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Critiques de Peter Stamm (141)
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Agnès

"Agnès" est une histoire dans une histoire, comme souvent chez Peter Stamm, un auteur suisse dont j'apprécie particulièrement les livres.

Un écrivain suisse d'âge mûr, rencontre dans une bibliothèque municipale de Chicago

une jeune étudiante américaine en physique qui prépare sa thèse de doctorat. Une fille assez étrange, froide avec laquelle il va entamer une relation singulière. La sollicitation de la fille pour qu'il écrive une histoire sur elle, va compliquer la relation. L'écrivain doublant l'amoureux va autopsier sa protagoniste en projetant son futur, leur futur...... À partir de là la fiction va intervenir sur la réalité au risque de prendre le pas sur elle.

Mais la fiction a-t-elle un pouvoir sur les aléas de la Vie, peut-elle rejoindre la réalité ?



Ce livre est une réflexion sur la complexité du sentiment amoureux mais aussi sur l'écriture et le métier d'écrivain. Inventer un personnage et son histoire, avoir une emprise sur son lecteur, est-ce une responsabilité négligeable ou sérieuse ? "Je me demande parfois si les écrivains savent vraiment ce qu'ils font, ce à quoi ils s'engagent." La fiction a une fin, Mais "La Vie n'a jamais le mot de la fin. Elle continue simplement."

Une lecture fort intéressante bien que l'atmosphère y soit glaciale et triste et le personnage de l'écrivain peu attachant, celui d'Agnès un peu plus. Si vous aimez les livres de Stamm, n'hésitez pas.





" le bonheur se peint avec des points, le malheur avec des traits...Tu dois, si tu veux décrire notre bonheur, faire des tas de petits points, comme Seurat.

Et ce n'est que d'une certaine distance qu'on verra que c'était vraiment du bonheur."

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Les archives des sentiments

« Les archives ne renvoient pas au monde, elles sont une copie du monde, un monde en soi. Et à la différence du monde réel, elles ont un ordre, tout y a une place déterminée, et avec un peu d'entraînement on peut facilement tout retrouver très vite. La véritable finalité des archives c'est être là et créer un ordre. »

Le narrateur , bizarre documentaliste d'un journal , licencié il rachète les archives papier vouées à la destruction qu'il a scrupuleusement découpées toute une vie, pour les rapatrier dans sa cave. Créer un ordre artificiel dans un monde chaotique où l'être vie constamment dans la peur de la solitude, l'abandon, et la perspective d'un lendemain incertain est pour cet homme vital. Car dans les archives de sa propre vie, il n'y a aucun ordre, c'est un amoncellement d'événements, de rencontres, de décisions qui se sont suivies de façon plus ou moins aléatoire et qui ont laissé leurs traces. Ce n'est que brume, incertitudes, même dans sa relation avec l'amour de sa vie, un amour non consumé , apparemment non réciproque pour Franziska, un bazar total , déroutant , le narrateur changeant constamment de perspectives de façon anachronique sur le sujet. Il n'est à l'aise qu'avec la matière, beaucoup moins avec les personnes et les sentiments .

Peter Stamm est le champion des romans denses où l'ambiguïté dans les relations et les sentiments humains sont au coeur du récit ici de même pour cette histoire d'archives 😊. Les archives de l'Histoire reflètent sa complexité, on ne peut rien y éliminer, car les rapports et conséquences des événements sont tous liés, « Ça n'a aucun sens d'éliminer au petit bonheur la chance des choses et des personnes, tout est lié, même le pire peut conduire à quelque chose de bon. ….. », car «  Dieu n'a pas non plus créé le monde en un jour ». Quand aux archives des sentiments , elles reviennent sur une thématique courante chez Stamm, la complexité du sentiment amoureux, « Je devrais dire maintenant que je l'aime encore, mais je ne suis pas certain que ce soit vrai, si c'est elle que j'aime ou les souvenirs que j'ai d'elle ». La solitude est toujours présente, un peu peut-être bien dû au contexte du pays, la Suisse, un pays froid qui me semble sans âme que je connais relativement bien. le monde de Stamm où les protagonistes vivent davantage dans des mondes inventés que dans le monde réel, essayant de les combiner selon leur désir 😊, n'est pas toujours facile à pénétrer; un monde complexe à l'image du Monde 😊, mais une fois qu'on y a accès il est fascinant, du moins pour moi.



« J'ai toujours été l'Étant-là. J'ai été ce que j'ai toujours été. Je suis celui que je suis. Un vide. »

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La douce indifférence du monde

Que feriez-vous si une nuit, rentrant à votre hotel, vous rencontreriez en la personne du portier de nuit, votre double en plus jeune ? Surtout que vous y aviez fait le même travail au même endroit dans votre jeunesse.....Le dernier Stamm, débute fort, déroutant le lecteur dés les premières pages. Le "vous" c'est le narrateur, un écrivain qui, vu la suite des événements va être aussi déboussolé que nous, lecteurs.

