.

- Affirmant même que le sixième commandement, qui concernait la défense d'adorer les idoles, ayant été modifié pour devenir :

- Luxurieux point ne sera

De corps ni de consentement -

est finalement devenu une imposture ...

- Affirmant même qu'un sénateur, qu'il ne craint pas de nommer, par le ridicule de ses compagnes contre la "pornographie", a pris place, dans la postérité, entre Jocrisse et Tartuffe ...

Pourtant "Sens interdits" n'est pas exempt de tout reproche.

Il parle peu des femmes.

Il s'autorise quelques avis littéraires tranchés à la serpe.

Il contient quelques rares passages pouvant heurter le lecteur d'aujourd'hui, notamment dans l'évocation de "la rencontre entre André Gide et Oscar Wilde autour d'un jeune joueur de flûte d'une extraordinaire beauté".

Décidément, il sera dit que Paul Reboux est un auteur étonnant.

Il parle longuement de l'Antiquité, de son appétence à la philosophie et de la tolérance à la variété de ses moeurs ...

Il décrit le Moyen-âge comme un monde d'hébétude courbé sous l'autorité des moines et des seigneurs ...

Il met en doute la réputation que la postérité a accroché aux mignons d'Henri III ...

L'écrivain, l'essayiste s'attarde, durant quelques édifiants portraits, à découvrir les dessous de l'Histoire, mais aussi durant quelques petites visites libertines, il se distrait de certaines nuits de Paris que fréquentent la politique, le barreau, la noblesse et le clergé ...

"Sens interdits" a pris sur ses tournures la ride de son âge.

Mais il est pourtant moderne car il évoque la raison, la justice, la tolérance et l'indulgence qui sont de toutes époques.

Il est pourtant moderne car il porte de sévères considérations physiologiques, démographiques et morales ... car il est distingué sans être pudibond ...







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A la maniere de. troisieme serie

La littérature est ici passée à la moulinette !

"A la manière de ..." de Paul Reboux et de Charles Muller.

Derrière les deux hommes de lettres se cachent l'insolence, l'irrévérence et l'impertinence.

Paul Reboux est écrivain et critique de théâtre.

Charles Müller est journaliste.

Une fois de plus, en 1913, à quatre mains, ils vont contrefaire, tricher et mentir ...

C'est sur le premier acte d'une pièce inconnue jusque là que s'ouvre cet étonnant recueil.

La pièce a été colligée, annotée et interpolée par Mr Libellule, professeur de troisième au lycée de Romorantin.

Quoi de très étonnant si ce n'est le titre et l'auteur de ce morceau de scène jusque là négligé ?

"Cléopastre" de Jean Racine !

Auguste, empereur de Rome y côtoie Antoine le général romain, qui est l'amant de Cléopastre, la reine d’Égypte, elle même amante d'Auguste ...

Voilà ce que nous offrent Paul Reboux et Charles Müller : du théâtre, de la poésie, de la littérature et du faux-semblant.

Car dans ce livre les moulures sont magnifiques - ou pas.

Mais elles sont en toc !

Mais pour s'aventurer dans ce décor, il faut connaître quelque-peu les auteurs choisis.

Car, comme quand j'imite tante Berthe autour de moi, l'exercice pour réussir nécessite quelques petites références.

Sinon le soufflet ne lève pas.

Pourtant quand il lève, alors, quel plaisir !

Gabriele d'Annunzio aurait écrit "le mythe de Pasiphae" ...

Chateaubriand "Troulala" et Paul Déroulède "le salut du drapeau" ...

Georges d'Esparbès aurait cru en l'amour avec "Nativité", ce petit conte de noël ...

Henry Bataille aurait jeté sur la scène "la marâtre en folie" ...

Paul Fort, le prince des poètes, aurait fait "la sieste à Fouillis-en-Lézois ...

G. Lenotre aurait vécu "la nuit de Ferney" ...

Max et Alex Fischer aurait joué quelques "variations sur un thème connu" ...

Stéphane Mallarmé aurait chanté de petits "Sonnets" ...

André de Lorde, réveillant les pires de toutes nos peurs, aurait convoqué "le docteur Coaltar" ...

Charles Péguy y aurait psalmodié "les litanies de Sainte-Barbe" ...

Marcel Prévost aurait envoyé une "Lettre à Françoise adultère" ...

Brieux y aurait jeté sur la scène "Les déserteurs" ...

Albert Bonnard y ferait "La chronique de la pluie et du beau temps" ...

