Titulaire d'un doctorat en biologie et ressources écologiques, spécialiste des fonds marins et De La faune pélagique, Peter Watts appartient au rang de celles et ceux qui proposent la plus exaltante des sciences-fictions contemporaine. La réédition toute récente de Vision aveugle roman aussi exigeant qu'électrisant, qui questionne les notions d'intelligence, de conscience et d'altérité fournit l'occasion rêvée pour une discussion sur les parutions récentes de l'auteur, ses projets, la science-fiction, la vie, la mort, la fin du monde
Rendez-vous le mercredi 17 novembre 2021 à 18h !
Modération : Erwann Perchoc
Interprète : Cyrielle Lebourg-Thieullent.
Illustrations : Manchu
https://www.belial.fr/peter-watts/vision-aveugle_belial
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Vous vous y connaissez en physique quantique Myles ?
Il secoua la tête. Pas particulièrement non.
Rien n'existe vraiment, du moins au niveau subatomique. Tout n'est qu'onde de probabilité. Jusqu'à ce que quelqu'un regarde, en tout cas. Alors l'onde s'effondre et on obtient ce que nous appelons « réalité ». Mais ça ne peut arriver qu'avec un observateur pour lancer le mouvement.
Où pouvons-nous aller, depuis notre situation actuelle ? Où peut-on aller, avec sept milliards d'hominidés qui n'arrivent pas à contrôler leur appétit, font chaque jour disparaître trente espèces sous le poids de leurs empreintes, sont trop occupés à rejeter la théorie de l'évolution et à construire des drones tueurs pour s'apercevoir que les calottes glaciaires sont en train de fondre ? Comment écrire un avenir proche plausible dans lequel nous avons réussi à stopper les inondations et les guerres de l'eau, dans lequel nous n'avons pas fait disparaître des écosystèmes entiers et transformé des millions de nos semblables en réfugiés climatiques ?
C'est impossible.
(Extrait de l'essai "En route vers la dystopie avec l'optimiste en colère", dans le recueil "Au-delà du gouffre")
Les cerveaux du Paradis sont en réseau, mais tout est inconscient... le surplus interneural laissé par vos besoins courants est loué à l'extérieur pour sa puissance de calcul tandis que votre âme flotte au-dessus d'un monde sorti de son imagination. C'est le modèle économique ultime : donnez-nous votre cerveau pour faire fonctionner nos machines et nous assurerons le divertissement de ses reliquats conscients.
(Le Colonel)
Cela me semble obscène - une offense contre la création elle-même – de rester prisonnier de cette peau. Elle est si mal adaptée à son environnement quelle a besoin d'être enveloppée dans de multitudes couches de tissu pour simplement conserver sa chaleur.
Un bref tintement surgit soudain entre mes oreilles. Un verre ne serait pas de refus: cela serait vraiment agréable que l'arôme boisé d'un bon vieux scotch se glisse dans mes sinus. Je regarde autour de moi, découvre le panneau publicitaire qui m'a ciblé. Crown Royal. Putain de spam mental. Je remercie intérieurement les interdictions légales d'implantation nominative des marques: on peut me fourrer des envies dans la tête, mais me rendre accro à des marques commerciales franchirait le seuil de je ne sais quel seuil de "libre arbitre". C'est un geste futile, une concession aux fanatiques des droits civiques.
(Les Yeux de Dieu)
Dans la forêt, les hommes reconnaissent leur Mère. Elle produit les fruits et les racines qui les nourrit, elle les abrite, elle leur offre les potions, les onguents qui soignent leurs maux, ainsi que les parures nécessaires à la fête qui suit la guérison. Mais, de même que l'embryon baigne dans la chaleur du ventre maternel sans velléité d'en sortir, de même ils restent confinés en elle. A cela, il y a une bonne raison : s'éloigner de son giron, c'est se condamner à mourir asphyxié.
(Christian Léourier - "La longue patience de la forêt")
Quel genre de monde peut rejeter la "communion"?
Qui est l'intuition la plus simple, la plus irréductible que la biomasse peut avoir. Plus on est capable de changer, plus on peut s'adapter. Et s'adapter, c'est être apte, s'adapter, c'est survivre. C'est plus profond que l'intelligence, plus profond que les tissus ; c'est "cellulaire", c'est axiomatique. Et de surcroît, c'est jouissif.
(Les Choses)
J'ai entendu assez de platitudes comme ça chez la véto, tu comprends ? J'en ai marre des gens qui disent "Il veut mourir" en pensant "Ça coûterait trop cher". Et j'en ai par-dessus la tête que des gens disent "amour" en pensant "économie".
(Chair faite parole)
Ça fait des heures qu'elle est dehors à écouter les nuages.
Abandonnée à elle-même, l'humanité suce son pouce et croupit dans sa merde ; confrontée à l'Autre, elle construit des portails vers l'infini...
La seule chose dont ils ont jamais eu besoin, c'était d'un ennemi.
(Éclat)