ÉTAT-CIVIL
Aucun soleil jamais ne sèchera ce sang
Aucun
Deux enfants s'en vont
Deux vagabonds
Avec trois billes
Un vieil accordéon serpente
Seul
Et se convulse
Mon cœur grille comme un hamburgersteak
L'estomac des pauvres rétrécit
Je n'ai plus d'état-civil
Je suis une flaque de sang
Avec des cils.
L'ENFANT VOUDRAIT
L'enfant voudrait être lapin. On saccagerait sa garenne, on le
dénoncerait pour vol de carottes.
Voudrait être ver luisant. Pas question, les enfants dorment la nuit.
Voudrait glapir comme le renard, ululer comme la chouette ;
les cris sont interdits dans la ville.
L'enfant voudrait être poisson rouge. Il ne trouverait pas de
vasque, pas de teinturier pour le porter à l'écarlate.
Voudrait être lézard ; on le gaverait de vitamines.
Être un feu vert et regarder passer les voitures.
Être une craie blanche et jouer des tours pendables au
maître, écrire les mots en noir, à l'envers.
Être un dossier de tribunal, un épais dossier et s'assaimer
dans le vent, page par page.
Être un ruisseau et couler dans la rue.
L'enfant voudrait être une étoile et briller dans les prisons.
Être un saule pleureur et rire aux éclats dans les cimetières.
Être un escargot et gagner la course contre la montre.
L'enfant voudrait être un enfant.
Impossible. On ne permet pas à l'enfant d'être un enfant.
IL MARCHAIT
Or, il marchait
lèvres découragées
Il avait embrassé une femme
parlé à des amis
raconté à ses enfants son étymologie
Sur son pantalon repassé
qui puait le procès-verbal
il portait une veste vigoureuse de rocker
dérobée dans une discothèque
Il avait deux identités
on n'en avait plus
on n'en avait jamais eu
Or, il marchait sous un ciel épagneul
parmi des parfums taciturnes
Couples s'aimaient
autour de la mappemonde
L'aigle dédaignait cette charogne
Un tigre se suicidait dans l'Euphrate.
AMANTS NAIFS
Amants naïfs
vous qui sifflez dans les branches
et dérangez le merle, la feuille, le fruit
vous vous écorcherez un jour le sexe
Le bonheur est un terreau propice à l'épine
Et que ferez-vous après
avec ces plaies entre vos cuisses ?
Ah ! je vous vois
vous badigeonner d'iode
vous enflammer d'une haine nue
Tant pis pour vous
Il faut un cœur cynique
une voix désespérée
pour siffler dans les branches.
UN JOUR
extrait 2
Un jour on se lève
on exige dans les restaurants
des bisques de crapauds
du vin qui sent le bouchon
Un jour on se lève
gaga
et rutabaga.
UN HOMME
Un homme avait deux enfants
L’un à Tombouctou
L’autre à Tomboucta
Il se coupait le cœur
Du résidu
Du réséda
Il habitait à Tohu-Bohu
C’est loin, c’est loin
De Tombouctou, de Tomboucta
Alors il restait chez lui
Et dans son jardin
Rongé par les chinchillis
Par les chinchillas
Il enterrait
Des mots d’amour
Crevés.
UN JOUR
extrait 1
Un jour on se lève
On oublie sa prothèse dentaire
sur la table du lavabo
On pisse de travers
On roule quelques kilomètres
puis on broie du noir dans les zones bleues
Un jour on se lève
On marche sous le soleil
vêtu d'un imperméable
et on demande l'heure
aux enfants qui n'ont pas de montre
…
FÊTE POPULAIRE
L’odeur rapide
de ton cœur
Puis plus rien
mes narines pauvres
Tu pars avec un autre homme
coiffé d’un chapeau de cow-boy
Des rengaines pleuvent des micros
Ambule de la foule
dans les rues festives
Madame Cachemire, ...