Rudyard Kipling y conterait "La plus belle chanson de la jungle" ...

Émile n'y aurai qu "Une idée par jour" ...

Henry Bernstein y offrirait une pièce en trois actes : "La triche" ...

Paul Reboux et Charles Müller s'amusent aux dépens de grands noms de la littérature.

En faut-il du talent pour briller dans ce périlleux exercice.

Il l'ont !

Et plus encore ...

Pour finir, ils posent une question :

"que pensez-vous de l'automobile ?"

Auguste Rodin, Jules Claretie, Mariani, Octave Mirbeau, Cécile Sorel, Bérenger, le docteur Doyen, le directeur du "Mâtin", Léon Frapié, Rotschild, Colette et Mme Séverine vont tenter d'y répondre.

Mais ont-ils vraiment entendu la question ? ...

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Pour balayer les vieux usages voici... Le n..

S'agit-il ici vraiment de devenir le convive idéal, l'invité de marque, celui qui, en toutes occasions, conserve réputation, sang-froid, bonnes-manières et politesse ?

Quel genre d'écrivain est donc Paul Reboux ?

Tout d'abord, on le soupçonne d'être un faussaire "à la manière de"...

Parfois, on l'a, en dernière page de "La Petite Illustration", vu fréquenter pour nous les grands théâtres parisiens ...

En son temps, il a conté les secrets du phare édifié sur le "Roc'h an Dioul", la roche du diable ...

C'est aussi un poète puisqu'on lui doit "Trente-deux poèmes d'amour" ...

Certes, Paul Reboux est un solide romancier talentueux et prolifique, un romantique bercé par l'Histoire.

Mais c'est aussi un être délicieux, pétri d'humour et de bonnes manières.

Il s'est, en effet, fendu d'un "savoir-causer", d'un "savoir-aimer", d'un "savoir-écrire", d'un "savoir-manger" et, en 1930, pour balayer les vieux usages, d'un "nouveau savoir-vivre" !

A l'heure où les hommes ne savent plus baiser la main d'une dame, il semblait urgent, aujourd'hui, de redécouvrir ce petit bijou d'humour et de finesse.

Ce livre est d'un autre temps, qui déjà s'estompe avec le souvenir d'un autre siècle.

Néanmoins, le duel, cette absurdité romantique, déjà, y était démodé.

La jalousie, déjà, y était incivile et le livre prêté considéré comme perdu !

Celui-ci, heureusement, m'a été redonné.

Il est fait de la plus fine des littératures et du plus mondain des humours.

Il est aussi la précieuse évocation des moeurs et des usages d'une vieille bourgeoisie bien-née qui, aujourd'hui, fait sourire et ne se rencontre plus, je crois, qu'au Théâtre.

Il est en tout cas un agréable moment de lecture ...









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À la manière de...

Un régal

Un ouvrage qui a fait mes délices, plongée dans l'immersion des chefs-d'oeuvre, revisités sur ton drolatique et percutant qui à mon sens serait à catégoriser au même titre que ceux ci dans un registre humoristique actuel et ARTISTIQUE pareillement

Désuet terriblement hilarant léger et charmant

Des envolées lyriques !... terre à terre désopilantes

Bien sûr à conseiller pour une pause " relaxante" à bien se mémoriser
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Carnaval de Venise (1765) : Roman film





Publié par les éditions Flammarion en 1947, Carnaval de Venise est l'œuvre de l'écrivain Paul Reboux. On peut dire qu'il appartient au genre littéraire des romans sentimentaux. L'intrigue en elle-même est toute simple, banale.



On y retrouve tous les ingrédients faisant le succès de ce genre de littérature c'est-à-dire amours contrariés, jeunes gens riches et beaux, impétueux, gentils, plein de bonté, etc. En bref, sans aucun défauts, mais, plutôt avec toutes les qualités à leurs actifs.



Même le vieux "tonton" - inquisiteur intraitable de son état - ressemble à un ange de bonté par son comportement général vis à vis des autres et de son travail. On retrouve cet état de fait avec l'escroc de service ...



Il s'agit d'un roman pétri de bons sentiments, peut-être "cucul la praline", mais, qui se laisse tranquillement "dévorer" par temps de pluie, de neige où tout simplement si l'on a envie de passer un excellent moment au calme.



