Trois conférences rassemblée dans ce petit volume. A elle seule, la première mérite le détour.
"Amour et justice" doivent-ils être nécessairement conjuguées pour aboutir à une société juste?
Après un premier survol des thèses de Rawls (qu'il examinera plus en détail dans d'autres ouvrages) qui sont purement libérales et excluent tout recours aux sentiments, Ricoeur se penche sur l'approche qui intègre la générosité comme élément substantiel de la justice, acte d'humanité par excellence.
Il conclut que seule une action déterminée par la raison et par une dose de compassion permet de créer et de maintenir une société juste en vie. L'excès de raison, comme l'excès de compassion, peuvent mener à une certaine forme d'enfer.
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Soi-même comme un autre ou la réflexion (soi-même) sur l'ispéité (soi) et l'altérité (comme un autre). Pour aborder ce qu'est le soi, Ricœur se demande en dix études qui parle, qui agit, qui se raconte et qui est le sujet moral d'imputation. La notion de "corps propre" est au cœur des éléments de réponse apportés.
Comme toujours chez Ricœur, c'est très dense, très subtil et passionnant.
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Pour ce troisième tome, Ricoeur passe la seconde. Opposant Aristote à Saint-Augustin (encore), puis Husserl à Kant, et Heidegger à lui-même, il conclut à l'impossibilité de décrire le temps d'une manière autre que sous la forme d'un entrecroisement entre le temps absolu ou cosmique, et le temps intime ou phénoménologique. Cette conclusion est un socle qui lui permet ensuite d'entrecroiser à son tour la théorie du récit historique et celui du récit de fiction pour démontrer que seul l'entrecroisement des formes de récit permet de représenter le temps. Cette partie présente donc Mimèsis III, la refiguration du récit.
Mais tandis que le récit historique a pour fonction de transcrire le temps humain sur le temps cosmique par l'intermédiaire de connecteurs dont le calendrier est le plus emblématique (qui est cosmique puisque basé sur les mouvements de la lune et du soleil et humain puisque découpé selon son rythme, ses rites et ayant pour point d'origine un moment qu'il a choisi), à l'inverse, le récit de fiction vise à rendre le temps unique sensible sous une forme phénoménologique.
Le récit historique est ainsi refiguré sous la forme du temps cosmique dont les traces, issus des documents des archives, sont les éléments saillants qui permettent à l'historien de développer sa narration. Ceux-ci ont le choix entre une refiguration sous la forme du Même (il faut repenser les événements et devenir ceux qui les ont produits), de l'Autre (il faut mettre en évidence ce qui nous sépare du monde décrit) et de l'Analogue (il faut faire comme si nous y étions). le travail de l'historien est un travail de fidélité et de dette à l'égard du passé.
De son côté, le récit de fiction déréalise l'histoire narrée dans un espace temporel reconstitué. le récit de fiction est refiguré par l'acte de lecture, qui achève l'oeuvre littéraire. Celle-ci se révèle en trois étapes. D'abord le combat du lecteur pour percevoir le sens et la cohérence de l'oeuvre, puis sa déception ou son agacement que l'oeuvre (littéraire donc de qualité...) diverge de ses attentes, et sa tentative de reconstituer par une participation active et une sollicitation de ses connaissances à reconstituer la cohérence du nouvel esthétisme inachevé du texte. Si cela marche, une illusion se produit et le lecteur est entraîné dans le monde du texte, sinon, il en reste à la porte. de même, il est possible de relire une oeuvre du passé en mesurant la part d'innovation et de transgression qu'elle comporte, par rapport à la part supposée ou réimaginée d'attendus de l'environnement dans lequel elle apparaît. le travail de l'auteur est la fidélité qu'il doit à la reconstitution de sa vision du monde, ce qui contraint ses possibilités d'écriture que l'on aurait pu considérer, puisqu'il s'agit d'histoires inventées, infinies. le mythe d'une réalité de l'histoire est donc aussi grand que celui de l'irréalité de la fiction, les deux tendant à dire "le vrai".
Ce qui rapproche les deux formes de récit est la part d'imagination : celle de l'historien à "rendre" l'histoire, celle du lecteur à ouvrir les possibilités de l'oeuvre. Egalement les emprunts d'un récit à l'autre : la fictionnalisation de l'histoire (il s'agit de faire illusion pour "rendre" l'histoire) et l'historicisation de la fiction (le lecteur et le narrateur ont passé un pacte équivalent à celui du lecteur et de l'auteur de récits historiques). Ensemble, ces deux formes de récits, et ensemble seulement, parviennent à rendre le temps humain.
