Le récit de Philip Meadows Taylor est fondé sur des confessions authentiques. Le jeune Amir Ali a été initié pour devenir un membre de la secte des étrangleurs ; voici ce que lui déclare son père adoptif, qui l' a élevé après avoir assassiné ses parents :
"Mon fils, tu as embrassé la profession la plus ancienne et la plus agréable à la divinité. Tu as juré d'être fidèle, brave et discret. Tu as juré de poursuivre la destruction de tout être vivant qui, par hasard ou par ruse, tombera en ton pouvoir, à l'exception de ceux qu'interdisent de tuer les lois de notre secte et qui doivent nous être sacrés.
Ce sont des sectes sur lesquelles ne s'étend pas notre pouvoir, et dont le sacrifice n'est pas agréable à notre divine maîtresse. Tels sont les blanchisseurs, les poètes, les Sikhs, les nanukshahis, les fakirs, les danseurs, les musiciens, les balayeurs, ceux qui pressent l'huile, les forgerons, les charpentiers et tous les blessés ou infirmes, ainsi que les lépreux.
A ces exceptions près, toute la race des hommes est offerte à ton pouvoir d'anéantissement et tu ne dois éviter aucune possibilité de les détruire."
( les nanukshahis sont une catégorie de religieux mendiants )
J'attendais anxieusement le signal ; je tenais crispé dans ma main le mouchoir fatal, tandis que ma première victime était juste devant moi. Il fit un pas ou deux vers la route, j'en fis autant, ayant à peine conscience de mes mouvements, si intense était le regard que j'attachais sur lui.
"Victoire à Kali !" s'exclama mon père. Le signal ! J'obéis ! Rapide comme la pensée, le roumal (mouchoir thug) se noua autour de sa nuque...
Je semblais doué de force surhumaine. Je tordis ma prise. Il lutta convulsivement quelques instants, puis tomba. Je ne relâchai pas mon étreinte, m'agenouillant sur lui, jusqu’à m'en faire mal aux mains : il ne bougeait plus. Il était mort. Je me relevai. Le sang battait à mes tempes et à mes oreilles. Il me semblait que j'aurais pu en faire autant à une centaine d'hommes, tant la chose m'avait paru facile.