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A la manière de

Pastiche. nom masculin ((italien pasticcio, pâté, du latin populaire pasticius, du bas latin pasta, pâte) : Œuvre littéraire ou artistique dans laquelle on imite le style, la manière d'un écrivain, d'un artiste soit dans l'intention de tromper, soit dans une intention satirique.

Contrairement à une tradition fortement établie, le pastiche n'est pas originaire du midi de la France, et si les Marseillais mettent en avant " l'authentique pastiche de Marseille", il faut bien reconnaître que ses origines sont bien plus anciennes... et bien plus floues.

Il reste que ce genre particulier à ses maîtres. Depuis La Fontaine pastichant Esope jusqu'à Marcel Proust pastichant le Journal des Goncourt, beaucoup d'écrivains célèbres se sont essayés au genre. De nos jours, des auteurs reconnus comme Patrick Rambaud ou Eric-Emmanuel Schmitt ont, avec le talent qu'on leur connaît pastiché les grands écrivains de leur temps. Certains auteurs s'en sont fait même une spécialité :

Dumanoir et Clairville sont les auteurs d'un inénarrable drame antique intitulé "Caracalla" dont voici un court extrait:

Livia, seule

Hier, Caracalla traversait le Forum,

Et, les yeux à demi cachés sous son péplum

Il m'a, de ses regards, bien longtemps poursuivie.

Ah ! C'est que ma tendresse est son unique envie ;

Et, pour mieux me ravir à mon amant absent,

Il plonge dans les fers un vieillard innocent !

Il poursuit, dans Macrin, le chef de ma famille :

En immolant le père, il ose aimer la fille !

Horreur !...

(Bruit de pas au dehors.)

Qu'entends-je !...

(Allant au fond)

O ciel ! C'est lui, c'est mon Géta

Cet amant que le ciel sur mon chemin jeta !

Geta, qui m'a jetée aux lieux que je végète !...

Courons sur la jetée où mon Geta se jette !

(pour l'intégralité, rendez-vous sur votre moteur de recherche favori en tapant simplement "Dumanoir et Clairville")

Les maîtres incontestés du pastiche sont Paul Reboux (1877-1963) et Charles Muller (1877-1914), auteurs de plusieurs séries de "A la manière de..." aussi désopilants que finement écrits, dans un respect parfait de l'écrivain pastiché. Vous trouverez en citation trois exemples : La Fontaine (L'Anglois et les rieurs), Tolstoï et les romanciers russes (Rédemption) et le docteur Mardrus, traducteur des Mille et une nuits (Le sycomore de l'oubli).

Le manque de place ne me permet pas de vous régaler illico, subito et même presto, des pastiches de Victor Hugo (Colos le Nain, variation de Notre-Dame de Paris) ou de Racine (Cléopastre, tragédie présentée et expliquée par M. Séraphin Libellule, Professeur de Rhétorique au lycée Papillon de Romorantin) ou encore La Parure de Maupassant (à la façon de Dickens, Goncort Zola et Daudet)

Vous ne trouverez sans doute pas ce livre de poche en librairie, sauf chez un bouquiniste ou dans une brocante. Je n'ai pas à vous conseiller de vous jeter dessus, il est probable que c'est lui qui se jettera sur vous. A défaut, vous trouverez quelques uns de ces textes sur Wikisource (entrée Paul Reboux)

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Les alcoves de louis XIV

S'il exprima ses dons amoureux assez tard, Louis XIV les afficha ensuite pleinement. C'est ce que nous montre ici, avec sa verve habituelle, Paul Reboux, maître incontesté des grandes biographies romancées.

Lecture très fluide , inintéressante, mais pas palpitante.
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À la manière de...

J'ai acheté ce livre parce qu'il avait inspiré Karl Zéro pour son petit opuscule Farce Nationale en espérant prolonger le plaisir pris à sa lecture. L'ouvrage de Reboux et Muller date 1910 et pastiche une quarantaine d'auteurs. Ces pastiches se veulent drôles, et certains m'ont bien fait sourire, mais j'ai trouvé l'humour de ces textes très daté. Par ailleurs, j'avoue que certains des auteurs pastichés m'étaient complètement inconnus (ce qui me rassure c'est qu'ils sont peu lus sur Babelio ...) et il est alors difficile d'apprécier l'imitation.

Le chapitre sur Mallarmé reprend les clichés habituels sur sa poésie et propose de traduire l'oeuvre de ce poète en français !

Le pastiche de Racine est surtout savoureux pour les notes qui émaillent les vers ; elles sont supposées être écrites par un professeur de français de lycée.

