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Citation de Feelbysmell


Pauline Dumail
2002

C’était un matin de Juillet à la chaleur parisienne torride et étouffante. La ligne 12 se remplissait à Pasteur puis à Montparnasse. C’est alors que la Dame en Rose fit son entrée dans ce monde tout gris. Grande dame, âgée, dans les 75 ans, coquette et jolie, elle s’en allait, de rose framboise vêtue, accompagnée de bracelets bringuebalants et d’un rouge à lèvre assorti à sa tenue. Elle s’en allait, ou plutôt, elle arrivait. Dans ce wagon rempli à craquer, la place qui venait de se libérer était pour elle, le plus naturellement du monde, et rien ni personne n’aurait pensé aller à l’encontre de ce fait. Non pas qu’elle eût l’air trop âgée pour rester debout, au contraire, elle dégageait force et énergie. Disons que c’était une chose établie, incontestable, pleinement légitime et sans aucune prétention. Elle s’assit donc à côté de la vitre, en face d’une jeune femme endormie, empêtrée dans de sombres rêves liés à son triste quotidien.

Une jolie dame que cette dame en rose, malgré de nombreuses années déjà derrière elle. Bien coiffée avec son beau chignon. Elle prend soin d’elle la Dame en Rose, avec ses pommettes roses. Et elle n’aime pas transpirer. Alors pour éviter ces gouttes sur son visage, qui enlèveraient son maquillage parfait, elle sort son éventail de son joli petit sac à main. Et puis elle se fait du vent. Oh ! Ca n’est pas follement efficace, mais ça fait du bien quand même, et puis c’est d’un chic…ça lui va bien à la Dame en Rose. Et toute cette mise en scène a sorti notre jeune fille endormie de sa torpeur, qui à présent, le nez en l’air, regarde, amusée, cette drôle de dame.

Quand tout à coup, son nez la pique et… ATCHOUM !!! Un éternuement qui implique la recherche immédiate d’un mouchoir, la plongée des mains et des yeux dans le sac à main ramenant la pensée où elle était initialement, dans d’autres temps et d’autres espaces.

Lorsque soudain, un autre « ATCHOUM » voisin la sort à nouveau de sa torpeur, et qu’à ce moment précis, elle prend conscience de l’odeur qui entre dans ses narines. Un parfum fleuri, épicé, corsé, et poivré. C’est le parfum de la Dame en rose. Il sent bon, très bon même, mais il est un tantinet sternutatoire…

Alors la jeune femme relève le nez à nouveau et regarde cette drôle de dame. Plus elle secoue son éventail, plus elle entend de « ATCHOUMS » clairsemés dans le wagon, de plus en plus éloignés. Et à chaque « ATCHOUM », cette jeune femme prénommée Maïa regarde en coin la Dame en Rose, et lui voit plein de malice au fond de l’œil, de fines pâtes d’oie qui prolongent ses yeux coquins, alors que la commissure gauche de sa lèvre peinte en rose mat et foncé se soulève légèrement, exprimant une satisfaction personnelle modeste et joueuse. A chaque nouvel « ATCHOUM », Maïa sourit et la regarde en coin d’un air complice.

Elle a compris qu’elle était démasquée la Dame en Rose, mais cela ne lui plaît pas trop. C’est en tout cas l’impression qu’a Maïa. Elle a l’air un peu peste, mais c’est une gentille peste, à coup sûr, il ne peut en être autrement… et elle ventile, elle ventile. Et « ATCHOUM! ATCHOUM !»…



Toutes ces personnes, qui ne se reverront plus jamais, et qui si elles se recroisent, ne se reconnaîtront probablement pas, ont un point commun aujourd’hui. Toutes ont inhalé le parfum de la Dame en Rose. Cette odeur a franchi le seuil de leurs narines et est allée se loger dans le creux de leur cerveau, s’insérant dans leur mémoire olfactive sans qu’elles n’en aient la moindre conscience.



Louise porte sur elle une odeur 100% naturelle. Aucune molécule de synthèse. Seulement des quintessences de la nature, cultivées, distillées puis assemblées avec l’Amour et le Savoir-Faire des « Terriens ». C’est pour cela que toutes ces personnes éternuent ce matin. Baignées dans un monde d’odeurs de synthèse depuis leur plus tendre enfance, ces citadins rejettent malgré eux le « terroir » qui a tenté de franchir leurs narines, trop puissant pour ces nez aseptisés. Le parfum de Louise allie dans une harmonie parfaite les différentes plantes qui correspondent à ce qu’elle est. Le Galbanum s’impose en-tête, avec une forme d’autorité naturelle et un ancrage profond, qui vient conjuguer la vie au présent. Puis rapidement, il s’efface pour laisser la place au pétillant et capiteux Jasmin, qui règne en maître sur cette composition, à la fois très féminin, fleuri, et en même temps espiègle et joueur, doté d’une éternelle âme d’enfant, comme l’est Louise. Le Ciste Ladanifère, à peine perceptible, vient alléger de toutes les lourdeurs du passé. Instant Présent dans la joie et la pétillance du Jasmin, dans l’ancrage du Galbanum, dans le nettoyage du Ciste, et dans le sens incisif de la répartie du Poivre, un tantinet sternutatoire à lui tout seul. Enfin, le dernier, à peine perceptible, qui sera celui qui restera le plus longtemps, plusieurs jours après que ce parfum aura imprégné son support, d’une douceur qui n’a d’égale que sa puissance, un guide dans l’écoute de son intuition, pour un alignement parfait âme-corps-esprit, une odeur presque animale, le Bois de Santal.

Ce parfum est magnifique, puissant, équilibré. Et Maia le respire sans savoir ce qu’il est ni qui il est, mais il lui plaît, elle ne saurait dire pourquoi.
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