Tu sais qu'à Jérusalem, on insère des prières dans un grand mur pour attirer l'attention de Dieu ? A New York, tu ouvres un mur et tu en retires un sandwich.
Fais de ta langue ta patrie, Itsik. Fais en aussi ta maîtresse. Je te le promets, si tu agis de la sorte, tu ne seras jamais loin de ton foyer, tu n’auras jamais le cœur brisé. Tu te lèveras tous les matins en sachant que le monde t’appartient, peu importe le coin de la planète où tu te réveilles.
Les langues qui baignent nos vies sont constamment mouvantes et leurs mouvements se conjuguent à notre propre identité. En ce sens, la traduction ne se réduit pas à un pur acte intime comme le dit Malpesh [personnage du roman Chanson pour la fille du boucher], c'est aussi un acte créatif duquel nous naissons tous.
Pas même à Odessa, logée tout au bas de l'Europe et de la Russie comme un filtre à graisse dans un tuyau d'écoulement, je n'avais vu une telle diversité de Juifs.
La route est longue de Kichinev à Baltimore. Séparant le lieu où débuta ma vie de celui où elle s'achèvera sans doute, l'océan de l'histoire a fait rouler des vagues qui ont toujours menacé de m'entraîner par le fond. Comment ai-je survécu ? J'ai flotté sur un radeau de mots.
Bien des années plus tard, lorsque commencerait à exister une variété bronzée, mince et intimidante de Juifs qui se diraient Israéliens, ils me sembleraient familiers, car debout devant moi à cette époque lointaine - vingt ans avant que leur Etat ne soit créé - se tenait leur prototype, peut-être leur Ève.