J'avoue avoir été déçue parce que j'attendais beaucoup de ce livre mais je reconnais aux auteurs un immense talent pour être capable de s'approprier le style d'autant d'écrivains.

A la manière de ... mériterait de toute façon d'être plus connu.

NB : ce livre est une sélection faite dans les trois recueils publiés en 1908, 1910 et 1913 par Reboux et Muller. Muller étant mort au début de la première guerre mondiale, Reboux publiera encore deux autres livres de pastiches, le dernier dans les années 50, si je ne m'abuse, avec des imitations de Sartre, Vian ...
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Le phare

effectivement, comme l'écrit Gill, un bon roman, de fiction mais bien documenté : l'auteur s'est renseigné avant d'écrire et il a certainement bien contemplé la mer dans ce coin d'Iroise. Il ne fait pas référence à un vrai phare existant mais cette "roche du diable" pourrait bien exister en avant au sud des Pierres Vertes (sud-ouest de Molène)... Ce récit est intéressant car il concentre, sur fond de croyance, des événements parmi les pires qui pourraient se produire dans un phare... et la fin est quasi apocalyptique... C'est très bien écrit, avec le charme d'une écriture aujourd'hui datée (apparemment le récit date des années 1920). Descriptions très justes. A avoir dans une bibliothèque "marine"...
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À la manière de... pastiches classiques

Ces pastiches manquent de finesse ; ou alors pour être plus claire : le trait est grossier. En lisant, je me suis dit : c’est comme assister à un spectacle burlesque. Ne pas oublier que le texte date de 1910.

Un autre regret, la qualité est inégale.
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A la manière de- Tolstoï, Lamartine, Anna de No..

l'idée est au dela du plagiat puisqu'il s'agit de création. mais à la manière de ... insolite et surprenant. curiosité à lire pour rigoler
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Colin, ou les Voluptés Tropicales

Si les écrivains français ont abondamment décrit les colonies françaises durant tout le XIXème siècle et une large partie du XXème siècle, il est cependant une de nos conquêtes coloniales qui fut passée sous silence, d’abord parce qu’elle se termina de manière sanglante dès 1804, et ensuite, parce que ce fut l’une des rares terres où l’esclavage fut institué de manière durable et excessivement cruelle. C’est même ce douloureux exemple d’un paradis perdu par un excès de domination des Noirs qui incita toute la politique coloniale monarchiste, puis impériale, à ne plus réduire en esclavage les populations indigènes dans nos territoires occupés, même si de nombreuses compagnies privées françaises continuèrent à pratiquer la traite négrière, mais pour le compte d’autres pays.

Cette colonie avait un nom : Saint-Domingue, traduction littérale de Santo Domingo, nom de la capitale d’Hispaniola, une très grande île située dans la mer des Caraïbes, à l’ouest des Antilles françaises, et qui fut conquise et colonisée par les Espagnols au XVIIème siècle. Suite à une guerre opposant la France et l’Espagne, et dont l’un des enjeux était initialement le contrôle de l’île de la Tortue, petite île située au nord-ouest d’Hispaniola, principalement occupée par des pirates et des corsaires français, il fut décidé le 20 septembre 1697, lors du traité de Ryswick, en Hollande (colonie espagnole, en ce temps-là) que, en échange de quelques rétrocessions à l’Allemagne et à l’Espagne, l’île de la Tortue passerait aux mains de la France, ainsi que la partie occidentale de l’île d’Hispaniola, c’est-à-dire principalement les côtes et les bords de mer, qui intéressaient particulièrement Louis XIV, du fait de la présence de cannes à sucre en très grand nombre.

À l’arrivée des Espagnols, la première richesse de l’île fut l’or, mais les filons peu nombreux et peu importants, furent vite totalement exploités. Les Espagnols réduisirent d’abord en esclavage la population locale, composée d’autochtones de type amérindien, mais ceux-ci, peu résistants aux travaux forcés et ravagés par des virus transmis par les colons, notamment la syphilis, fut bientôt complètement éteinte. Il fallut donc ramener des esclaves d’Afrique pour effectuer les lourds et difficiles travaux physiques qu’exigeait une exploitation coloniale.

