AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Paul Roussenq (4)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
L'enfer du bagne

Réédité pour la première fois depuis 1957, L'enfer du bagne raconté par Paul Roussenq ressemble beaucoup à celui dénoncé par Albert Londres dans son reportage Au bagne publié en 1923 dans le journal le Petit Parisien : magouilles, système D, vols, meurtres, délations, homosexualité... La vie au bagne est une question de survie. Là où sévissent la faim, la maladie et la damnation, commence la déshumanisation. Témoin de cet enfer, Paul Roussenq dit l'Inco, condamné à 20 ans de travaux forcés (il en fera 14), détient le record de jours de cachot, soit 3779 jours, l'équivalent de 10 ans de sa vie ! Celui qui avait toujours prédit qu'il finirait dans un requin, avait pourtant pour lui son intégrité. Même la Tentiaire n'aura pas réussi à le corrompre et ses idées anarchistes l'accompagneront toujours dans son combat contre l'autorité. Incorrigible, il l'était dans la provocation à outrance : ne brûlait-il pas ses effets systématiquement ? Ne se tailladait-il pas le corps pour exacerber l'agacement des gardiens ? Ne demandait-il pas ironiquement des jours de cachot supplémentaires par effronterie ? N'a t-il pas traité le gouverneur de m... lorsque pour le punir, le directeur du bagne refusait justement de le punir ? Et lorsque de passage à l'ïle du Salut, Albert Londres lui demande pourquoi ce combat du pot de terre contre le pot de fer, le matricule 37664 a simplement justifié ses actes par son amour de la justice. Les correspondances qu'il entretenait avec les autorités supérieures ayant droit de contrôle et d'inspection sur l'administration pénitentière et ses réclamations traduisaient son horreur de l'injustice. Devenu la bête noire des autorités, on taisait souvent sa fureur par ... des jours de cachots. Ainsi qu'il le rapporte dans son témoignage : "On me disait souvent : vous avez tort d'avoir raison; la lutte que vous menez, c'est celle du pot de terre contre le pot de fer. Un jour ou l'autre, vous serez brisé." (p.98). Mais il ajoute encore : "On me disait aussi : nous ne vous demandons qu'une chose, de briser votre plume. En échange de quoi, vous aurez une place de tout repos où vous aurez votre nécessaire. En somme, on ne me demandait que d'être neutre, de ne plus me faire l'avocat des autres. Mais pouvais-je me résoudre à laisser se commettre tant de déni de justice sans intervenir ? Non ! A ces offres de capitulation, je répondais par la lutte à outrance." (p.98). L'Inco finira en effet brisé mais pas sans avoir résisté...



C'est lors de son séjour au bagne guyanais qu'Albert Londres fait la rencontre de Paul Roussenq. Ému par le témoignage de ce personnage haut en couleur, le journaliste prend sa défense : suite à son réquisitoire de 1923, le cachot est supprimé en 1925 même si le bagne n'est pas complètement aboli. C'est grâce à l'intervention d'Albert Londres à qui Paul Roussenq déclarait lors de leur entretien : "Je finirai dans un requin mais je veux revoir le soleil. " (p. 119) et à la mobilisation du "S.R.I" (Secours Rouge International), que le champion du cachot est libéré en 1929. Il reverra le soleil mais fidèle à la formule "Ni Dieu, ni Maître", il ne succombera pas de fatigue ou de vieillesse. Il choisira sa mort...



Publiés une première fois en 1934, ces mémoires sont réécrits par Paul Roussenq en 1942 et parus aux éditions F. Pucheux. Après le tapage médiatique du reportage d'Albert Londres de 1923, cette nouvelle édition passe inaperçue. Il donc est intéressant de redécouvrir ces mémoires maintenant que le bagne est définitivement supprimé mais surtout de pouvoir les appréhender à la lumière du travail du grand reporter : on ne retrouve pas dans ces mémoires le "côté sensationnel" relayé par Albert Londres (qui a on doit l'applaudir, remis en cause le système judiciaire français et contribué à démanteler l'administration pénitentière des bagnes coloniaux). Toutefois, ce qu'a pu entrevoir le journaliste pendant un mois, Paul Roussenq l'a vécu 21 ans. Alors, son témoignage prend une dimension toute différente : c'est avec beaucoup de distance et presque de froideur que l'ancien bagnard revient sur les conditions de détention des condamnés. Les raisons de sa révolte s'y découvrent dans toute leur factualité. Pas de rancoeurs, le temps a coulé et Paul Roussenq ne cherche pas à émouvoir les lecteurs par ses mémoires. D'ailleurs, il est maintenant mort depuis longtemps (1949). Son témoignage est intéressant mais plus que cela, ce que j'ai beaucoup apprécié dans cette lecture, ce n'est pas tant ce que Paul Roussenq donne à lire, mais ce qu'il donne tout court. Et s'il a été tenté d'enjoliver ses souvenirs (ne dit-on pas que se souvenir, c'est changer le passé ?), L'incorrigible est à mon sens un monument d'intégrité dont on gagnerait tous à s'inspirer...