C'est cette histoire “à dormir debout” que raconte notre écrivain, quatorze ans plus tard, à Stockholm, à une inconnue (?), Magdalena, comédienne, marchant au Cimetière boisé. Une histoire qui se passe en Suisse, à Stockholm....et avec aussi, une autre Magdalena, comédienne,......"comme une pièce de théâtre montée par des metteurs en scène différents. Les décors ne sont pas les mêmes, le texte peut être modifié ou raccourci, mais l’action suit son cours inexorable."..., intrigant non ?



Histoire encastrée dans une autre histoire où Stamm brouille les frontières entre les personnages du passé et du présent.......Il en profite pour s’amuser avec la fiction, modulant les deux histoires à sa guise, remontant le temps, superposant le passé au présent (« Et quand nous sommes-nous vraiment embrassés pour la première fois ? demanda-t-elle. C’était un mois plus tard, dis-je. »), voulant faire vivre à son écrivain vieillissant ( son double 😊? ) au moins le temps du récit, l’illusion qu’il est de nouveau jeune et qu’il peut donner une autre tournure à sa vie.



L'idée du livre est géniale, et me rappelle un petit livre qui m'a fortement marquée dans la vie, "L'étrange vie d'Ivan Osokin" de P.D.Ouspensky. Peut-on modifier ce qui a déjà été vécu, si on nous donnait une seconde chance ?

Si le sujet vous attire, n'hésitez pas, laissez-vous emporter par la douce indifférence du monde, cette indifférence qui vous laissera perplexe, pensant à votre propre vie déjà vécue.......



"Dans la réalité il n’y a pas de fin, sauf la mort. Et elle est rarement heureuse.....Et tandis que je rentre à la maison, je m’imagine finir.....sans plus aucune attache pour échapper à la vie, sans laisser la moindre trace."





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D'étranges jardins

La solitude profonde d'une vie, celle de Regina, dont le mari est décédé , les enfants partis, « La visite »,

Le rendez-vous raté de deux solitaires, « Le Mur de flammes »,

« D'étranges jardins », témoin muet de la solitude de la voisine,

La solitude d'une décision qui disparaît dans une tempête de neige, « Toute la nuit »,

Les rapports humains paradoxalement si compliqués mais aussi si simples, mais qui n'empêchent la solitude,  « Comme un enfant, comme un ange »,....

Onze nouvelles où la solitude de l'être transpire à travers les petits détails banals du quotidien et l'insoutenable légèreté des rapports humains. Une prose simple sans fioritures, qui décèle pourtant tout une gamme de sensations, celles de la survie , dans une existence profondément solitaire. Triste,mais une réalité exprimée avec lucidité, sans pathos.

Mon deuxième Stamm, décidément un auteur dont la plume me plait et me touche beaucoup.
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Sept ans

Ca se passe en Allemagne, à Munich, sur presque deux décennies, années fin 80-90.

Notre narrateur, un bel étudiant en architecture rencontre une jolie étudiante brillante,également en architecture, d'un milieu beaucoup plus aisé que lui.

Egalement à la même époque, son chemin croise celui d'une polonaise, sans aucun charme, indolente, indifférente, employé dans une librairie chrétienne qui au premier abord ne l'attire même pas ("elle est moche, elle est ennuyeuse, elle ne parle pas, et quand il lui arrive de dire quelque chose, c'est la pire des banalités").

Il épouse la première, mais la polonaise reviendra dans le tableau.....devenant une obsession....

Voici apparemment un sujet de livre de la collection Harlequin.....mais ici l'auteur en est Peter Stamm et ça change tout.



Un homme qui a une piètre opinion de lui-même, qui manque de confiance en soi,

face à une femme brillante, sûr d'elle-même, en plus à ses yeux d'un niveau sociale plus élevé, socialement d'un autre monde, ça donne quoi à votre avis ? Pas besoin d'être psychologue pour en donner une réponse. Stamm se mettant dans la tête du narrateur, raconte l'histoire banale d'un homme qui assouvit son insécurité dans la relation charnelle avec une femme qu'il n'estime pas, dont il a honte et lui fait pitié ("une sorte de sensation chaude, obscure, comme un sentiment de sécurité qui me bouleversait. / n'y avait qu'au lit que j'aimais être avec elle, quand elle était étendue là, douce et lourde dans ses horribles vêtements, et que je me sentais complètement libre, sans entraves."). Quand à l'amour dans toute cette histoire à trois, ce mot qu'on utilise et définit à tout bout de champs, donnerait lieu ici à une psychanalyse sans fin .



À travers cette histoire, Peter Stamm parle de la complexité et de l'ambivalence du caractère humain et de celles des relations de couple. Ce qui en apparence semble parfait et en harmonie, cache généralement des sentiments ambigus, confus, contradictoires, des frustrations dont même les personnes concernées n'arrivent pas à déchiffrer ("J'aurais été incapable d'expliquer ma conduite à Sonia, même à moi je le pouvais à peine").......et aux conséquences souvent désastreuses et insolubles.