Même si à partir de 1720, Saint-Domingue n’était plus exploitée que pour son impressionnante production de cannes à sucre, les richesses qu’elles générèrent permirent aux planteurs d’acheter, durant plus d’une centaine d’années, près de 9 millions d’esclaves africains, la plupart ne faisant pas de vieux os ou subissant une discipline de fer de la part de quelques maigres troupes coloniales, qui ne furent presque jamais plus d’une ou deux centaines. On imagine ce que ce déséquilibre des forces pouvait amener comme conflits, mais imbus de leur puissance et de leur richesse, vivant comme des nababs dans un paradis tropical idéal où ils avaient droit de vie et de mort sur leur serviteurs, les colons ne virent pas - ou ne voulurent pas voir - la menace qui s'amplifiait.

La révolte des esclaves, en 1804, fut donc sanglante et à la mesure de l’exploitation cruelle dont ils étaient victimes depuis tant de décennies. Alors au pouvoir, l’empereur Napoléon Bonaparte, moins attaché aux possessions coloniales que ne le sera son neveu, abandonna assez vite Saint-Domingue à ceux qui l’avaient conquise.

La perte de Saint-Domingue, qui endeuilla particulièrement la ville française de La Rochelle, dont la majeure partie des grandes familles de planteurs était originaire, fut un douloureux souvenir pour la France, que l’on se gardait d’évoquer publiquement, jusqu’à ce que la Belle-Époque en cultive une nostalgie fantasmée plus ou moins malsaine, celle d’un paradis tropical où le moindre des désirs était accompli, et où le droit de cuissage des colons était pratiqué dans l’allégresse, d’autant plus que l’isolement de cette colonie, sur laquelle étrangement, il ne semble y avoir jamais eu durablement de police, de clergé ou d'administration, autorisait toutes les licences, tous les vices, toutes les perversions.

Un homme concrétisa ces fantasmes larvés, Hugues Rebell, qui signa en 1902 « Les Nuits Chaudes du Cap Français », un court roman fort décadent, bien à la manière de l’auteur, mais agrémenté d’érotisme pervers et de scènes horrifiques de tortures et de mutilations, qui préfigurait ce que les américains appelleront plus tard le "gore".

Ce roman eut un immense impact, et des éditions illustrées de gravures pornographiques font encore aujourd’hui les délices des bibliophiles. Forcément, Hugues Rebell fut abondamment imité, mais jamais égalé du moins sur le plan du succès littéraire. Ce qui ne veut pas dire que ces suiveurs oubliés furent tous médiocres. En voici d’ailleurs la preuve avec ce « Colin ou les Voluptés Tropicales » (1923), l’un des derniers romans, voire peut-être même le tout dernier, à évoquer les rêveries érotiques de Saint-Domingue.

L’auteur de ce fort sympathique roman n’est pas un inconnu, même si son œuvre romanesque est totalement oubliée. Paul Reboux était à la base un journaliste et un homme de lettres prolifique, qui s’est essayé à bien des formes littéraires, mais qui reste surtout connu pour des recueils de nouvelles pastiches, coécrits avec Charles Muller, et intitulés « À la Manière de… ». Trois volumes de ces pastiches, qui imitaient le style et les tics littéraires d’écrivains célèbres, académiques ou contemporains, parurent successivement en 1908, 1910 et 1913, et connurent un très grand succès commercial. Pourtant, ces recueils ne furent pour Paul Reboux qu’un simple délassement intellectuel : son œuvre littéraire abondante témoigne d’une influence clairement symboliste, mais volontairement passée à la moulinette d’un humour gaulois et bon enfant, tout droit hérité de « L’Assiette au Beurre », dont il était un fervent admirateur, au point d’ailleurs de lancer lui-même en 1922 un journal humoristique similaire, « La Charrette Charrie », mais qui ne dura qu’une seule année.

Singulièrement dépassé pour son temps, resté à un humour très Second Empire, bien qu’il soit né sous la Troisième République, Paul Reboux publia de nombreux romans entre 1898 et 1934, avant de recentrer son travail sur des essais historiques pétris d’humour qui connurent un estimable succès jusqu’à la mort de leur auteur, en 1963.

Sous-titré « Saint-Domingue 1767 », « Colin ou les Voluptés Tropicales » est un roman qui date donc de 1923, véritable âge d’or de la carrière de Paul Reboux, alors sous contrat avec le très permissif éditeur Flammarion. Le pasticheur a voulu ressusciter ici le style de la littérature galante du XVIIIème siècle, tout en reprenant de nombreux éléments descriptifs du roman d’Hugues Rebell. Mais à la différence de son modèle, Paul Reboux a opté pour un érotisme plus gaulois, mis au service d’un vaudeville enlevé, pétri d’hédonisme et d’ironie mordante, suscitant le rire dans un contexte qui n’avait alors rien de risible.

