Citations de Pauline Hirschauer (12)
Quelle ambiance dans la mythologie où tous ces dieux et déesses copulent et coagulent. Mixité entre eux, fermeture entre humains. Joie, tristesse, besoin intègre ou social, il est écrit que la solitude est inhumaine. Quel spectacle que de les voir s'ébattre follement à travers le verre parfumé de l'aquarium céleste. Le panthéon des cœurs et des corps. Une petite souris, un petit trou, un gros œil pour encenser cet univers qui grouille de jambes, de têtes et de cuisses emmêlées.
Quand je vois Ogron, je me dis pourtant que lui aussi vient d'une autre planète. Et pourtant nous sommes voisins. Tout un poème à décliner sous tous les prismes de l'arc en ciel. Nul besoin de se perdre aux antipodes, le voyage avec lui commence à chaque contact.
Les confidences de Céleste m'envahissent contre mon gré et résonnent en moi. Elles font écho à mon cheminement personnel depuis mon traumatisme et tout ce que je mets en place pour mieux me sentir.
Lorsque Dune était encore avec Jules les semaines heureuses qui précédaient les semaines suivantes, elle était davantage centrée sur ce qu'elle vivait en amour, allant jusqu'à oublier son entourage proche. Je râlais devant tant d'inattention et d'ingratitude. L'harmonie qu'elle ressentait avec Jules n'alimentait pas son besoin de confidence. Elle se sentait bien, je peux le comprendre. Même si j'étais froissée qu'elle me zappe, je la voyais épanouie pour la première fois, sans nœuds au cerveau ou au cœur, avec en filigrane constant l'impétuosité de son caractère. Dans le fond, je suis fâchée, peut-être une question d'amour-propre mal placé. C'est trouble. Je dois l'admettre. Dune ne partageait plus grand-chose avec moi depuis quelques semaines, ni bonheurs ni malheurs.
Bulle de mes enfants, bulle amoureuse, bulle indienne, bulle de vie de ma ville. Toutes mes bulles se croisent sans bruit, se tutoient sans se parler.
Je comprends peu à peu, avec recul et distance, que depuis notre départ pour l'Inde, Dune est passée par des états d'âme variés, éprouvants et exacerbés. Je relie chaque émotion à un comportement spécifique. Je n'arrive à décrypter cette palette d'émotions que maintenant, loin du tumulte du voyage, une fois ancrée à nouveau dans mon quotidien.
Capcity-le-Soubresaut et l'Inde, deux univers parallèles qui se croisent à travers l'expérience sur le terrain de deux jeunes filles. Le témoignage d'Ana à travers tous ces mails me permet de relativiser légèrement tous les désagréments mineurs que je peux rencontrer dans ma vie d'ici. L'Inde me semble plus proche même si je suis bien en dessous de ce que peut être la réalité. Une intuition peut-être.
- J'ai un plan de la mort ! Caméliope, tu vas acheter tout de suite un gros pack de bières, ordonne-t-il.
Damoclès dans nos vies. L'entièreté du voyage ferroviaire ne me suffit pas pour me remettre du renversement de situation qui s'accroche comme une tique indéracinable sur nos vies. Cette abominable tique de la panique avec ses pattes perverses et à moitié hispides pénètre sous la peau pour alimenter cette saleté de maladie qu'est la peur de l'inconnu. Nous arrivons. Je suis peut-être prête pour une nouvelle vie à Capcity-le-Soubresaut mais je ne suis pas prête pour tout démanteler et repartir de zéro. C'est dit. On n'a pas fini d'entendre parler de Caméliope.
Impossible de vivre d'un seul morceau. La vie est un sempiternel jeu de sauts, de plongeons et d'acclimatations progressives dans des bains hétérogènes. La terre se dévoile comme un ensemble de trous d'eau, de flaques, de rivières ou d'océans qui se mélangent et se rattrapent grâce aux puissants influx des eaux souterraines et du magnétisme lunaire. Tout est démarcations, limites, jonctions et fusions. Un nuage blanc et vaporeux, venu d'un peu plus loin sur la planète, descend régulièrement au centre du quotidien trépidant de Capcity-le-Soubresaut. Ma filleule y est installée confortablement en tailleur, molletonnée selon sa guise dans son coton à mémoire de forme. Jusqu'à aujourd'hui, Ana donne l'impression, à travers les sentiments qu'elle diffuse sur son mode de vie indien, de dépasser chaque obstacle avec succès. Pourtant, selon son dernier mail, la situation ne semble pas s'améliorer, les nouvelles deviennent plus alarmistes.
« Quelle ambiance dans la mythologie où tous ces dieux et déesses copulent et coagulent. Mixité entre eux, fermeture entre humains. Joie, tristesse, besoin intègre ou social, il est écrit que la solitude est inhumaine. Quel spectacle que de les voir s’ébattre follement à travers le verre parfumé de l’aquarium céleste. Le panthéon des cœurs et des corps. Une petite souris, un petit trou, un gros œil pour encenser cet univers qui grouille de jambes, de têtes et de cuisses emmêlées. »
Capcity-le-Soubresaut, cette pittoresque petite banlieue proche de la capitale, vibre dans l'agonie joyeuse de l'hiver.