Une critique aussi de la société bourgeoise allemande ( mais valable aussi pour d'autres pays ) avec son snobisme, ses ambitions matérielles,ses relations superficielles basées sur le statut et l'argent....."la comédie de la bonne société, de l'élite cultivée" qui entrave la liberté auquel aspire notre beau narrateur.



Difficile de lâcher ce roman, à la prose simple mais d'une grande précision, où l'auteur grâce à la finesse de la construction du récit et de ses personnages nous surprend, et joue sur notre empathie pour eux, au fur et à mesure qu'on avance dans le récit; si bien que le narrateur qui m'a énervée les trois quarts du récit, m'est devenu presque sympathique vers la fin.

C'est mon premier Stamm et j'ai beaucoup aimé.





".....une vérité impossible à démontrer mais que je comprenais intuitivement."

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L'un l'autre

Merci à Babelio et à Christophe Bourgeois, éditeur, pour l’envoi de ce livre dans le cadre de masse critique.



L’un et l’autre,

L’un sans l’autre,

L’un avec l’autre,



Pas de trait d’union, pas de virgule, pas de particule…



Non.



L’un l’autre,



titre court, évocateur, lourd de sens,



choisi par Peter Stamm nous en dit déjà beaucoup !



Une peinture floue, mystérieuse en première de couverture....



Astrid et Thomas forment un couple ordinaire. Ils vivent harmonieusement dans une bourgade suisse. Elle était libraire quand ils se sont rencontrés, maintenant mère au foyer avec Ella et Konrad. Lui est banquier, sportif, ils occupent une maison familiale.

A leur retour de vacances en Espagne, le lendemain, Thomas disparaît….sans préavis… laissant son épouse, abandonnée dans sa disparition, son silence, sans explications.



Très rapidement après quelques pages, l’auteur nous plonge dans un suspens déroutant…



Qui est l’un ?

Qui est l’autre ?



Avec une écriture simple, mais « équipée » d’une caméra embarquée au bout de sa plume, subtil, Peter Stamm, nous fait rentrer en employant , des phrases courtes, dans l’errance de Thomas, ses pensées, les chemins qu’il emprunte, les paysages, les personnes qu’il rencontre. Puis, il alterne en décrivant l’avis d’Astrid, avec ses peurs, ses vertiges, ses questions, ses doutes et la vie qui continue, son rôle de mère …. Nous découvrons alors la géographie affective de chacun…



Cet écrivain questionne le lecteur sur le thème du couple, de la solitude propre à l’être humain et leur histoire pousse à essayer de donner un sens à cette disparition. Un récit factuel, sans jugement, mais pourtant sans réponse évidente... : A un moment, l’auteur nous fait basculer dans une autre dimension, par la trajectoire qu’il donne à ce roman où on imagine, on trébuche…sur la part du réel ou du….rêve donnée par la narration, cette brèche dans l’intrigue…pourtant on se relève et on va jusqu’au bout du chemin…



L’un l’autre…. une belle découverte, une rencontre littéraire inattendue….J’ai beaucoup aimé….



Un roman dont le thème résonne forcément en chacun de nous….



Je m’en vais….

Je lui laisse mon fardeau,

J’endosse mon sac à dos…



Cela ne vous a jamais seulement efffffleuré….. ? mais si….



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La douce indifférence du monde

Le narrateur de cette histoire, un écrivain profondément nostalgique et qui ressent sa vie comme étant « une pièce vide », rencontre une inconnue mystérieusement connectée à sa propre vie à qui il raconte son histoire, son amour perdu pour une femme qui lui ressemble, son travail d’écrivain, ses regrets et ses doutes, ses interrogations sur le sens de sa vie, son épaisseur et sa valeur dans « la douce indifférence du monde ».



Les vies se télescopent, les histoires s’entrecroisent, l’espace et le temps deviennent les théâtres déroutants de mises en abyme labyrinthiques où tout devient troublant et incertain. Identités menacées où « l’autre », tout à coup, double à la fois semblable et différent, devient plus réel que soi-même, vidant peut-être de sa substance ce que l’on croyait être sa propre vie…



« La douce indifférence du monde » est un récit onirique d’une inquiétante étrangeté, aux frontières de la folie, traversé par des jeux de miroirs et de reflets où s’entremêlent passé et présent, réalités rêvées et vécues et où se pose en filigrane la question de l’identité profonde des êtres – surtout lorsque, comme dans ce roman, écrivains ou acteurs, ils ont construit leurs vies au bord-même de la fiction.



J’ai savouré lentement cette histoire au charme hypnotique et un peu triste, cette écriture très épurée où il m’a semblé, dans la douceur et la nostalgie qui s’en dégagent, retrouver un peu par endroits quelque chose de l’univers et du ton de Modiano. Un moment de lecture très agréable, un écrivain que je ne connaissais pas et, pour moi, une belle découverte.



[Challenge MULTI-DÉFIS 2019]

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Sept ans

Je remercie d'abord chaleureusement l'amie de Babelio qui m'a fait acheter ce livre.