« Colin ou les Voluptés Tropicales » décrit les relations burlesques entre quatre riches familles de planteurs, tous aristocrates, dans les environs de Port-au-Prince, en décembre 1767 :

- M. et Mme de La Sautille, et leur fils Colin. Un couple de puritains renfrognés, hautains, désagréables, vivant au rythme de la Bible, et hostiles à tous les plaisirs de la vie. Leur fils Colin, un beau jeune homme de 17 ans, malgré l’éducation stricte qu’il a reçue, est dévoré de curiosité lubrique envers le sexe faible.

- M. Traucoq, veuf aigri, et Hermine, sa fille, un autre duo détestable. Traucoq malmène et torture ses esclaves, n’ayant d’humanité que pour sa fille Hermine, une détestable petite sotte prétentieuse, qui s’acharne à vouloir vivre à l’heure de l’élégance parisienne, et ruine son père en faisant venir par bateaux de coûteuses robes à la dernière mode, qui n’intéressent qu’elle dans cette colonie.

- M. & Mme de Cany, couple dépareillé, chacun vivant une existence séparée. M. de Cany, la cinquantaine, est un homme bedonnant ne songeant qu’à boire et à trousser des esclaves. Mme de Cany est une femme d’environ 37 ans, qui s’est mariée suite à un chagrin d’amour, et vit chastement, en gérant la plantation en lieu et place de son mari.

- M. de Montignac, et Sylvette, sa fille adoptive, qu’il a recueillie quelques années plus tôt en France, alors qu’elle venait d’être abandonnée par la troupe de comédiens itinérants, parmi lesquels elle jouait. N’ayant plus ni ressources ni famille, la jeune fille était promise irrémédiablement à la prostitution. Vieux viveur, et aussi seule raison du chagrin d’amour de Mme de Cany, à laquelle il avait fait une cour effrénée quinze ans plus tôt avant de regagner brutalement le continent sur un coup de tête, M. de Montignac s’est pris d’une tardive affection paternelle pour cette orpheline jetée à ses pieds, et l’a légalement adoptée, tout en tentant d’étouffer un sentiment pour Sylvette beaucoup moins filial, qui commence progressivement à l’envahir, alors qu’il vient juste de revenir à Saint-Domingue après un long exil.

Les La Sautille veulent marier Colin à Hermine, laquelle est très intéressée, lui trouvant un petit air parisien. Colin, en revanche, est vite écœuré par cette bourgeoise prétentieuse, et choqué par le traitement cruel que son futur beau-père inflige à ses esclaves.

Colin rêve d’amour. Il le trouve d’abord dans les bras de Leila, une jolie et sensuelle mulâtresse qui sert de domestique à ses parents. Puis, émerveillé par la découverte de sa sexualité, il se prend de passion pour le charme mûr de Mme de Cany, qu’il devine esseulée, laquelle, troublée par le retour de Montignac, craint qu’il ne jette à nouveau son dévolu sur elle, et préfère se donner à Colin. Une relation adultère et transgressive nait alors entre eux, mais si le jeune Colin est transfiguré par cette passion nouvelle, Mme de Cany sent bien que son cœur est ailleurs.

Une rencontre lors d’une fête lui donne l’occasion de revoir son amour de jeunesse, lequel lui confesse s’être assagi à force d’excès de toutes sortes, et ne souhaite plus se consacrer qu’à Sylvette, se voulant le père aimant qu’il n’a pas su être pour les enfants qu’il aurait voulu avoir avec Mme de Cany. Ce discours fait réfléchir cette dernière quant à sa relation avec le jeune Colin, dont soudain l’amitié désintéressée de Montignac, qu’elle n’a jamais cessé d’aimer, et l'ambiguïté de ses sentiments envers Sylvette, qu'il confesse avec amertume, fait mesurer à Mme de Cany la vanité et l’égoïsme de sa propre relation avec le jeune Colin.