Ricoeur achève son ouvrage par une réflexion sur l'herméneutique historique qui suppose de renoncer à considérer l'histoire comme une globalité temporelle à la mode "philosophie de l'histoire" de Hegel et d'envisager plutôt, avec les risques que cela comporte, une herméneutique de la conscience historique, comme capacité à réinventer le passé et à envisager l'avenir dans le présent historique, ceci comme une différence éternellement réévaluée entre l'espace d'expériences (du passé) et l'horizon d'attentes (de l'avenir). Notre époque se caractérisant par des horizons un peu trop grands (utopiques) et des espaces un peu réduits (non réévaluation du passé).
Ce qui est captivant dans la troisième partie de cet essai, c'est l'exposition des principes de fonctionnement de la production du récit historique et de celle du récit de fiction et la subtilité des arguments de Ricoeur à démontrer leur symétrie qui mène, certes, à des intentions différentes, mais selon des axes de production (restitution du temps, imagination, prétention à dire le monde) identiques.
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Quel ennui que cette lecture ! Je ne dirai pas ici comme j'ai écrit ailleurs que c'est toujours précis chez Ricœur. Comme c'est verbeux et comme le sens se disperse à chaque page, sinon entre paragraphes ! Je n'ai pu lire qu'en diagonale. Le mot "reconnaissance" est d'abord défini en reprenant le dictionnaire et puis il est décliné : chez Descartes, Kant, Hobbes, Bergson, Hegel... mais comme tout cela manque d'intuition et de vie ! on croirait lire une analyse littéraire peu investie, on reste en surface, on change de sujet, on passe à autre chose. Je m'attendais à plus profond, plus sensible peut-être, et moins étendu. Je n'ai pas appris et je n'ai pas "reconnu" Ricœur.
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Quels rapports ont l'Histoire et la Vérité? La question semble sans fin, et Paul Ricoeur l'aborde par tous les côtés, d'abord en se demandant ce qu'est le travail de l'historien, puis celui du philosophe, puis en traitant par la logique et le retour sur le monde les grandes questions liées à l'Histoire : la politique, l'Etat, la culture, l'économie, le travail. Que retenir des analyse rigoureuses du philosophe? Quel lien existe-t-il entre les multiples facettes de la philosophie quand elle se penche sur l'histoire? Beaucoup d'idées, mais finalement le sentiment d'arriver à la fin du livre en n'en ayant pas retenu grand chose. Peut-être celui-ci est-il trop plein, en ma cervelle trop petite trop vite saturée. Il faudrait relire, et creuser.
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Fait partie des quelques ouvrages dans lesquels j'ai pris un plaisir particulièrement intéressant, voire émouvant.
Ces éléments proposés par Paul Ricoeur, m'ont aidé, accompagné pour avancer dans l'"acceptation" du Mal...
Mal de société, Mal de spiritualité, Mal de religion, Mal de l'autre ....
En une douzaine de chapitres-paragraphes, Paul nous malmène, bouscule, remet en cause ce, sur lequel ma génération, et moi en particulier, j'ai construit mon existence, dans la culpabilité permanente de soi et des autres.
Cela dit, petit opuscule de 65 pages en dessous du format A5 est d'une densité rare qui m'a impose l'utilisation de dictionnaires, de repos entre chaque idée, de reflexions...
Oui, c'est un livre que j'ai lu avec passion et que je relirai et relirai avec d'autant plus d’intérêt que le recul sera réel
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Constatant que Saint-Augustin ne parvenait pas à concevoir le temps autrement que comme une multiplication des présents (la mémoire comme présent du passé, la vision comme présent du présent et l'attente comme présent du futur), tandis que pour Aristote la mise en intrigue d'un récit ne peut se faire que dans le rapport de l'énonciation à la temporalité, l'intuition vient à Paul Ricoeur que la notion de temps ne pourrait se concevoir que comme un récit et que le récit, à son tour, ne pourrait se concevoir que replacé dans une temporalité. S'attachant dans ce premier tome au récit historique, il conclut que l'Histoire ne peut être autre chose qu'un séquençage d'événements mis en intrigue par l'historien. Il réfute par là l'hypothèse que l'Histoire puisse être objective (indépendante de la mise en intrigue) ou qu'elle puisse exister en dehors d'un récit (ce qui signifierait en dehors d'une temporalité propre).