Cet ouvrage , à priori pourrait ressembler au triangle amoureux classique ou à un roman à l'eau de rose mais pas du tout !



Il est dérangeant, perturbant, intéressant, passionnant .

Alexander, le héros principal , architecte, passionné par son métier comme sa femme Sonia, ambitieuse et brillante s'installent à Munich, ouvrent un cabinet qui connaît un rapide succès .

Cette union idyllique en apparence se trouve bouleversée par la rencontre d'Alex avec Iwona, une Polonaise, sans papiers, peu cultivée, dénuée de charme, indolente, indifférente, mal habillée, qui travaille dans une librairie chrétienne .

Cette Iwona-- l'exact opposé de Sonia-- devient une véritable obsession pour Alex qui manque de confiance en lui ..

Il couche avec cette femme dont il a honte "Il n'y avait qu'au lit que j'aimais être avec elle ", elle lui fait pitié mais c'est un désir physique irrépressible ........





L'auteur , d'une écriture fine, au scalpel, qui agace , envoûte et fait réfléchir , floute à dessein les impressions, laisse à ses personnages un caractère énigmatique , il cultive le mystère avec talent et malice !

Sonia et Alex semblent mal assortis, elle ,aime t-elle vraiment son mari ? Consciente de sa supériorité de classe , taiseuse, volontaire, peu à l'aise au lit, pensant constamment à son travail, sa carrière, ses projets, ses réalisations futures .....



Lui, doté d'une femme trop brillante, trop belle, apparaît en définitive comme un lâche et un velléitaire.......

Que cherche t-il enfin, auprès de sa laide, ennuyeuse et inculte maîtresse Polonaise ?

Un avilissement , un obsessionnel désir physique ? Un antidote à une épouse trop parfaite ?

L'auteur explore l'infinie complexité des rapports Amoureux, l'ambiguïté et les côtés obscurs des relations de couple ..

Il critique les snobismes, les ambitions et les relations superficielles, le paraître et l'argent de la société bourgeoise Allemande , les faux - semblants.......

Traversé par des intrigues souterraines et des seconds rôles formidablement campés , cet ouvrage ouvre le champ de tous les possibles dans la comédie de la bonne société !

Un très bel ouvrage dont je ne connais pas l'auteur, de nationalité Suisse, ( inconnu de ma libraire) !

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L'un l'autre

A une époque, j'avais lu avec grand intérêt la plupart des livres de Julian Barnes, mais je sentais mon plaisir un chouia gêné par quelque-chose d'indéfinissable de son écriture. Je le trouvais un peu trop ceci ou trop cela : trop "distancié" de ses sujets, pas assez ludique, trop "cool", trop British, trop maître de ses moyens. J'ai éprouvé cela jusqu'à ce que je tombe sur un petit texte troublant, "Quand tout est déjà arrivé", un court essai d'une délicatesse à couper le souffle, nourri d'une douleur et d'un deuil dont Julian Barnes y parle sans savoir et sans pouvoir en parler vraiment. Ce jour, tous ses livres me sont apparus brusquement dans une lumière nouvelle, comme la lumière d'un matin neigeux se reflétant dans ton regard rafraîchi et reposé. D'un coup, toute l'humanité de ses livres, celle qui m'était restée auparavant inaccessible, s'est bousculée dans ma pensée, en modifiant radicalement mes souvenirs de lecture et le profil de Barnes (dont j'ai même repris quelques titres, que j'ai perçus résonner bien différemment).



Souvent je me suis fait la réflexion que dans une vie de lecteur, on avance à ses risques et périls un peu comme dans un couple : un jour, d'une façon inattendue, il arrive que l'autre fasse un geste, dise un mot, ait une certaine réaction, et d'un coup, dans ta tête, toute sa figure se met à changer. Quand on est prêt à vivre du bonheur, il y a la version heureuse : les manifestations de "l'autre" appellent la tendresse, installent et renouvellent sans cesse le lien. Dans l'autre cas, un tel geste, mot ou réaction incongrus venus de sa part nous l'éloignent à des années-lumière, nous le rendent inconnu et étranger ; ensuite, la distance s'accroît vertigineusement.



Heureusement, dans notre vie de lecteur, où les choix de couples possibles sont bien plus nombreux, on peut s'accorder le privilège d'abandonner sans états d'âme les auteurs non-affins et de s'offrir plutôt l'accès à l'expérience inverse : il se peut qu'un auteur (seulement très) moyennement adopté persiste dans cette zone grise jusqu'à ce qu'un éclair, un petit quelque-chose nous le rendent unique, proche et attachant, et l'on sait qu'un lien est en train de se construire et qu'il perdurera.