Le lendemain, en essayant d'y mettre les formes, elle rompt avec Colin, pour qui cette première rupture est une souffrance abominable qui le pousse à s’enfuir droit devant lui, alors que, quelques centaines de mètres plus loin, les esclaves de M. Traucoq se révoltent contre leur maître, le temps d’une prophétique mutinerie qui voit la propriété du cruel planteur incendiée, et sa fille violée et tuée. Traucoq est ruiné et n’a plus rien au monde. Désespéré, il va se pendre à un arbre, et son cadavre est trouvé là par Garaga, la vieille domestique noire et hideuse de M. de Cany, à laquelle même son maître n’a jamais touché. Garaga passe pourtant ses journées à essayer de trouver un colon blanc qui veuille bien l’honorer sexuellement, car elle ne veut pas mourir sans avoir connu cela. Hélas, repoussé par tous, le vieux laideron rumine quotidiennement sa rancœur. En voyant M. Traucoq pendu, et en remarquant la belle érection avec laquelle il a quitté ce monde, elle se frotte les mains avidement, en se disant : « Enfin ! ».  

De son côté, tout aussi malheureux dans sa quête sexuelle, M. de Cany avait réussi à obtenir le soir même un rendez-vous de la jolie Leila, qui jusque là se refusait au motif pratique qu’elle est la propriété exclusive des La Sautille. Mais ce rendez-vous tombant au moment de la révolte des esclaves, M. de Cany se voit obligé de porter assistance à son voisin. Ne voulant pas mécontenter la jeune esclave, qu’il pense plus nymphomane qu’elle ne l’est réellement, il demande à son plus bel esclave de se rendre à sa place au rendez-vous avec Leila, avec mission de culbuter la belle, de force s’il le faut, car elles aiment toutes ça, c'est bien connu.

Or, chez les La Sautille, la brusque demande de permission de sortie de Leila est regardée avec méfiance. On cuisine la jolie esclave qui, en larmes, finit par avouer que M. de Cany lui a extorqué un rendez-vous galant. Furieuse, Mme de La Sautille décide de se rendre en lieu et place de Leila au rendez-vous fixé par M. de Cany, afin de sermonner ce vieux cochon.  Mais une fois arrivée, elle tombe devant un grand noir musculeux, l’esclave de M. de Cany, lequel, n’ayant pas reçu de description physique de la femme qu’il doit culbuter, saute sur Mme de La Sautille, lui arrache ses vêtements, la plaque au sol, et la prend sans ménagements. Sous ce corps brutal, mais musculeux et viril, Mme de La Sautille découvre en quelques minutes une extase comme elle n’en avait jamais imaginée...

De son côté, capturé un temps par des esclaves révoltés, puis libéré par Garaga en échange d’une promesse de faveurs sexuelles qu’il n’est nullement disposé à payer de retour, le jeune Colin découvre alors Sylvette réfugiée sur la plage. Les deux jeunes gens tombent amoureux au premier regard, comme cela arrive encore à cet âge-là. Enflammés, ils décident de se marier, et de demander l’autorisation à leurs parents.

Une fois tous les esclaves rebelles fusillés ou emprisonnés, Colin et Sylvette rentrent à la maison des La Sautille où ils sont fraîchement accueillis par le père de Colin, qui s’inquiète quelque peu de l’absence prolongée de son épouse. Certes, il n’est plus question pour Colin de se marier avec la pauvre Hermine Traucoq, mais la fille adoptive de Montignac lui déplaît souverainement comme future belle-fille. Comme beaucoup de colons, il ne croit qu’à moitié à ce que raconte Montignac, et il pense que Sylvette est en réalité sa maîtresse. Il répond donc par un non ferme et définitif à la demande de Colin.

Le lendemain, Colin et Sylvette s’enfuient à cheval en direction de Port-au-Prince, laissant derrière eux des lettres d’adieu, où ils révèlent qu’ils ont décidé de fuir ensemble par le premier bateau et d’aller se marier à La Rochelle. Montignac part à leur poursuite, et les rattrape sans peine, mais Colin est bien décidé à se battre en duel avec celui qu’il prend pour un rival. Cependant, ne l’est-il pas un peu ? Montignac se sait suffisamment un bretteur expérimenté pour transpercer facilement ce jeune coq présomptueux. Une jalousie féroce l’anime. Mais Sylvette lui pardonnerait-elle de tuer le garçon qu’elle aime ?

Entre son amour filial et sa vanité d’homme, entre l’orgueil et la raison, entre le bonheur de Sylvette et son bonheur égoïste à lui, Montignac balance un temps, mais les sages paroles de Mme de Cany  lui reviennent en tête, et il baisse la garde, avoue simplement être le père de Sylvette et consentir à ce mariage.

Il reste encore le père de Colin à convaincre, mais Mme de La Sautille, rentrée depuis peu, toute guillerette et désormais éveillée aux sens de l’amour, donnera pleinement son accord et fera fermer son clapet à son mari, tout penaud et tétanisé de découvrir son épouse métamorphosée en quelques heures.

