Ah ! mon dieu ! Se peut-il que je doive mourir de manière si subite ? D'aller si jeune sous la pourriture sombre et froide du sol grouillant de vers, clouée dans l'espace étroit d'un cercueil ! Ne plus voir les doux rayons du soleil ! Ne plus entendre la voix joyeuse de ce qui vit ! Ne plus m'absorber dans mes pensées familières, tristes peut-être mais aussi égarées — Horreur ! N'être plus rien ! Ou être…quoi ? Où suis-je ? Faites que je ne devienne pas folle ! Ciel clément, pardonne à ma faiblesse ! Et s'il n'y avait rien, ni Dieu, ni Ciel, ni Terre dans cet univers vide, dans ce vaste univers, gris, sans rien pour l'éclairer, insondable et désert! Si tout n'était là-bas... que l'âme de mon père, son œil, sa voix, le contact de sa peau partout autour de moi, atmosphère fétide de ma défunte vie ! Et si parfois, fantôme plus semblable à lui-même, sous la forme qu'ici-bas il avait lorsqu'il me torturait, masqué de cheveux gris, de rides, il venait m'enlacer de ses bras diaboliques et, ses yeux fixés sur les miens, m'entraîner dans sa chute sans fin! N'était-il pas, lui seul, omnipotent sur terre, toujours partout présent? Bien qu'il soit mort, son souffle ne vit-il point dans tout ce qui respire, poursuivant contre moi et les miens, la même œuvre de ruine, de mépris, de douleur et de désespérance ? Qui est-il jamais revenu nous enseigner les lois du royaume ignoré de la Mort, peut-être aussi injustes que celles qui maintenant nous chassent, ah ! vers quoi, vers quoi ?