Cette fois-ci encore, les éditions Libertalia tiennent leurs engagements. Découvrez cette maison d'édition militante qui proposent vraiment un travail de qualité.
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
Commenter  J’apprécie          130
L'enfer du bagne

Après avoir enchaîné Au bagne d'Albert Londres et La vie des forçats d'Eugène Dieudonné, je termine cette "trilogie du bagne" par le témoignage d'un autre forçat rendu célèbre par Londres, comme Dieudonné : Paul Roussenq, dit l'Inco (c'est-à-dire "l'Incorrigible")

L'évocation qu'Albert Londres fit de lui dans Au bagne, qui figure d'ailleurs en post face de celui-ci, était si impressionnante qu'elle engendra, comme pour Dieudonné, une campagne nationale, menée par les organes du parti communiste français (reniés ensuite par Roussenq), qui mena finalement à sa libération après 25 ans de bagne, dont plus de la moitié au cachot, où le bougre se signala par une opposition systématique à tout l'appareil répressif de son pays, d'où son surnom.

Il faut dire qu'il avait été, à l'origine, condamné à 5 ans de réclusion pour avoir jeté quelque chose, dans un moment de colère et sans conséquence, à la tête de l'avocat général qui voulait l'envoyer en prison pour vagabondage. À sa sortie, il fut envoyé aux Bat-d'Af, les tristement célèbres bataillons disciplinaires de l'armée où, à force de brimades quotidiennes et de mises en cellule abusives, il finit par mettre le feu à sa tenue de prisonnier, ce qui lui occasionna 20 ans de travaux forcés pour "tentative d'incendie volontaire d'un bâtiment de l'armée"... Il avait donc bien de quoi être révolté, et est un exemple flagrant de ce qu'un homme peut devenir quand il n'a plus rien à perdre.

La vie des forçats de Dieudonné était déjà factuel, L'enfer du bagne l'est plus encore. En quelques chapitres assez courts, voire très courts, Roussenq décrit froidement et méticuleusement les mécanismes du bagne à la française, effrayants d'incurie. Il confirme presque tout ce que dit Dieudonné, et ajoute peu de choses. Ces deux témoignages corroborent largement les impressions externes d'Albert Londres, la lecture de ces trois ouvrages donne donc une vue globale assez indiscutable (et épouvantable) de ce qu'était le bagne.

La préface de Jean-Marc Delpech est assez intéressante et complète le propos. Je partage ses soupçons sur le caractère apocryphe des deux derniers chapitres, car je vois mal comment l'anarchiste impénitent qu'était Roussenq aurait pu écrire ces bondieuseries.

En définitive, les ouvrages de Dieudonné et Roussenq comportent pas mal de redondances, et la lecture de celui de Dieudonné, bien plus long et riche en anecdotes, peut suffire.
Commenter  J’apprécie          110
L'enfer du bagne

prison, camp de concentration, toutes les privations, tous les sévices, l'auteur les raconte d'autant mieux qu'il les a vécus
Commenter  J’apprécie          20
L'enfer du bagne

A contre courant d'une romance à la "Papillon" (Henri Charrière), ici les mots cognent fort sur les chaînes de la détention.
Commenter  J’apprécie          10


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Paul Roussenq (20)Voir plus

Quiz Voir plus

Quand les aliments portent des noms insolites ou pas...

Les cheveux d'ange se mangent-ils ?

Oui
Non

10 questions
80 lecteurs ont répondu
Thèmes : nourriture , fruits et légumes , fromages , manger , bizarreCréer un quiz sur cet auteur

{* *}