J'ai risqué un ressenti pareil en lisant "La douce indifférence du monde" de Peter Stamm : plaisant mais sans plus, joli mais assez froid exercice intellectuel et littéraire ; ultérieurement, j'ai avancé vite mais péniblement, m'inquiétant de voir mes réserves confirmées, dans un deuxième bouquin du même auteur, "L'un l'autre". La géométrie de l'écriture, la modernité dépassée (pensais-je) du sujet d'un déserteur de sa petite vie tiède, tout ça, tout ça m'agaçait pas mal. Sauf qu'à un moment donné, pendant quelques pages, en rencontrant un ton indéniablement singulier, dans la lumière d'un découpage de la réalité puissamment surprenant, j'ai senti venir cet instant quand tes réticences tombent et craquent. Quand les doutes se dissipent - un peu malgré toi - et ouvrent une faille où l'attachement s'insère. C'est toute la beauté de la vie de lecteur, et cela n'a pas d'explication rationnelle (ni de prix...), c'est comme l'un de ses personnages dit, dans "L'un l'autre" : "tout ce qu'on fait n'a pas forcément de sens". Et j'ai su, devant la beauté de ce livre envoûtant de par sa subtile mélancolie réaliste, que je ferai miens les livres de Peter Stamm.



En quelque sorte, "L'un l'autre" parle précisément de cet étrange phénomène qu'est l'adhésion à autrui et de la superbe (et inexplicable) continuité d'un lien.

A lire.
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Sept ans



Munich dans les années 1980. A la fin de ses études d’architecture, Alexander, issu d’un milieu modeste, rencontre simultanément ou presque deux femmes que tout oppose. La blonde Sonia, architecte tout comme lui, est une Allemande bien née, très belle, très intelligente, passionnée par son métier. La brune Iwona, une Polonaise en situation irrégulière, est rustre, mal fagotée, sans conversation, transparente, et travaille dans une librairie catholique. Marié à Sonia, il ne peut se détacher d’Iwona.



On ne peut réellement parler de triangle amoureux. Peter Stamm sonde l’esprit d’un homme perpétuellement indécis, qui ne sait jamais que faire ou qui choisir et se laisse porter par les événements sans culpabiliser. Nous sommes en permanence dans sa tête, sans jugement, sans comprendre ses comportements. En arrière-plan, en faisant intervenir des beaux-parents ou certaines fréquentations du couple, Stamm égratigne une société allemande favorisée bien pensante. Le résultat est en permanence troublant. La dernière page tournée, les trois protagonistes ne s’effacent pas de votre mémoire.



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D'étranges jardins

Les personnages principaux de ces nouvelles sont toujours à un moment déterminant de leur vie. Leur existence bifurque, c'est la conséquence d'un choix ou l'hésitation de celui qui n'est pas encore fait par eux ou par d'autres mais qui va les influencer, c'est le moment d'une découverte, d'un nouveau sentiment, d'un nouveau mode de vie, comme il arrive si souvent, finalement.

Et toujours, ces mêmes personnages ont comme compagne la solitude : soit qu'elle conditionne leur vie, soit qu'elle apparaisse fugitivement dans leur quotidien au moment de prendre une décision cruciale, ou au moment où ils prennent conscience d'une réalité qui va influencer leur vie, désormais.

Outre la solitude, l'environnement proche prend une place importante dans ces récits : une maison devenue trop grande, des jardins - qui ont d'ailleurs toujours un rôle bienfaiteur, seuls lieux de sérénité, témoins des saisons qui passent, des caravanes, lieux de vie, un appartement de fonction, une gare sous l'écrasante touffeur de l'été...



Pour dire ces vies, l'écriture se fait incisive, "transparente", limpide.

Si elle était un genre de peinture, ce serait l'aquarelle, toute en légèreté, toute en délicatesse mais qui laisse voir le détail.

Si c'était une musique, ce serait un morceau de clavecin ou de harpe pour laisser entendre le cristallin des sons sans tonitruance aucune.





Une fois la nouvelle lue, les personnages restent présents, comme si on avait réellement partagé un instant de leur quotidien : on ne leur a été d'aucun secours mais eux nous ont donné de regarder la vie différemment dorénavant, comme un enseignement à prendre en compte les petits signes que nous ne savons pas toujours remarquer ou à songer qu'il est besoin de si peu pour qu'une vie change de cap.



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Les archives des sentiments





"Je n’ai pas cherché la vie que je mène, elle s’est faite comme ça, sur la base de mes aptitudes, de rencontres de hasard et d’événements fortuits."



Le narrateur vit seul dans la maison de sa mère depuis le décès de celle-ci. Tout est resté ‘dans son jus’, même la chambre qu’il occupait adolescent. Ancien documentaliste pour un journal, il a en récupéré toutes les archives lors de son licenciement et la fermeture de son service. Il passe ses journées à couper, trier, classer selon un rituel. Rien ne pourrait le détourner de cette tache. Il n’a par ailleurs rien d’autre à faire de ses journées. Peu à peu, il va repenser au passé. Les événements se bousculent dans un ordre incertain, parfois dans une brume. Les femmes qu’il a aimées – mais les aimait-il - puis quittées. Ses pensées reviennent sans cesse à Franziska, une ancienne copine d’école devenue chanteuse célèbre en son temps. Cet amour jamais avoué. S’adressait-elle à lui lorsqu’elle chantait les chansons de Barbara, en particulier Dis quand reviendras-tu. L’aimait-elle ? L’aurait-elle aimé ? Le temps perdu ne se rattrape plus, mais est-il encore temps de lui avouer qu’il l’a toujours aimé ?



