Nous sommes civilisés. Nous avons été sélectionnés parmi des millions de personnes sur Terre. Si nous n'arrivons pas à fonctionner ensemble, quel espoir restera-t-il pour l'humanité?
Le paysage martien est semblable au Sud-Ouest américain: on y trouve des canyons, des ravins et des panoramas vastes et grandioses absolument partout. Là où le Grand Canyon fut creusé au cours de plus de vingt millions d'années, l'érosion sur Mars est le produit de milliards d'années de changements microscopiques.
Pour une planète faisant à peu près un tiers de la taille de la Terre, Mars possède une géologie extrême.
Olympus Mons fait passer l'Everest pour un château de sable.
Si Valles Marineris était situé sur Terre, ce serait comme si le Grand Canyon s'étendait de New York à Los Angeles en engloutissant tous les Etats sur son chemin.
Il existe quatorze avant-postes disséminés autour de la colonie dans un rayon de cent cinquante kilomètres. Tout comme le moyeu au cœur de notre base, les stations sont bâties dans des grottes et des tunnels de lave aux parois renforcées, la masse régolithique située au-dessus servant à réguler la pression de l’air à l’intérieur. Quelques stations ont aussi été construites en surface, mais le règlement n’y permet pas d’activité au-delà de quarante-huit heures d’affilée, à cause de l’accumulation des dommages provoqués par les radiations –pensez au bronzage, mais sans le bruissement de l’épiderme, seulement la destruction des cellules. Si sexy que puisse paraître une peau de bronze aux gens très pâles, la mort par fusion des paires de base de son ADN, ça craint.
Nous ne pouvons survivre sans oxygène que pendant quelques secondes à quelques minutes, mais les baleines peuvent survivre pendant des heures. Certaines araignées peuvent retenir leur souffle sous l'eau pendant des jours. Ensuite, il y a des créatures comme les tardigrades qui peuvent survivre presque indéfiniment dans un vide gelé, pour ne se réveiller que lorsque les conditions redeviennent favorables.
C’est très perturbant. Je me sens mal à l’aise. Nous nous posons les mauvaises questions et nous focalisons sur les mauvais éléments. Je repense à la note rédigée par Adin. « Je sais pourquoi ça a fait ça ! – « ça » ? Pas « lui », « elle » ou « eux » ? »
Ça.
Pourquoi cette absence de noms ?
Si Adin avait découvert qui était derrière les accidents, pourquoi ne pas l’identifier ?
Le temps est une anomalie. Tel instant semble ne pas vouloir s’arrêter, celui d’après passe à toute vitesse. Qu’il soit incroyablement rapide ou lent à en mourir, le temps est pénible. Tout ce qui paraissait si important hier est subitement hors de propos : Mars, la mission, mes recherches. Je ne sais pas si c’est le matin ou l’après-midi, mais quelqu’un commence à avoir faim et le petit-déjeuner se met en route. L’ambiance est maussade. La plupart des membres d’équipage sont arrivés à la même conclusion dans des murmures étouffés échangés avec leurs amis proches : on nous a abandonnés.
Lors d’une crise, notre professionnalisme de colons et de scientifiques passe au premier plan, et cela n’a rien d’une surprise. Nous avons été formés à être résilients.
« Il y a eu un échange de tirs nucléaires.
- Un échange ? lâche Harrison. Conneries ! On ne parle pas d’échanger nos adresses mail. C’est une foutue guerre atomique ! » Et là-dessus, notre professionnalisme collectif s’effondre. Chacun se met à parler plus fort que les autres dans une explosion de bruit.
« Nous ne savons pas encore à quoi nous avons affaire, mais oui, il semble que nous ayons rencontré des formes de vie indigènes. Pour eux, nous sommes les extraterrestres.
Les lombrics décomposent les déchets organiques dans de larges cuves hermétiquement fermées, puis le réseau complexe de tuyaux apporte les nutriments aux plantes hors-sol. Les abeilles fournissent le miel et pollinisent nos différentes espèces de végétaux, y compris les herbes médicinales ainsi que le jasmin et le frangipanier que Michelle a eu la bonne idée de faire venir depuis la Terre.
Pour moi, la loyauté est une affliction de l'esprit [...] Je tâche de me rapeller que, peu importe à quel point quelqu'un est bon, malin, ou super extra intelligent, personne n'est au dessus de la démarche scientifique. [...] Les scientifiques se moquent d'avoir raison ou tort, seul l'apprentissage leur importe. La loyauté est bonne pour les soldats, pas pour les chercheurs.