3 Questions à... Pedro Cesarino
Après le sauna dans la file d’attente de la banque, je prends une moto-taxi pour me rendre de l’autre côté de la frontière acheter les doses de sérum antivenimeux, les médicaments contre le paludisme et les pastilles de chlore qui, allez savoir pourquoi, ne sont pas commercialisés de ce côté-ci. La vendeuse me regarde un peu étonnée, mais elle a l’habitude de ne pas poser de questions. Mieux vaut ne pas connaître les raisons qui poussent un gus à aller se fourrer dans la jungle.
Je constate que le temps a passé depuis les premières fois, quand ces épopées en amont du fleuve me fascinaient et me transformaient. Maintenant, à quoi bon tant d'efforts? ça n'a plus vraiment de sens et je n'ai plus l'âge de mettre à l'épreuve mes capacités à me dépasser. Mes limites ont déjà été franchies, elles sont devenues bien trop familières et se sont émoussées.
Moi qui ai étudié la formation du paludisme dans les livres du labo, serais-je en train de me convaincre que c'est une belle maladie? Rien pourtant ne compense ses ravages. Rien, pas même ces fascinants micro-organismes qui viennent se nourrir de mes globules rouges.
— Tarotaro, comment c'est, l'histoire de l'attrapeur d'oiseaux, vous pouvez me la raconter ? C'est pour le livre. Vous savez, le livre ?
— Non, je ne sais pas. C'est une histoire très malheureuse. C'est pas une histoire pour les humains.
— Mais tout le monde dit que c'est important et j'aimerais l'écouter en entier, je crois que c'est la seule que je n'ai pas entendue en entier.
— C'est une histoire sans fin, t'en connais pas tous les détails, t'en connais qu'une toute petite partie.
— Je sais bien c'est pour ça que j'aimerais l'écouter.
— C'est pas une histoire pour les humains, c'est une histoire difficile, , faut pas y toucher...
- Et l'autre jour sur le fleuve, l'épervier qui volait au-dessus de nous, c'était Atitanga?
-Non, celui-là, c'était un simple épervier, c'était celui d'Apiboréu, il surveillait si t'étais pas en train de fricoter avec les femmes.