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Un livre qui m'a beaucoup marquée, avec lequel j'ai énormément lutté (j'ai rarement mis autant de temps à en lire un, ni autant noté de passages pour mes recherches !) .
Ce livre est une réflexion au travers d'auteurs de renom sur les rapports entretenus entre la politique, l'histoire et la réflexion philosophique et scientifique. Sur la construction de leurs manières de voir et de décortiquer ces objets d'études fondateurs de la société moderne.
Il n'est donc pas ici question de l'idéologie et de l'utopie dans leurs acceptions courantes, mais en tant que matériaux intellectuels, angle de perception du réel, axes de réflexion.
Le propos est fournis, technique, mais tellement riche ! Mon cerveau en fume encore !!
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Particulièrement complexe à lire. Je pense qu'il faut une formation solide en philosophie.
Mais ça m'a quand même donné envie d'y arriver un jour, le sujet est passionnant !
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Un texte que j'ai trouvé ardu, avec beaucoup de longueurs qui me perdaient en route, mais ces réflexions sur la mort de la part d'un philosophe sont intéressantes.
En fait j'ai plutôt eu le sentiment d'écouter un vieillard intelligent qui aborde un sujet qui le concerne.
Il a trouvé quelques réponses, et je me questionne toujours autant qu'avant, mais peut-être mieux !
(lu 2013)
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Cet essai bien documenté et très accessible nous donne la vision à la fois scientifique et philosophique des neurosciences. Un dialogue riche et pertinent des deux grands spécialistes éclaire "ce qui nous fait penser". Pour cela, ils nous parlent d'éthique, de morale, de nature et de règle. Ils n'oublient pas de prolonger cette étude fouillée par une appréciation sur la paix, la vie, l'amour et ce qui fait l'essence de l'homme : son moi profond.
A lire pour réfléchir sur qu'est ce que l'homme ? Quel est son avenir ? Quel est l'avenir des neurosciences ? Qu'est ce qu'elles peuvent nous apporter ?
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Impression que le texte date un peu maintenant, il ne m'a pas retenu.
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Une réflexion intéressante quoique limitée selon certains aspects. Les thèses défendues ne sont pas les plus originales que j'ai pu lire mais l'argumentation me semble très correcte et propose en tout cas une réflexion conceptuelle exploitable et porteuse bien que je ne partage pas la philosophie générale de l'auteur. Cet essai vise explicitement une synthèse de divers courants, ce que certains trouveront appréciable.
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Je suis véritablement impressionné par la solidité de l'argumentation scientifique de Mr Jean-Pierre Changeux, sa confiance en l'intelligence de la recherche scientifique, son aptitude transdisciplinaire incluant les dimensions symboliques et artistiques,...le tout avec respect laïque de l'Autre et des idées de cet-autre soi-même,... et assisté par le sourire de la confiance et de la bienveillance... Merci pour ce supplément d'intelligence de la complexité...
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Après s'être intéressé à caractériser la configuration du récit historique (Temps et récit I), Paul Ricoeur livre ici son analyse de la configuration du récit de fiction par rapport au temps. Il met d'abord en évidence l'existence d'une intelligence narrative qui traverse les époques et prélude à la narration, ce qui laisse envisager des métamorphoses de l'intrigue, mais non sa disparition. Puis, reprenant les travaux de Propp, Bremond et Greimas, il conclue à l'impossibilité de concevoir un modèle de narration indépendamment de la notion d'intrigue (une taxinomie), et donc, de la temporalité. Il met ensuite en échec les conclusions de Benvéniste, Hamburger et Weinrich qui postulaient la stricte indépendance des systèmes des temps verbaux (passé simple, imparfait, présent, futur, etc.) d'avec l'expérience du temps comme phénomène. Ceci l'amène à s'intéresser à la manière dont, d'une part, les théoriciens Müller et Genette ont décrit les possibilités offertes par la fiction de jouer avec le temps, et dont, d'autre part, les romanciers Virginia Woolf (Mrs Dalloway), Thomas Mann (der Zauberberg) et Marcel Proust (A la recherche du temps perdu) l'ont effectivement fait.
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livre mineur dans l'oeuvre de Ricoeur traité sur un angle beaucoup trop littéraire
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Livre de synthèse de la pensée de Ricoeur . Chrétien philosophe
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