« Colin ou les Voluptés Tropicales » est donc, en dépit de son titre ou de son contexte, un vaudeville plutôt bon enfant, et même un poil moraliste. Si Paul Reboux fait revivre sous nos yeux, une colonie disparue, cela n’est pas seulement, contrairement à Hugues Rebell, pour en conter les voluptés plus ou moins imaginaires. L’esclavage et le racisme y sont ouvertement condamnés, même si cela se fait très souvent par le biais d’un humour noir (sans jeu de mots) et inconvenant, qui serait difficilement toléré à notre époque puritaine et rétrograde.

Il y a, en réalité, quelque chose de très anglais dans ce roman pourtant bien français, une influence diffuse qui plane sur tout le récit, quelque part entre le « Moll Flanders » de Daniel DeFoë, « L’Histoire de Tom Jones, Enfant Trouvé » d’Henry Fielding et l’humour caustique des Monty Python. Cela apporte beaucoup d’intérêt et de finesse à la lecture et à la fluidité de la narration, car « Colin ou les Voluptés Tropicales » défile véritablement sous nos yeux comme un film, soigneusement découpé en séquences coquines ou humoristiques, parfaitement dosées pour qu’on dévore le roman avec enthousiasme.

Paul Reboux parvient ainsi, dans un format relativement court, à enchaîner, en dépit d’un scénario assez mince, tous les éléments d’un vaudeville réussi, avec des personnages riches et contrastés, tous empreints d’une duplicité réaliste, en balayant toute forme de manichéisme, avec, comme seule concession faite à la morale, une condamnation gentillette, discutable par ailleurs, des relations amoureuses dans un contexte impliquant une trop grande différence d’âge entre les amants.

Bref, il vaut être vraiment très pinailleur pour ne pas trouver un charme fou et insolent, une drôlerie féroce et une maîtrise narrative extraordinaire à ce petit roman faussement british, sans aucune prétention, mais qui donne au final bien davantage que ce que son titre promettait.  
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À la manière de...

Un monument du pastiche. Certains auteurs pastichés sont maintenant inconnus, mais. quelques textes sont inoubliables. En particulier à la manière de Huismans, d'un style tellement marquant qu'il m'a donné envie de découvrir l'original. Tout est également assez humoristique car si le style est très bien rendu, les histoires se moquent aussi assez souvent des idées politico-philosophiques des pastichés.
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Sens interdits : Sodome et Gomorrhe

Cet essai publié en 1951 par Paul Reboux, romancier et polygraphe, est original par la façon dont il aborde son sujet. Dans de courts chapitres (lieux, littérature, pays, histoire, apparence, pratiques, etc.), il dresse un tableau volontairement positif de l'homosexualité. Ce dernier aspect du livre peut intéresser davantage que ce qu'il détaille concrètement, qui apparaît plutôt anecdotique et reprend parfois certains lieux communs.



Dans la préface qu'il donne à son travail, Paul Reboux signale son type d'engagement : "C'est à l'intention des dits moralistes que j'ai composé cet ouvrage. Si, dans leur esprit - fermé comme un casque d'un combattant des croisades - pouvait pénétrer un peu de pitié, de raison, de tolérance, d'indulgence, je souhaiterais que l'occasion leur en fût donnée par la lecture de ces lignes où j'ai essayé de trouver les motifs physiologiques de l'inversion, et de comprendre pourquoi cette sorte d'amour a été tour à tour exaltée et maudite."



Cet appel à la compréhension et plus encore le sens général de l'oeuvre de Reboux pouvaient lui susciter des adversaires. Dans l'entre-deux-guerre, l'abbé Bethléem, dénoncait ainsi et signalait en même temps drôlement à la curiosité des amateurs : "[un] romancier, immoral et pervers, dont les ouvrages sont de répugnantes polissonneries, des histoires cyniques et des leçons de luxure [...]".
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À la manière de... pastiches classiques

Autant d’invitations à voyager dans l’histoire littéraire, de La Fontaine à Conan Doyle, en passant par Chateaubriand, Hugo, Baudelaire, Flaubert, Zola, Daudet, Verlaine et Loti. Véritable critique littéraire par imitation et variations, ils permettent de travailler les différents ressorts du comique, ainsi que les notions de genre et de courant, et s’inscrivent parfaitement dans le programme sur les réécritures. FNAC
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