Peter Stamm dissèque avec justesse l’âme humaine et les sentiments. Et m’a une nouvelle fois touchée en plein cœur.







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La douce indifférence du monde

Pour faire un film d'animation, il suffit d'une première image ; d'une deuxième ensuite, qui peut très bien n'être que la première légèrement modifiée ; en superposant ces deux images, on en obtient une troisième : c'est ainsi que le mouvement naît. Le petit roman de Peter Stamm, un livre-songe, s'inscrit dans un tel intervalle mouvementé : une zone irriguée par la mélancolie, l'irrévocable et l'immuable, où notre imagination interprétative s'exerce et cherche du sens. C'est l'endroit où la douce indifférence du monde se niche, telle l'attention du lecteur guettant les indices d'un destin se déployant sous ses yeux et dont il se demande, à l'instar du personnage principal, s'il pourrait voir changer le cours des événements, si le fantastique saurait opérer jusqu'à « corriger » et modifier son histoire.



La première image est le vécu tel quel : l'histoire de l'amour raté de Christophe et Magdalena. La deuxième serait le livre que le premier choisit d'en faire, en préférant la littérature à l'amour (« Ce n'est qu'à présent que je comprenais qu'amour et liberté ne s'excluaient pas mais conditionnaient le fait que l'un n'était pas possible sans l'autre ») : cette démarche rend Christophe étranger à lui-même, et transforme la femme aimée en une étrangère elle aussi. le « film » qui en découle est par conséquent une chose également bien étrange : le récit – correspondant au présent de la narration – de cette histoire à 16 ans distance, récit fait à une femme (Léna) en tout semblable à l'amoureuse d'antan.



Maintes fois, les personnages errant dans les rues, pendant la nuit, regardent à l'intérieur des maisons éclairées. Ils s'y imaginent et se demandent quelles seraient leurs vies s'ils étaient à la place des autres : seraient-ils les mêmes dans d'autres situations ou seraient-ils tout à fait d'autres personnes ?



Peter Stamm joue magistralement avec plusieurs sujets « lourds » de la littérature : l'identité ; la rencontre avec son double ; l'impossible retour ; l'immuabilité de l'être ; la réécriture permanente de son vécu. On n'y éprouve pas d'émotion majeure, mais un plaisir heuristique certain, alimenté par la multiplicité de lectures possibles.



Ce doute constamment entretenu sur la capacité de la littérature de traduire fidèlement la vie se mue en une légère inquiétude qui nous accompagne une fois le livre refermé : car devenu un vieillard, Christophe pose sur son vécu un regard demeurant étonné, incrédule, et son sens lui échappe toujours.

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L'un l'autre

L'un l'autre est un livre qui sort de l'ordinaire. Peter Stamm aborde un sujet qui me hante, la disparition brutale d'une personne, ici la fuite de Thomas, mari d'Astrid et père de deux enfants Ella et Konrad.

Le sujet me direz-vous n'a rien n'a rien d'original, les disparitions ont été maintes fois traitées mais ici Peter Stamm nous livre un roman qui bouscule nos attentes et notre façon de penser.

De retour de vacances, cette petite famille ordinaire se réinstalle dans leur maison et c'est au moment où Astrid va coucher les enfants que l'on assiste au départ de Thomas. Ce départ est décrit avec minutie, on suit pas à pas Thomas, ses hésitations, ses précautions.

Tout le roman tourne autour de cette fuite qui nous interpelle et que nous ne comprenons pas. Astrid quant à elle, si elle ne sait pas pourquoi Thomas est parti, elle arrive à le comprendre.

Les paragraphes alternent entre le cheminement de Thomas qui avancent sur les chemins de montagne et Astrid qui part à sa recherche et poursuit ses réflexions.

Les deux thèmes centraux du livre sont la fuite et l'amour. Oui, l ‘amour car on sent que L'amour ne cesse d'exister ni chez l'un, ni chez l'autre. On a même le sentiment que Thomas peut partir car sa famille reste en lui et qu'il ne les quitte pas réellement. Astrid de son côté vit ce départ de façon extrêmement « philosophe » et avec hauteur, elle non plus ne remet pas en cause l'amour. C'est peut-être cela qui peut gêner et déplaire à certains car on s'attend à des réactions plus courantes, à une analyse psychologique détaillée du ressenti de l'absence mais c'est cette « prise de hauteur » qui fait la force de ce roman.

