Collection Iconopop, Anouk & Pauline Delabroy-Allard, "Enracinées", 2 mars 2023
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Passion. Du latin patior, éprouver, endurer, souffrir. Substantif féminin. Avec une idée de durée de la souffrance ou de succession de souffrances : action de souffrir. Avec une idée de démesure, d'exagération, d'intensité : amour considéré comme une inclination irrésistible et violente, porté à un seul objet, dégénérant parfois en obsession, entraînant la perte du sens moral, de l'esprit critique et pouvant provoquer une rupture de l'équilibre psychique. Dans la philosophie scolastique, ce qui est subi par quelqu'un, ce à quoi il est lié ou par quoi il est asservi.
Page 53, Minuit, 2018.
Ça raconte Sarah, sa beauté mystérieuse, son nez cassant de doux rapace, ses yeux comme des cailloux, verts, mais non, pas verts, ses yeux d'une couleur insolite, ses yeux de serpent aux paupières tombantes. Ça raconte Sarah la fougue, Sarah la passion, Sarah le soufre, ça raconte le moment précis où l'allumette craque, le moment précis où le bout de bois devient feu, où l'étincelle illumine la nuit, où du néant jaillit la brûlure. Ce moment précis et minuscule, un basculement d'une seconde à peine. Ça raconte Sarah, de symbole : S.
Page 31 et 4ème de couverture, Minuit, 2018.
Ça raconte Sarah, sa beauté inédite, son nez abrupt d'oiseau rare, ses yeux d'une couleur inouïe, rocailleuse, verte, mais non, pas verte, ses yeux absinthe, malachite, vert-gris rabattu, ses yeux de serpent aux paupières tombantes. Ça raconte le printemps où elle est entrée dans ma vie comme on entre en scène, pleine d'allant, conquérante. Victorieuse.
Page 15, Minuit, 2018.
Son parfum. Son odeur. Sa nuque. Ses cheveux. Ses mains. Ses doigts. Ses fesses. Ses mollets. Ses ongles. Ses lobes d'oreille. Ses grains de beauté. Ses cuisses. Sa vulve violine. Ses hanches. Son nombril. Ses tétons. Ses épaules. Ses genoux. Ses aisselles. Ses joues. Sa langue.
Page 34, Minuit, 2018.
'Dehors , dans cette nuit grisâtre que je perçois par la fenêtre, les oiseaux chantent , On dirait qu'ils sont mille , gazouillant à qui mieux mieux, fendant l'air dans tous les sens , comme le plus habile des pilotes . Cette nuit de chaleur écrasante , c'est leur 14 juillet à eux, ils font de la voltige aérienne et ils s'en donnent à cœur joie , inventant des figures toujours plus périlleuses . Dans les arbres lointains, des tourterelles banlieusardes saluent de leurs trilles stridents le tout petit matin qui pointe....."
Ça raconte ça, le silence tonitruant et les jours cotonneux dans lesquels on flotte, quand on offre la vérité.
Alors, c'est comme ça ? La vie peut s'arrêter, l'amour peut mourir, et ce monde peut continuer, juste à côté, dans le même temps, dans le même espace, à étinceler de beauté ?
Ici pas de silence
la maison est plus vivante que moi
elle est plus vigoureuse plus affairée
elle m'entoure
elle me veille
moi qui garde le lit les lits les livres
elle me soigne
comme une mère
comme une mère comme un père
mes parents gardaient aussi les lits les livres
la maison me protège
elle me borde le soir
elle me caresse le front le matin
... c’est une chose dont on rêve souvent, acheter un aller sans retour, un billet pour l’aventure, une chose qu’on caresse par l’esprit pour s’apaiser quand la vie devient trop compliquée, trop fatigante ...
Et il y a cette incroyable chose qui est ce langage étranger qu'elle a et que je n'ai pas, il y a cette incroyable chose qui est de la voir lire ce que je sais à peine déchiffrer, la voir parler là où je bredouille, écouter alors que je ne sais qu'entendre. Elle me regarde avancer, avec ses yeux verts aux paupières tombantes, les bras en balancier, sur ce fil tendu vers elle. Et c'est avec une infinie tendresse qu'elle me laisse dire ce que je ressens, parler de ce que je connais mal, avec mes mots maladroits et parfois incorrects. C'est l'été, et, je me souviens de ça, j'entre dans la musique enveloppée par son "humanité". C'est mon éducation sentimentale, et éducation sentimentale, ça veut dire d'où viens-tu quel est ton nom.