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Paysages aléatoires

« Les frontières se trouvaient sous la neige, la neige unifiait tout, l'obscurité occultait tout. Les véritables frontières étaient ailleurs : entre le jour et la nuit, l'hiver et l'été, entre les personnes. »



Dans le fin fond de la Norvège, il fait nuit plus qu'ailleurs et très froid. « Les hommes, c'était la blague qui circulait, refusaient de se marier en hiver parce que la nuit de noces durait alors trois mois. » C'est dans cet environnement que j'ai rencontré Katherine, une douanière qui fouille les navires pour trouver des cigarettes ou de l'alcool de contrebande que des marins russes peuvent transporter. C'est une petite bourgade où les gens sont peu nombreux et ne parlent pas beaucoup. Elle se sent perdue. Elle a déjà été mariée très jeune et a eu un enfant qu'elle élève seule depuis son divorce, sa mère lui prêtant main forte. Ce second époux la rassure au début, elle pense que c'est une bonne chose pour l'enfant. Mais petit à petit elle se sent privée de ce qu'elle est. Il aménage son intérieur à sa manière et retire ce qui lui appartient, par petites touches. Elle s'en aperçoit. C'est alors qu'elle découvre qu'il lui ment sur ses agissements, sur ses exploits. Et sa belle famille très pieuse en façade lui cherche des noises. Prise de panique, désœuvrée elle s'enfuit et pour la première fois passe sous le Cercle polaire. Un bateau, des trains, elle fuit son désarroi pour se retrouver à Boulogne en France et retrouver un ami. C'est un curieux roman qui laisse un certain vague à l'âme. On comprend le cheminement de cette femme et la galerie de portraits qui la côtoie est touchante. Je crois que ce qui m'a le plus marqué c'est la manière dont l'auteur m'a fait prendre conscience du métissage présent dans ces contrées. Il pointe avec finesse combien les racines sont importantes. « Mon père aussi était saame, dit Katherine. Pourquoi ne m'en as-tu jamais parlé ? »
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La douce indifférence du monde

Quel livre étrange et fascinant dont j'aimerais happer pour toujours sa beauté . Mais ce court roman de Peter Stamm qui m'a beaucoup marquée ne se laisse pas attraper facilement . Il est insaisissable, beau et troublant. J'ai évolué dans un songe doux mais très mélancolique, onirique et surréaliste.

Le passé, le présent, et l'avenir ne forment plus qu'un seul espace où le narrateur essaie de fixer pour toujours l'image d'une femme Magdalena qu'il a aimée et quittée pour écrire un livre.



Un jour, il rencontre Léna qui ressemble trait pour trait comme un double à la jeune Magdalena qu'il a connu une dizaine d'années auparavant. Dans l'hiver froid et brumeux de Stockholm, l'histoire réelle flirte avec le fantastique par le désir puissant d'arrêter le cours du temps et suivre un autre chemin. Que j'aurais aimé moi aussi attraper et suspendre le temps, arrêter la course folle du monde pour se retrouver, rien qu'un instant face à soi même et tendre la main vers celui ou celle que l'on est vraiment.



C'est un roman sublime et un très beau portrait féminin. Il m'a touchée par son ambiance fragile comme du verre et son obsession romantique à contenir le temps et l'espace pour que les plus beaux souvenirs ne se réduisent pas à une vieille photo jaunie. J'ai aimé l'atmosphère calme et sereine du roman malgré les rencontres déroutantes du narrateur. L'écriture très serrée où se mélangent les voix confondantes de Magdalena et Léna favorise le flou fantomatique des personnages et des situations.



J'ai aimé le combat silencieux du narrateur qui comme un chevalier des temps modernes brave le bruit incessant du monde et la place des nouvelles technologies où notre présence sur terre se mesurerait à notre célébrité sur internet.

J'ai beaucoup aimé la ténacité amoureuse de faire dévier le cours d'une vie qui se cogne à s'en faire mal aux miroirs déformants et labyrinthiques que nous faisons parfois de nos choix.

Je n'ai pu me détacher de ce beau roman cristallin qui a posé sur mes épaules une étreinte à la fois délicate et ferme.
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Paysages aléatoires

Il y a des livres pour l'été : Bonjour Tristesse", "L'étranger", "Le mépris" .... Des livres qui donnent chaud. "Paysages aléatoires" est un livre pour l'hiver. Un livre qui donne froid.



Kathrine vit au nord du cercle polaire, dans un petit port de pêche où il fait nuit la moitié de l'année. Employée des douanes, elle inspecte mollement les bâteaux de passage.

Elle a eu un enfant d'un premier mariage.

Elle s'est (mal) remariée avec un homme qui se révèle un menteur pathologique, protégé par une famille confite en dévotion.

A 28 ans, elle décide de quitter ce monde qui l'étouffe et de partir vers ce Sud qu'elle ne connaît pas.

Elle prend le bateau, le train, traverse l'Allemagne, voit la tour Eiffel, puis après avoir partagé le lit d'un Danois croisé quelques mois plus tôt dans sa ville natale, y revient.



Si la soudaine célébrité de Joël Dicker l'a éclipsé depuis quelques mois, Peter Stamm reste l'une des valeurs sures de la littérature suisse.

La lecture de son deuxième roman, publié en 2001, m'a fait découvrir et aimer cet auteur pudique qui réussit à rendre attachants des personnages ordinaires traversés par de profondes tensions.

Il n'y a aucune démagogie dans sa prose dépouillée, aucune concession à l'air du temps. Sa simplicité désabusée ne laisse pas insensible.
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Les archives des sentiments

Dans sa peur de l'oubli et son désir de mettre de l'ordre dans sa psyché et dans sa vie, un quinquagénaire solitaire classifie, range, inventorie tout ce qui fait le quotidien du monde.



Une habitude prise dans son ancien travail d'archiviste au sein de la rédaction du journal local. Des kilos de documents prennent la poussière dans le sous-sol de sa maison dont l'énorme dossier «Franzisca» qui en est le cœur.



Il, le narrateur dont on ne saura jamais le nom, parle à son amour d'enfance, Franzisca, devenue Fabienne, une chanteuse de variété adulée puis tombée dans l'oubli. Fabienne dont il a suivi la carrière durant trente ans. Mais, aujourd'hui, est-ce vraiment une bonne idée de lui écrire après un si long silence?



De quelles vérités sont faits nos souvenirs et surtout quelles réalités doit-on leur accorder ? Peut-on classer et organiser sa mémoire comme un banal cabinet d'archives ?



Souvenirs incomplets dans un cerveau thésaurus, Il, tendrement, nous raconte sa vie, une vie à moitié ratée, à moins que ce ne soit une vie à moitié réussie.

L'écriture, d'une incroyable douceur, de Peter Stamm nous entraîne dans une comédie romantique mélancolique mais jamais triste.



"Dis, Quand reviendras-tu ?" « Les archives des sentiments » comme un long poème élégiaque où l'on semble entendre la voix pure et fragile de notre chère Barbara.



« Si tu ne comprends pas qu'il te faut revenir. Je ferai de nous deux mes plus beaux souvenirs. Je reprendrai ma route , le monde m'émerveille. J'irai me réchauffer à un autre soleil. »



Un sacré beau moment de littérature qui touche au cœur.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Sept ans

Ah l'Amour, tout le monde en parle, tout le monde veut le rencontrer et le vivre mais ô combien c'est difficile, compliqué ! on y croit ou pas mais on se lance, on veut y croire !!! Ici la 4ème de couverture ainsi que la plupart des critiques parlent de trio amoureux, pourtant il s'agit plus d'histoires parallèles qui se croisent bien sûr à plusieurs reprises.

J'ai beaucoup apprécié le style et l'ambiance très particulière.

La psychologie des personnages est bien travaillée, ce qui renforce inévitablement le plaisir de lire ce livre si particulier.
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Sept ans

Alexander et Sonia accompagnés de leur petite fille Sophie forment un beau couple. Ils exercent, semble-t-il avec passion, le même métier d’architecte et ont monté ensemble une agence. 
Nous faisons leur connaissance à l’occasion du vernissage de Antje, une amie de longue date de Sonia qui a un peu participer au rapprochement de Sonia et Alexander.

Alexander va raconter à Antje une aventure dont il n’est pas fier, un lien complexe qui s’est noué avec une femme étrange Iwona.

Iwona, polonaise, qui vit illégalement en Allemagne, est une femme dénuée de charme, d’attraits, grise, informe, terne, vers laquelle dans un bar, par provocation, le pousse ses amis car il est le seul du groupe sans fille. Sans cela il ne l’aurait pas remarquée. Mais Il va se rendre compte qu’en sa compagnie, il se sent délivré de toute contrainte, libre car il se fiche de ce qu’elle peut penser de lui. 
Ce qui n’est pas le cas avec Sonia, trop belle, intimidante, dont les riches parents le méprisent, et avec le milieu des architectes qu’il côtoient.

«C’était comme si Iwona était la seule personne à me prendre au sérieux, la seule pour qui j’avais de l’importance. Elle seule voyait en moi plus que le gentil garçon ou l’architecte prometteur.»

En fait il se sent bien avec elle parce qu’il n’a pas d’efforts à faire pour jouer un rôle et surtout il pense qu’il pourra la quitter quand il voudra. 
Pourtant il ne pourra pas rompre totalement avec elle même après son mariage avec Sonia, trop parfaite.


Iwona ne réclame rien, ne lui en veut pas quand il la délaisse et revient des jours ou des mois après. Il ressent le besoin de la blesser pour se libérer d’elle mais «tandis que je croyais encore avoir du pouvoir sur elle, son pouvoir sur moi grandissait de plus en plus.» Iwona possède la force de ceux qui aime absolument, sans condition, elle vit de cet amour, de cette attente sans rien réclamer et c’est en cela que réside son emprise.

Ce livre est dérangeant, pesant mais comme le narrateur avec Iwona on ne le quitte pas facilement et on revient vers lui malgré soi. Il continue à faire son chemin après l’avoir terminé.

Sa force vient de ce qu’aucun des personnages n’est vraiment sympathique ni antipathique.
Ils nous sont proches par leur indifférence, leur égoïsme et leur lâcheté qu’accompagne chez Alexander un sentiment de culpabilité. Et comme le dit l’épigraphe de Le Corbusier «Les ombres et les clairs révèlent les formes.»

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